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Paris prêt à bloquer les comptes du clan Ben Ali en France

Le gouvernement estime aussi que les membres de la famille du président déchu qui ont trouvé refuge en France n'ont "pas vocation à rester".

Le Monde avec AFP

Publié le 15 janvier 2011 à 14h24, modifié le 16 janvier 2011 à 20h26

Temps de Lecture 7 min.

Zine El-Abidine Ben Ali.

La France a pris "les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement", a indiqué, samedi 15 janvier, le président Nicolas Sarkozy dans un communiqué. "Elle est à la disposition des autorités constitutionnelles pour répondre, sans délai, à toute demande sur des avoirs tunisiens en France", ajoute-t-il.

Le ministre du budget, François Baroin, a précisé sur France Info qu'instruction avait été donnée à Tracfin (organisme chargé de lutter contre le trafic des capitaux) d'informer les banques pour qu'elles "exercent une vigilance renforcée sur tous les mouvements financiers" pouvant concerner "les avoirs de la famille et de l'entourage de l'ancien président Ben Ali". "Ces établissements devront informer Tracfin qui pourra ainsi bloquer les opérations et, le cas échéant, saisir l'autorité judiciaire", a-t-il ajouté précisant qu'il s'agissait d'une mesure "préventive""Il est possible, probable qu'il y ait des avoirs financiers ici comme un peu partout dans le monde", a dit M. Baroin.

Le communiqué de l'Elysée indique également que Paris "apporte un soutien déterminé" à "la volonté de démocratie" du peuple tunisien. Cette déclaration est la première prise de position claire en faveur du mouvement de manifestations en Tunisie. "La politique de la France est fondée sur deux principes constants : la non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat souverain, le soutien à la démocratie et à la liberté", explique M. Sarkozy.

A la sortie de l'Elysée, le 15 janvier.

Le communiqué du président a été publié à l'issue d'une réunion interministérielle à l'Elysée avec notamment le premier ministre, François Fillon, et les ministres Michèle Alliot-Marie (affaires étrangères) et Brice Hortefeux (intérieur).

Les proches de Ben Ali vont quitter la France

Les proches de l'ex-président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali présents sur le sol français n'ont "pas vocation à rester" et ils "vont le quitter", a par ailleurs affirmé M. Baroin à France Info. Le porte-parole du gouvernement répondait à une question sur le séjour de plusieurs proches de M. Ben Ali au parc d'attraction Eurodisney, en Seine-et-Marne. "La famille de Ben Ali présente sur le sol français n'a pas vocation à rester", "cette famille n'a pas manifesté son désir de rester sur le sol français, et ils vont le quitter", a affirmé François Baroin.

Des proches de l'ex-président tunisien, dont une de ses filles et sa seconde épouse Leïla Trabelsi, ont effectivement quitté samedi après-midi l'hôtel du parc Eurodisney où ils séjournaient, selon des sources concordantes. Le groupe était arrivé en France dès jeudi, veille du départ de Tunisie du président, sous la pression de la rue. Ces personnes, dont le nombre n'a pas été précisé, "sont parties il y a une heure ou deux", a déclaré en milieu d'après-midi un responsable du Disneyland Hotel sous couvert de l'anonymat. "Tout le groupe est parti, personne ne sait où ils sont allés", a-t-il poursuivi sans plus de précisions. Selon des informations du Monde, les proches de M. Ben Ali, placés sous la protection de la police française, devrait prendre la direction de l'Arabie saoudite, où l'ex-président a trouvé refuge.

M. Baroin a par ailleurs assuré qu'il n'avait "jamais été question d'une présence" de l'ex-président sur le sol français. "Ça n'a pas été formulé et ça n'aurait pas été accepté", a assuré le porte-parole du gouvernement. Des rumeurs avaient couru vendredi soir à propos de l'arrivée en France de Zine El-Abidine Ben Ali.

Le Conseil constitutionnel proclame le président de la chambre des députés président par intérim

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A Tunis, le président du Parlement, Foued Mebazaa, a été proclamé samedi président par intérim par le Conseil constitutionnel, écartant ainsi la possibilité d'un retour à la tête de l'Etat de Ben Ali. Vendredi, après la fuite du président, son premier ministre Mohamed Ghannouchi, 69 ans, était intervenu à la télévision nationale pour revendiquer la présidence par intérim de la Tunisie. Mais sa nomination en vertu de l'article 56 laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de M. Ben Ali et avait été contestée à la fois par des juristes, une partie de l'opposition et la rue.

De fait, Mohammed Ghannouchi n'avait pas mentionné d'élections après sa nomination, s'engageant seulement à "mettre en œuvre des décisions" prises par M. Ben Ali, notamment la tenue de législatives anticipées dans un délai de six mois.

Le président du Parlement tunisien, Foued Mebazaa, en mars 2007.

Samedi, M. Mebazaa a confié à M. Ghannouchi la tâche de former un gouvernement de coalition. "J'ai demandé à Mohamed Ghannouchi de former un nouveau gouvernement d'unité nationale", a annoncé à la télévision le président du Parlement, qui venait de prêter serment en tant que président par intérim.

Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennhadha, qui n'a aucun lien de parenté avec le premier ministre, a déclaré qu'il "prépare" son retour au pays, et qu'il est disposé à la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Lire le portrait de Foued Mebazaa

La situation reste tendue sur le terrain

Ce nouveau rebondissement institutionnel s'est produit au moment où des manifestations et des marches ont commencé dans des villes de province pour réclamer le départ de Mohammed Ghannouchi, dont la présence à la tête de l'Etat n'aura duré que moins de 24 heures. Ces marches se déroulaient en dépit de l'état d'urgence qui interdit tout rassemblement sur la voie publique et donne aux forces de l'ordre la possibilité de tirer sur ceux violant ces dispositions.

Plusieurs quartiers de la banlieue de Tunis ont vécu une nuit d'angoisse en raison de destructions et de pillages menés par des bandes de personnes encagoulées, selon les témoignages d'habitants apeurés, qui ont été relayés par les télévisions locales. Dans plusieurs quartiers de la ville, des voitures transportant des hommes armés circulaient à vive allure, samedi soir, ouvrant le feu au hasard sur des bâtiments ou des attroupements. L'identité de ces hommes n'a pas été établie, mais un haut responsable militaire, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a affirmé que des éléments loyaux au président Ben Ali se déployaient à travers la Tunisie.

Des appels ont été lancés à l'armée, qui protège dans le cadre de l'état d'urgence des bâtiments publics, pour qu'elle intervienne d'urgence contre les bandes de pillards. Le centre de la capitale a progressivement été bouclé.

Des hommes armés de bâtons montent la garde à l'entrée de leur quartier pour éviter la venue de pillards.

La journée de samedi a également vu l'incident le plus meurtrier depuis le début des émeutes se produire à Monastir. La prison de cette ville du centre-est du pays a brûlé lors d'une tentative d'évasion, tuant au moins 42 prisonniers. Dans plusieurs villes du pays, des mutineries ou des attaques de prisons ont eu lieu.

Par ailleurs, un photographe français a été blessé à la tête par un tir de grenade lacrymogène, vendredi, et se trouvait samedi dans un état "très grave", son pronostic vital étant engagé.

Lire la synthèse sur la situation sécuritaire dans le pays

La famille Ben Ali en Arabie saoudite

L'ancien président  et sa famille sont arrivés dans la nuit de vendredi à samedi en Arabie saoudite, où ils resteront pour une durée indéterminée. "Le royaume salue l'arrivée de Zine El-Abidine Ben Ali et de son épouse", est-il écrit dans un communiqué diffusé par l'agence officielle de presse saoudienne. Un responsable saoudien a déclaré à Reuters que l'ancien président tunisien se trouvait dans la ville portuaire de Djedda.

Vendredi, dès l'annonce du départ du président, au terme d'un règne sans partage de vingt-trois ans, Paris a très vite écarté son éventuelle arrivée à Paris. Les autorités françaises estiment que M.Ben Ali se retrouverait avec une communauté tunisienne en France qui lui est hostile et qu'il serait susceptible de faire l'objet de poursuites judiciaires. Pour l'Arabie saoudite, la décision d'accueillir Ben Ali se fonde sur les "circonstances exceptionnelles" actuellement en vigueur en Tunisie.

Lire les précisions sur les pérégrinations de la famille Ben Ali

Les Tunisiens de France manifestent leur joie

A Paris, Marseille, Bordeaux, Nice, Lyon ou Toulouse, des milliers de personnes se sont rassemblées pour crier leur joie devant la chute du régime de Ben Ali. A Paris, ils étaient 8 000, selon la police. Les manifestants, essentiellement des Tunisiens et des Franco-Tunisiens, ainsi que des représentants des partis de gauche français, ont dénoncé "l'hypocrisie" du pouvoir français, qui s'est montré très mesuré dans sa réaction à la répression en Tunisie.

Voir le détail des manifestations oragnisées en France

Les touristes français rapatriés dimanche

L'essentiel des retours anticipés de touristes français en vacances en Tunisie devrait être achevé dimanche soir avec l'affrètement de douze avions supplémentaires par les voyagistes, a annoncé samedi soir le président de l'Association des tour-opérateurs (CETO). Samedi matin, M. Chikli estimait que ces retours anticipés prendraient plusieurs jours, compte tenu des problèmes de logistiques entre couvre-feu en Tunisie et difficutés de trouver des avions et des équipages. Tous les aéroports tunisiens ont été rouverts au trafic aérien samedi matin. Ils avaient été fermés la veille, au moment où l'ancien président Zine En Abidine s'apprêtait à fuir le pays.

Pour en savoir plus :

Lire la synthèse des événements de vendredi : La journée qui a fait tomber Ben Ali

Voir l'infographie Retour sur un mois de révolte

Lire l'éditorial du Monde L'espoir d'une transition démocratique et l'analyse de Gilles Paris sur l'état des démocraties dans le monde arabe

Le Monde avec AFP

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