Ahmed Ben Salah

homme politique et syndicaliste tunisien

Ahmed Ben Salah
أحمد بن صالح
Illustration.
Ahmed Ben Salah.
Fonctions
Secrétaire d'État tunisien à l'Éducation

(1 an et 14 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Prédécesseur Mahmoud Messadi
Successeur Ahmed Noureddine
Secrétaire d'État à l'Économie

(7 ans, 9 mois et 27 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Prédécesseur Hédi Khefacha
Successeur Béchir Neji
Secrétaire d'État aux Finances

(8 ans, 7 mois et 9 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Prédécesseur Hédi Khefacha
Successeur Abderrazak Rassaa
Secrétaire d'État au Plan

(8 ans, 8 mois et 5 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Successeur Abderrazak Rassaa
Secrétaire d'État aux Affaires sociales

(2 ans, 7 mois et 28 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Prédécesseur Mohamed Chakroun
Successeur Mondher Ben Ammar
Secrétaire d'État à la Santé

(3 ans, 5 mois et 5 jours)
Président Habib Bourguiba
Gouvernement Bourguiba II
Prédécesseur Mahmoud El Materi
Successeur Mondher Ben Ammar
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Moknine, Tunisie
Date de décès (à 94 ans)
Lieu de décès Tunis, Tunisie
Nationalité tunisienne
Parti politique Néo-Destour, Parti socialiste destourien puis Mouvement de l'unité populaire
Syndicat UGTT
Profession Syndicaliste

Ahmed Ben Salah (arabe : أحمد بن صالح), né le à Moknine et mort le à Tunis, est un homme politique et syndicaliste tunisien.

Biographie modifier

Jeunesse modifier

Né dans la ville sahélienne de Moknine, il poursuit des études secondaires au prestigieux Collège Sadiki de Tunis puis en France dans les années 1940[1]. Il se lance, une fois ses études terminées, dans l'action syndicale, en adhérant à l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) en 1948, et dans l'action politique en présidant la jeunesse scolaire destourienne puis, en 1947, en assurant la liaison entre le parti nationaliste, le Néo-Destour, son leader Habib Bourguiba alors en exil au Caire et Moncef Bey en résidence surveillée à Pau[1].

L'UGTT, après avoir été membre de la Fédération syndicale mondiale, choisit d'adhérer en 1951 à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) car celle-ci constitue une instance permettant aux nationalistes tunisiens de présenter leurs revendications à l'opinion internationale[2],[3].

Direction de l'UGTT modifier

 
Ahmed Ben Salah (au centre), secrétaire général de l'UGTT, et Bourguiba (à droite).

L'audience internationale ainsi acquise par Ben Salah lui permet d'être élu secrétaire général de l'UGTT peu après l'assassinat de Farhat Hached le , avant le discours de Carthage () dans lequel Pierre Mendès France reconnaît à la Tunisie le droit à l'autonomie interne.

Ben Salah n'hésite pas au cours de l'année 1956 à accuser le gouvernement de Tahar Ben Ammar, auquel le Néo-Destour participe, de servir les « intérêts de la grande bourgeoisie ». Au nom de l'impératif unitaire, Habib Bourguiba, qui est élu président de l'assemblée constituante le 8 avril, répond que les revendications égalitaires ne doivent pas se transformer en pression des démunis sur les possédants.

La forte personnalité de Ben Salah faisant craindre au Néo-Destour que l'UGTT n'échappe à son contrôle ou même qu'elle ne suscite la création d'un parti travailliste, un courant néo-destourien se forme rapidement au sein de l'UGTT pour obtenir l'éviction de Ben Salah. Au congrès du mois de , ce courant animé par Habib Achour pénètre la commission administrative et, sous son influence, certaines unions régionales refusent de s'affilier à l'UGTT et se groupent en une union rivale, l'Union tunisienne du travail. Le Néo-Destour, s'appuyant sur les syndicats patronaux et paysans, contraint Ben Salah à se démettre en . Il est alors remplacé par Ahmed Tlili[4].

Poids lourd du gouvernement modifier

Écarté de l'UGTT, Ben Salah est nommé ministre (avec le titre de secrétaire d'État) de la Santé et des Affaires sociales. Constatant en 1960 la chute des investissements et la fuite des capitaux et percevant le déclin de l'enthousiasme populaire né avec l'indépendance, Bourguiba, après avoir changé trois fois de ministre de l'Économie en quatre ans, déclare opter pour la planification puis pour le socialisme. Il charge alors Ben Salah du ministère du Plan et des Finances en 1961.

Entré par cooptation au bureau politique du Néo-Destour, ce dernier reprend l'essentiel de son rapport économique du VIe congrès de l'UGTT (1956) et prépare un plan, les Perspectives décennales (1962-1971), puis un plan triennal ayant pour but de mettre en place les nouvelles structures. Les Perspectives décennales, dont le préambule affirme que la Tunisie opte résolument pour le socialisme, visent à « décoloniser l'économie nationale » par l'intégration du secteur colonial et la « tunisification » des enclaves demeurées étrangères.

 
Ben Salah en compagnie de Bourguiba dans un meeting en 1963.

Entendant assurer un auto-développement du pays, le plan assigne l'aide extérieure en dessous de 50 % des investissements nets. La politique de Ben Salah entraîne un développement de son administration qui absorbe le secrétariat d'État aux finances dès 1961, celui de l'éducation nationale en 1967 et empiète considérablement sur les compétences de celui de l'agriculture[5].

C'est dans ce dernier domaine que Ben Salah apporte les plus grands changements, en particulier par la décision prise en 1962 de créer des coopératives de production, rassemblant autour des terres des colons un certain nombre de paysans choisis comme coopérateurs.

