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Nouvelle-Calédonie : où en est le processus d'indépendance ?

Entamé il y a plus de dix ans, la marche vers l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie pourrait aboutir à partir de 2014. Où en est ce vaste chantier ?

Par Angela Bolis

Publié le 26 août 2011 à 20h15, modifié le 29 août 2011 à 09h18

Temps de Lecture 5 min.

L'indépendance de la Nouvelle-Calédonie est rendue en partie possible par la manne financière représentée par l'exploitation du nickel.

Progressif et ambitieux, le processus d'indépendance de la Nouvelle-Calédonie gagne du terrain au fil d'avancées tantôt symboliques, tantôt plus concrètes. Les symboles d'abord : l'année dernière, l'île a adopté un hymne, une devise, le graphisme des billets et, flottant parmi ses flamboyants aux côtés du drapeau tricolore, l'étandard kanaky.

Mesure sensible et controversée, cet affichage du "double drapeau" est une reconnaissance essentielle pour les Kanaks : "Pour nous, c'est très important, on est un peuple de symboles, de parole, on prend ça à cœur, explique Anthony Lecren, ministre de l'économie et du développement durable dans le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et membre du parti indépendantiste Union calédonienne. Ça préfigure un état d'esprit nouveau : on est sorti d'une idéologie cloisonnée entre indépendantistes et non-indépendantistes."

Une posture qui, selon le ministre, se traduit dans les institutions par un meilleur partage des pouvoirs : malgré une majorité de droite non indépendantiste dans la classe politique, le président du Congrès est, pour la première fois, un indépendantiste kanak, Rock Wamytan.

Derrière Jean-Marie Tjibaou, figure du mouvement indépendantiste, le drapeau kanak.
  • Les transferts de compétences : en route vers 2014
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Les mentalités évoluent donc. Et derrière les symboles, de nombreuses actions concrètes viennent affermir l'autonomie de cette collectivité au statut unique, ni DOM, ni TOM. Les transferts de compétences de l'Etat français à l'île s'enchaînent, et pour cause : ils doivent être achevés avant le grand rendez-vous de 2014. Cette date signe la fin de l'accord de Nouméa (voir la chronologie ci-dessous) et le début du référendum d'autodétermination sur l'indépendance. Si le oui l'emporte – rien d'assuré avec une population kanak en minorité sur l'île – les compétences régaliennes (monnaie, défense, justice, relations extérieures) seront transférées, et le "Caillou" accédera à sa pleine souveraineté.

Avant cette échéance, le grand chantier des transferts bat son plein. En juin, un rapport sénatorial faisait le point sur les opérations en cours : droit civil, état civil et droit commercial, sécurité de la circulation maritime et aérienne, sécurité civile… Les trois provinces sont autonomes, les communes attendent de l'être. L'enseignement public primaire est déjà transféré, le privé et le secondaire le seront en 2012. La santé l'est. "Mais nous ne comptons que quatre Kanaks médecins !" déplore Anthony Lecren, soulevant la question de l'immense besoin de cadres néo-calédoniens pour répondre à ces nouvelles fonctions. Leur formation a, semble-t-il, pris beaucoup de retard.

  • Le nickel, atout à double-tranchant

Le processus d'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, progressif et non direct, a l'avantage d'accompagner chaque transfert de compétences par des moyens financiers. Mais il bénéficie aussi d'une ressource déterminante pour son succès : le nickel. C'est en partie grâce à son exportation que la croissance de l'île se maintient aux alentours de 4 % depuis des années, et que son PIB par habitant l'élève au deuxième rang de la zone pacifique, entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande. À l'avenir, une nouvelle usine au nord devrait rééquilibrer les fortes inégalités provinciales de l'île, et la propulser au rang de second producteur de nickel au monde.

Cela dit, le métal est "une chance tant que ça ne devient pas un malheur", tempère le ministre. Car les bénéfices du minerai ne profitent pas totalement à la Nouvelle-Calédonie. Les mines sont possédées par trois grands groupes, un suisse, un brésilien, un français (la SLN, filiale du groupe Eramet, possédé par la famille Duval et Areva). Et "on vend notre minerai brut, mais on il nous faudrait nous positionner sur des segments plus stragtégiques comme l'affinage et la commercialisation. C'est là que se niche la plus-value", explique encore Anthony Lecren.

Par ailleurs, la grande priorité donnée au nickel – dont l'exploitation est, au passage, accusée de faire des dégâts sur la biodiversité exceptionnelle de l'un des plus grands récifs coralliens au monde – peut avoir défavorisé d'autres secteurs économiques à fort potentiel. Le tourisme, en tout cas, est en perte de vitesse, avec 100 000 visiteurs annuels contre 400 000 dans les îles Cook et 200 000 au Vanuatu.

L'usine de traitement de nickel du brésilien Vale en Nouvelle-Calédonie est arrêtée pour plusieurs mois, en raison d'un incident survenu en mai à l'unité de production d'acide sulfurique.
  • L'enjeu du développement économique des terres kanakes

C'est une des grandes avancées pour estomper les inégalités criantes entre terres kanakes et régions – au sud et en ville notamment – plus favorisées : un fonds de garanti, prévu depuis l'accord de Nouméa il y a treize ans, a enfin vu le jour. Son but, explique le ministre de l'économie : permettre aux Kanaks vivant sur les terres coutumières d'avoir accès à un emprunt bancaire et d'investir. Car ces terres, "inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables", ne peuvent être hypothéquées, rendant les banques réticentes à prêter. Anthony Lecren espère ainsi rééquilibrer "un développement économique du pays qui s'est fait au détriment de la population kanake".

Pour information, ces terres coutumières sont l'un des trois statuts fonciers néo-calédoniens, avec le privé et le public. Elles totalisent près de 500 000 hectares, soit plus d'un quart du territoire, dans des réserves et groupements relevant du droit particulier local de la grande terre (île principale), et sur la totalité des îles Loyautés et de l'île des Pins. Seuls des Kanaks y vivent, sous l'autorité de chefferies qui attribuent les territoires aux différents clans.

  • Réduire le commerce avec l'Europe pour réduire le coût de la vie

En Nouvelle-Calédonie, la vie est chère, "deux fois plus qu'en France", et ce pour tout produit de consommation de base, selon Anthony Lecren. La faute en grande partie aux frais de transport pour approvisionner l'île. Un coût d'autant plus important que 80 % des produits importés proviennent d'Europe, selon le ministre de l'économie. Cette situation, frôlant l'absurde, pourrait être améliorée en préférant à ces échanges lointains une meilleure intégration dans la région pacifique.

En attendant, cette cherté est source de conflit : elle est notamment en cause dans les événements récemment survenus sur l'île de Maré, petite et enclavée. Sur fond de divergences entre communautés catholiques et protestantes – "héritages des colonisations anglaises et françaises" souligne M. Lecren –, les heurts ont éclaté à cause de la hausse des prix des billets d'avion d'AirCal, qui permet de faire la navette avec la grande terre.

  • Fonder de nouvelles relations avec la France

Plutôt que l'importation de biens de consommation sur près de 20 000 kilomètres de distance, pourquoi ne pas concevoir d'autres types d'échanges avec la France, s'interroge Anthony Lecren : dans la recherche ou les technologies de transformation du nickel par exemple. En tout cas, le vent de changement qui souffle sur le Caillou invite à repenser la relation entre la France et son ancienne colonie.

Autre attente : que la métropole "nous aide à faire entendre notre voix, sur des sujets qui nous tiennent à cœur comme le réchauffement climatique. On est les premiers exposés, on voudrait en parler aux pays industrialisés. A Tuvalu, non loin de chez nous, il y a 15 000 réfugiés climatiques chassés par la montée du niveau de la mer. Qui s'en soucie ?" interroge M. Lecren. Mobilisé dans un vaste projet de plantation d'un arbre par habitant – près de 250 000 en Nouvelle-Calédonie – il voit son île en pionnière de la préservation environnementale, dans une aire où la Nouvelle-Calédonie devrait jouer un rôle grandissant : le Pacifique.

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