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Maroc : Mohammed VI aime les îles Vierges

Les « Panama papers » montrent que l’entourage du roi du Maroc gère, via plusieurs sociétés offshore, un luxueux voilier, un hôtel particulier à Paris, ou des participations dans une société cotée.

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Publié le 04 avril 2016 à 15h41, modifié le 04 avril 2016 à 13h41

Temps de Lecture 3 min.

Le roi Mohammed VI et le prince Moulay Rachid, en 2014 à Tunis.

Sa Majesté Mohammed VI, roi du Maroc, a choisi une certaine discrétion pour quelques transactions privées : il a acheté un bateau et investi dans une société cotée à la Bourse de Casablanca par le biais d’une société des îles Vierges britanniques, SMCD Ltd. Une autre société lui a facilité l’achat et la rénovation d’un hôtel particulier à Paris. Ces structures offshore, qui masquent les ayants droit véritables, ont été montées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca. Les « Panama papers », consultés par Le Monde et ses partenaires, permettent d’affirmer que le roi était bel et bien le bénéficiaire des montages.

Un trois-mâts de 41 mètres

Créée en 2005, SMCD Ltd donne fin janvier 2006 pouvoir à Mohamed Mounir Majidi pour procéder « à l’achat, la livraison et le transfert du navire Aquarius W », une superbe goélette américaine. M. Majidi est le secrétaire particulier du roi Mohammed VI, et à ce titre chargé de gérer ses affaires privées. Quatre juristes, deux à Londres et deux à Casablanca, seront chargés d’enregistrer au Maroc le bateau rebaptisé « El Boughaz 1 ». Le majestueux trois-mâts de 41,47 m, construit en 1930, mouille souvent au large de la côte méditerranéenne du royaume, où il est devenu une attraction pour les plaisanciers.

En mars de la même année, SMCD Ltd accorde un pouvoir très général à M. Majidi pour agir au nom de la société, faisant du secrétaire particulier du roi le gérant de fait de la société, dont les activités semblent pourtant très limitées. L’intéressé n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde. SMCD Ltd sera finalement liquidée en août 2013. Ses comptes sont alors transférés au bénéfice d’une autre société offshore des îles Vierges britanniques, Langston Group SA, qui a elle-même servi de véhicule à une convention de prêt pour une société de droit luxembourgeois, Logimed Investments SARL.

Prêteur, emprunteur et bénéficiaire

En 2003, une autre société domiciliée par Mossack Fonseca dans les îles Vierges, EPOS International Corp., prête 36 millions d’euros « avec effet au 3 juin 2003 » à une société luxembourgeoise, l’Immobilière Orion SA. Le contrat précise que « l’emprunteur ne paiera pas d’intérêts sur le montant du prêt. En contrepartie, le prêteur, l’ayant droit économique du prêteur et ses proches pourront utiliser l’immeuble acquis par l’emprunteur à des fins personnelles et ceci aussi souvent qu’ils en auront besoin ». Une formulation sophistiquée qui semble signifier que Mohammed VI est à la fois prêteur, emprunteur et bénéficiaire du montage. Immobilière Orion, dont le secrétaire particulier de Mohammed VI est administrateur, s’est en effet portée acquéreuse d’un bel hôtel particulier près des Invalides, dans le 7e arrondissement de Paris, et a obtenu, en 2013, un permis de construire qui donne une description précise des travaux : les étages seront entièrement reconstruits, les façades ravalées, les toitures refaites, une piscine aménagée.

Un investissement dans une entreprise cotée

Contrairement aux déclarations de ses gestionnaires lors de sa liquidation, SMCD a aussi été le véhicule offshore pour un investissement royal dans une entreprise cotée à la Bourse de Casablanca : Alliances Développement Immobilier (ADI), dirigée par Mohamed Alami Lazrak Nafakh, un ancien cadre de l’Omnium nord-africain. L’ONA, holding royale, a été repris en 2010 par SNI, la société nationale d’investissement, désormais l’outil principal des activités économiques du Palais.

En février 2008, avant son introduction en Bourse, ADI comptait déjà SMCD Ltd dans son tour de table, comme l’a révélé le site d’informations ledesk.ma. Or, si SMCD Ltd semble bien avoir été liquidée en août 2013, elle apparaît aujourd’hui encore dans les registres d’actionnaires d’ADI. Pire : en août 2015, ADI émettait un emprunt obligataire remboursable en actions pour un milliard de dirhams (environ 90 millions d’euros). La note d’information, visée par le conseil déontologique des valeurs mobilières, mentionne encore SMCD comme titulaire de 185 000 actions, soit 1,4 % du capital. Ailleurs, une information erronée sur les actionnaires d’une entreprise cotée provoquerait un scandale boursier. Pas au Maroc.

Selon le quotidien casablancais L’Economiste, SMCD Ltd aurait cédé sa participation dans Alliances en 2011. Si c’est le cas, les ayants droit de la société des îles Vierges ont eu du flair. Car ADI a commencé en 2014 à péricliter et se retrouve aujourd’hui menacée de faillite. Alliances Développement Immobilier, qui a été suspendue de la cote, a annoncé le 31 mars préparer un plan de redressement. Le groupe immobilier a vu son chiffre d’affaires fondre de 4,267 milliards de dirhams en 2013 (389 millions d’euros) à 2,932 milliards en 2014 (268 millions d’euros) et n’a pas présenté à temps ses résultats annuels 2015.

#BahamasLeaks Le lexique de l'offshore
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