On peut comprendre la réaction d'indignation et de révolte de jeunes étudiants face à la répression et aux exactions de la police, mais ce slogan, devenu un cliché, n'en est pas moins caricaturalement faux: la comparaison ne tient pas, sauf dans l'imaginaire de ceux qui, précisément, n'ont pas eu affaire aux SS. En mai-juin 1968, la tradition républicaine existant au sein de la police l'a emporté sur les partisans d'une répression plus expéditive. A Paris, le préfet Maurice Grimaud et d'autres, jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, ont tout fait pour éviter le bain de sang. Ce slogan va bien au-delà d'une vision de la police. Il s'accompagne, dans les années de l'immédiat après-Mai, d'une fantasmagorie du pouvoir et du fascisme, qui exerceraient une répression généralisée sur les individus dans tous les domaines de la vie sociale. Du même coup, le rapport au pouvoir, aux institutions est marqué par une suspicion généralisée. Occuper une position de pouvoir à quelque niveau que ce soit ou être le représentant d'une institution devient difficile. A la limite, comme le dit un autre graffiti de Mai 68, moins connu: «Quiconque n'est pas moi est un agent de répression qui s'exerce à mon égard.» Cet individualisme forcené qui rend problématique l'idée même du vivre-ensemble constitue la part impossible de l'héritage de Mai 68. * Sociologue, auteur de Mai 68, l'héritage impossible, Seuil.

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