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L’opposition iranienne réaffirme son existence lors de la journée d’Al-Qods

Malgré la répression, des dizaines de milliers de contestataires ont manifesté à Téhéran.

Par Marie-Claude Decamps

Publié le 19 septembre 2009 à 12h17, modifié le 19 septembre 2009 à 12h17

Temps de Lecture 3 min.

Combien étaient-ils? L’opposition réformatrice parle de 500000personnes dans les rues de Téhéran, voire plus. D’autres de plusieurs dizaines de milliers. Une seule certitude: la journée traditionnelle d’Al-Qods (Jérusalem), instituée par l’ayatollah Khomeyni il y a trente ans pour soutenir les Palestiniens, s’est transformée, vendredi 18septembre, en une grande vague de contestation "verte". Verte, comme la couleur du mouvement de protestation lancé par Mir Hossein Moussavi, ex-premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle de juin, qui conteste la victoire de Mahmoud Ahmadinejad.

Quatre mille arrestations en trois mois (près de 200 personnes au moins sont encore détenues), des "aveux" forcés à la télévision d’Etat pour certains militants, des tortures pour d’autres, rien n’a, semble-t-il, pu dissuader les militants de l’opposition de profiter de la marche annuelle pro-palestinienne pour se faire entendre. Pas même la dernière vague d’arrestations, cette semaine, qui vise des enfants de personnalités du régime déjà emprisonnés comme l’ex-vice-président du Parlement, Mohsen Mirdamadi, dont le fils a été interpellé, ou de grands religieux trop critiques du pouvoir actuel: les petits-fils du grand ayatollah Montazeri ont été arrêtés à Qom, la ville sainte, ainsi que le fils de l’ayatollah Mousavi Tabrizi. Une pratique qualifiée de "prise d’otage familiale pour faire des pressions politiques" par le site Modvj sabz (Bague verte).

"MENTEUR ! OÙ SONT TES 63  % ?"

Bracelets et chemises vertes, banderoles, drapeaux: les signes de ralliement se sont multipliés, vendredi, dans les grandes avenues de Téhéran, ceinturées par la police antiémeute et les miliciens bassidji armés de matraques. Des affrontements ont eu lieu.
Le périmètre de l’université de Téhéran, lieu de la prière du vendredi où parlait M.Ahmadinejad, était réduit à l’état de bunker surprotégé par la police, selon des témoins. Et tandis que M.Ahmadinejad prononçait un violent discours contre Israël, les manifestants ont scandé à plein poumons: "Dorough gou! chast o seh darsadat koo! (Menteur! Où sont tes 63 %?)". Le bruit était tel que le président aurait écourté son discours.

Après quoi, les opposants ont entonné un chant, devenu le mot d’ordre de la journée, tiré d’un texte du poète Mochini. Que dit ce poème? "Laisse tomber ton fusil, je hais cet instrument sanguinaire aussi bien au Liban, à Qods que dans les rues d’Iran." Ce qui est déjà une forme de contestation publique de la "diplomatie" musclée et militariste de M.Ahmadinejad au Moyen-Orient. En réponse aux "Mort à Israël!", traditionnels dans cette journée de soutien à la Palestine, ont aussi fusé dans la foule des slogans nouveaux "Mort à la Russie! Mort à la Chine!", alliés de l’Iran. Ce n’était pas le seul changement dans l’attitude des manifestants "verts" qui, vendredi, se sont comptés dans les rues, ce qu’ils n’avaient pu faire depuis la manifestation du 9juillet commémorant le soulèvement étudiant de 1999, durement réprimé.

Behzad, ancien restaurateur au chômage, était parmi eux. Au téléphone, il nous a confié son témoignage: "Lors des grandes manifestations de juin, j’étais terrorisé. Vendredi, nous n’avions plus peur. En nous voyant tous dans la rue, nous avons repris confiance. La différence, c’est que cette fois nous avons répliqué. Mon neveu a été battu à coups de matraque par des bassidji près de la place Valli-a-Ast. Quand ils ont voulu l’embarquer,les gens autour de nous les en ont empêchés en leur jetant des pierres et tout ce qu’ils pouvaient."

"S’ILS T’ARRÊTENT, CE SERA LA RÉVOLTE"

Même solidarité au secours des trois chefs réformateurs qui s’étaient rendus à la marche. L’ex-président Mohammad Khatami, attaqué par un groupe de fondamentalistes, s’est vu arracher son turban. La foule a empêché qu’il soit blessé car, selon certaines sources, ses assaillants étaient munis d’armes blanches. M.Moussavi a été assiégé dans sa voiture et traité d’"hyprocrite". Quant à Medhdi Karoubi, ce religieux réformateur qui a dénoncé viols et tortures en prison, il a pu, sous la protection des manifestants, participer à la marche plus d’une heure sous les ovations: "Karoubi notre héros! S’ils t’arrêtent, ce sera la révolte."

Des arrestations, il y en a eu des dizaines, notamment en province à Tabriz, Ispahan ou Karaj. A Chiraz, selon des témoins, une vingtaine de personnes détenues auraient été délivrées par les manifestants des mains des miliciens. "Voir cette foule pas intimidée du tout dans la rue après la répression terrible des mois derniers a dû être un choc pour le pouvoir", disait encore Behzad. Et l’analyste Ahmad Salamatian de conclure: "Vendredi, l’angoisse et la crainte ont changé de camp. L’hésitation s’installe au plus haut du pouvoir." De fait, dans la soirée, le vice-président du Parlement, Mohammad Reza Bahonar, dénonçait la répression.

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