Depuis la chute du régime de l'ancien président, Zine El-Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, la scène politique tunisienne a connu de nombreuses recompositions. Alors que l'ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), était dissous, de multiples partis de l'opposition, de gauche ou islamistes, ont été légalisés ou fondés.
Les élections d'octobre 2011 pour l'Assemblée nationale constituante (ANC), qui ont vu le parti islamiste Ennahda arriver en tête, ont donné lieu à de nouvelles recompositions, et notamment à la formation de coalitions de partis qui se placent désormais dans la perspective de nouvelles élections législatives.
Les derniers sondages réalisés en Tunisie donnent toujours le parti islamiste en tête, juste devant une nouvelle formation : le parti Nida Tounès, fondé en juin 2012 par Béji Caïd Essebsi, premier ministre du deuxième gouvernement de transition (février-décembre 2011).
Etat des lieux de la scène politique tunisienne.
- "LA TROÏKA"
A l'issue des élections pour l'Assemblée nationale constituante d'octobre 2011, le parti islamiste Ennahda, première formation politique du pays avec 89 députés sur les 217, a demandé au Congrès pour la République (CPR), à Ettakatol et au Parti démocrate progressiste (PDP) de le rejoindre afin de former une coalition sous la houlette de son candidat à la tête du gouvernement, Hamadi Jebali. Seuls le CPR (15 députés) et Ettakatol (13 députés) ont accepté d'en faire partie.
Cette troïka a conclu un accord de coalition, prévoyant l'élection de Mustapha Ben Jaafar, fondateur d'Ettakatol, comme président de l'Assemblée nationale constituante et de Moncef Marzouki, fondateur du CPR, comme président de la République. Ce dernier a chargé Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahda, de former un gouvernement.
Le parti islamiste Ennahda ("La Renaissance", son site Internet) a été fondé le 6 juin 1981 sous le nom de Mouvement de la tendance islamique (MTI) par Rached Ghannouchi, avant de changer de nom en février 1989. Sujet d'une répression très dure sous le régime Ben Ali, la plupart des cadres du parti ont connu soit la prison, soit l'exil. A l'instar de leur chef, Rached Ghannouchi, rentré d'un exil de plus de vingt ans à Londres le 30 janvier 2011.
Né en 1941, Rached Ghannouchi a d'abord été séduit par le nationalisme arabe incarné par Gamal Abdel Nasser, avant de se convertir en 1966 aux idées des Frères musulmans égyptiens. Actif sur les campus tunisiens, il a été accusé d'avoir fomenté un coup d'Etat, arrêté puis condamné en 1987. Libéré un an après par le président Zine El-Abidine Ben Ali, il s'est exilé en 1990 à Londres.
Longtemps interdit, Ennahda a été légalisé le 1er mars 2011 par le gouvernement d'union nationale. A l'issue des élections pour l'Assemblée nationale constituante, il est devenu la première force politique du pays. Le premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, en est le secrétaire général.
Le Congrès pour la République (CPR, son site Internet) est un parti laïc de centre-gauche fondé en 2001 par Moncef Marzouki. Moncef Marzouki, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme de 1989 à 1994, est un opposant de longue date au régime de Ben Ali. Plusieurs fois arrêté sous Ben Ali, il a été exilé en France dix ans avant de rentrer, le 18 janvier 2011.
Il avait amorcé dès 2003 un rapprochement avec Ennahda, avec la signature de la Déclaration de Tunis. Moncef Marzouki a été élu président de la République le 12 décembre 2011. Le CPR dispose de trois ministères au sein du gouvernement actuel (affaires de la femme, domaines de l'Etat et affaires foncières, formation professionnelle et emploi).
Le Forum démocratique pour le travail et les libertés - Ettakatol (son site Internet) est un parti social-démocrate fondé le 9 avril 1994 par le médecin et radiologue Mustapha Ben Jaafar. Ce dernier est président de l'Assemblée depuis le 22 novembre 2012. Ettakatol est membre permanent de l'Internationale socialiste. Le parti dispose de cinq ministères au sein du gouvernement (finances, tourisme, éducation, lutte contre la corruption et affaires sociales).