Toutefois, la mécanisation intensive de l'ensemble ainsi constitué aggrave la situation des paysans pauvres ou sans terres, tandis que la lourde gestion bureaucratique des coopératives provoque un mécontentement chez les coopérateurs eux-mêmes (retards dans le paiement des salaires). Le mécontentement grandit (affaire de M'saken en décembre 1964) et s'étend à d'autres couches de la population à mesure que le projet se développe.

En 1968, ce dernier intègre l'ensemble du secteur commercial et, à partir de janvier 1969 (marqué par l'affaire d'Ouerdanine au cours de laquelle de violents affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants se soldent par une dizaine de morts parmi ces derniers), doit s'appliquer à l'ensemble de l'agriculture tunisienne. Les commerçants et les gros et moyens agriculteurs ainsi menacés unissent leurs forces contre Ben Salah qui a perdu l'appui des paysans pauvres.

Chute, exil et retour modifier

Le système des coopératives a échoué. La chute de Ben Salah est donc rapide : démis de ses fonctions ministérielles en , il est exclu du Parti socialiste destourien et déchu de son mandat de député. Accusé d'avoir abusé de la confiance du président et d'avoir pris avantage dans les deux dernières années du mauvais état de santé de ce dernier, il est traduit devant la Haute Cour et condamné le à dix ans de travaux forcés.

Il parvient à s'évader de sa prison de Tunis le et passe en territoire algérien où il obtient le statut de réfugié politique. Toutefois, son activité politique se poursuit en exil : il fonde le Mouvement de l'unité populaire. En mai 1988, un an après l'éviction du président Bourguiba, le président Zine el-Abidine Ben Ali le gracie ; il peut alors revenir en Tunisie après quinze ans d'exil[6]. Une demande de légalisation de son parti est déposée le mais n'obtient pas de réponse[7]. Ben Salah est contraint de quitter à nouveau le pays en septembre 1990, avant de rentrer définitivement en septembre 2000. Le , à la suite de la révolution tunisienne, une nouvelle demande est déposée[7], le parti dont il occupe le poste de secrétaire général obtenant le 8 mars le visa l'autorisant à exercer ses activités[8] ; il en devient président le [9].

Il meurt le à l'hôpital militaire de Tunis[10],[11],[12].

Distinction modifier

En 1965, il est décoré des insignes du grand cordon de l'Ordre tunisien de l'Indépendance[13]. En janvier 2013, il reçoit la médaille d'honneur du président de la République algérienne en reconnaissance de sa contribution et son soutien en faveur de la guerre de libération du peuple algérien[14].

Publications modifier

  • (ar) Témoignage d'Ahmed Ben Salah sur son parcours national et international, Zaghouan, Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l'information, , 176 p.
  • Pour rétablir la vérité : réformes et développement en Tunisie, 1961-1969, Tunis, Cérès, , 250 p. (ISBN 978-9973-19-726-9).

Références modifier

  1. a et b Célina Braun, « À quoi servent les partis tunisiens ? », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, nos 111-112,‎ , p. 15-62 (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Le livre d'entretiens avec Ahmed Ben Salah de Noura Borsali », sur turess.com, (consulté le ).
  3. Khalifa Chater, « Le temps politique d'un syndicaliste », dans Mélanges au professeur Dominique Chavallier, Carthage, Beït El Hikma, , p. 195-210.
  4. Abdesslem Ben Hamida, « Pouvoir syndical et édification d'un État national en Tunisie », Cahiers de la Méditerranée, vol. 41,‎ , p. 129-142 (ISSN 1773-0201, lire en ligne).
  5. « Ahmed Ben Salah et l'expérience collectiviste en 570 pages », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  6. Akram Belkaïd, « Une vie d'exil », Manière de voir, no 160,‎ (ISSN 1241-6290, lire en ligne, consulté le ).
  7. a et b « Tunisie : le Mouvement de l'unité populaire (MUP) va créer son parti », sur espacemanager.com, (consulté le ).
  8. « Tunisie - 31 partis politiques autorisés », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  9. « Ahmed Ben Salah élu président du MUP », sur directinfo.webmanagercenter.com, (consulté le ).
  10. Anouar Chennoufi, « Décès d'Ahmed Ben Salah ! », sur tunivisions.net, (consulté le ).
  11. « Décès de l'ancien ministre Ahmed Ben Salah », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  12. Bertrand Le Gendre, « Ahmed Ben Salah, ancien ministre du président Bourguiba, est mort », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  13. « Décrets et arrêtés », Journal officiel de la République tunisienne, no 43,‎ , p. 1046 (ISSN 0330-7921, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  14. « Le double hommage de Bouteflika à 11 personnalités tunisiennes », sur leaders.com.tn, (consulté le ).

Annexes modifier

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Bibliographie modifier

  • Noura Borsali, Livre d'entretiens avec Ahmed Ben Salah : l'homme fort de la Tunisie des années soixante, Sfax, Samed, , 236 p. (ISBN 978-9973-00-162-7).
  • (ar) Tarek Kahlaoui, أحمد بن صالح: سيرة زعيم اجتماعي ديمقراطي [« Ahmed Ben Salah : une biographie d'un leader socio-démocrate »], Tunis, Sotumedias,‎ .
  • (ar) Salem Mansouri, أحمد بن صالح و زمانه [« Ahmed Ben Salah et son époque »], Tunis, Nirvana,‎ .
  • Marc Nerfin, Entretiens avec Ahmed Ben Salah sur la dynamique socialiste en Tunisie dans les années soixante, Paris, Maspéro, .

Liens externes modifier