- L'UNION POUR LA TUNISIE
Lundi 11 février, cinq partis politiques du centre et de la gauche modérée ont officialisé un front politique et électoral : le mouvement Nida Tounès, le Parti Républicain (Al-Joumhouri), la voie démocratique et sociale (Al-Massar), le Parti socialiste dirigé par Mohamed Kilani et le Parti du travail patriotique et démocratique (PTPD) dirigé par Abderrazek Hammami.
Ce front de forces progressistes et laïques appelle à un dialogue national sur la situation économique et sociale difficile, à l'élaboration d'une Constitution démocratique, à la protection des ressources et des institutions de l'Etat contre l'instrumentalisation partisane, à la préservation des libertés publiques et individuelles et à la garantie du droit syndical.
Nida Tounès ("L'Appel de la Tunisie", son site Internet), a été fondé le 16 juin 2012 par l'ancien premier ministre Béji Caïd Essebsi. Agé de 86 ans, M. Essebsi est une figure politique majeure en Tunisie depuis l'indépendance en 1956.
Il a été ministre du premier président tunisien, Habib Bourguiba, président du Parlement sous le président déchu Ben Ali, puis premier ministre provisoire après la révolution. Avec Nida Tounès, il ambitionne de faire contre-poids au parti islamiste Ennahda. "Nous sommes un parti centriste inscrit dans la défense des acquis de l'Etat moderne, des objectifs de la révolution et des réalisations de la période transitoire", a indiqué son porte-parole lors de la légalisation du parti.
"L'Appel de la Tunisie" rassemble notamment des cadres et des personnalités du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali, dissous après la révolution. Son secrétaire général est Taïeb Baccouche.
Al-Jomhouri ("Le Parti républicain", centre démocrate-libéral) a été fondé en avril 2012 par des membres de Afek Tounes, le Parti démocrate progressiste (PDP), le Parti républicain, Irada, Bledi, le Parti pour la justice social démocrate (PJSD) et le Parti Al-Karama, ainsi que des groupes et des listes indépendantes.
Le président du comité politique du parti (son site Internet) est Ahmed Néjib Chebbi. Avocat de profession et figure de l'opposition de gauche, M. Chebbi a participé à la fondation en 1983 du Rassemblement socialiste progressiste, devenu le Parti démocrate progressiste. En 2006, il avait cédé son poste de secrétaire général du PDP à Maya Jribi, qui a elle aussi rejoint Al-Jomhouri.
La voie démocratique et sociale (Al-Massar, gauche social-démocrate), est né le 1er avril 2012 de la fusion entre le mouvement Ettajdid, le Parti du travail tunisien et des indépendants du Pôle démocratique moderniste (Al-Qotb). Il est dirigé par Ahmed Ibrahim.
- LE FRONT POPULAIRE
Le Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution (son site Internet) est une coalition politique regroupant douze partis politiques et associations de gauche, nationalistes et écologistes, ainsi que de nombreux intellectuels indépendants. Fondé le 7 octobre 2012, ce front se veut une alternative à la Troïka au pouvoir et au front constitué autour de Nida Tounès pour porter les revendications sociales de la révolution.
Son porte-parole est Hamma Hammami, secrétaire général du Parti des travailleurs tunisiens. Chokri Belaïd, dirigeant du Mouvement des patriotes démocrates, assassiné le 6 février 2013, était membre de ce front.
Les partis membres de cette coalition sont : le Parti des travailleurs tunisiens (anciennement Parti communiste des ouvriers de Tunisie - PCOT), un parti d'extrême-gauche créé en 1986 par Hamma Hammami ; le Parti du travail patriotique et démocratique, mené par Mohamed Jmour ; le Mouvement des patriotes démocrates (Moupad) de Chokri Belaïd ; les Patriotes démocrates (Watad) de Jamel Lazhar ; le Parti de la lutte progressiste de Mohamed Lassoued ; la Ligue de la gauche ouvrière de Jalel Ben Brik Zoghlami ; le Parti populaire pour la liberté et le progrès de Jelloul Azzouna ; le Front populaire unioniste d'Amor Mejri ; le Mouvement du peuple de Mohamed Brahmi ; le Mouvement Baath d'Othmen Bel Haj Amor ; le Parti d'avant-garde arabe démocratique de Kheireddine Souabni ; et Tunisie verte d'Abdelkader Zitouni.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu