Khaled Saïd

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Khaled Saïd
Graffiti sur le mur de Berlin
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 28 ans)
AlexandrieVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
خالد سعيدVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Prononciation

Khaled Mohamed Saïd, en arabe خالد محمد سعيد, né le et mort sous les coups de la police le à Alexandrie, est un jeune Égyptien dont la mort est devenue un symbole de la dictature policière égyptienne, et qui a contribué au déclenchement de la révolution égyptienne de 2011.

Sa mort, dont les causes sont encore officiellement discutées, survient après son arrestation par la police. Peu après, les photos de son visage défiguré sont diffusées sur les réseaux sociaux d’Internet, laissant penser ou prouvant qu’il a été battu à mort par la police égyptienne. Un groupe Facebook est créé par un informaticien de Google, Wael Ghonim, Nous sommes tous des Khaled Saïd, attire l’attention sur les circonstances de sa mort et contribue à accroître le sentiment de mécontentement dans les mois et les semaines qui conduisent à la révolution[1],[2].

Vie personnelle[modifier | modifier le code]

Khaled Saïd est élevé par sa mère et sa famille élargie après la mort de son père. Intéressé par les ordinateurs, il étudie la programmation informatique aux États-Unis d'Amérique. Il aime aussi la musique, et compose un morceau musical avant sa mort[3].

Mort[modifier | modifier le code]

Le , Saïd était au deuxième étage d’un cybercafé. Deux agents de police en civil du commissariat de Sidi Gaber l’arrêtent en plein cybercafé[4] à la demande du propriétaire du cybercafé[5]. De multiples témoins attestent que la police l’a battu à mort, avec divers objets[6]. Le propriétaire du cybercafé atteste lui aussi qu’il a vu Saïd mort de ses blessures sous le porche du bâtiment situé en face du cybercafé[5].

La police affirme qu’il est mort étouffé en tentant d’avaler une boulette de haschisch, ce qui est confirmé par les premières autopsies[7]. Par la suite, elle indique également que Saïd était recherché pour vol et détention d’armes, et qu’il a résisté lors de son arrestation[8].

L’ancien chef de la médecine légale égyptienne, Ayman Fouda, a été interrogé sur la procédure suivie lors de l’autopsie de Saïd. Il affirme que l’autopsie aurait dû rechercher les effets d’un choc sur le cerveau, ce qu’elle n’a pas fait[9].

Les deux policiers sont emprisonnés quatre jours, et sont interrogés sur les accusations de tabassage de Saïd[10]. La famille de Saïd affirme qu’il a été torturé à mort car il possédait des vidéos prouvant l’implication de policiers dans un trafic de drogue[11], ainsi que dans des cas de torture[12].

La transmission virale des photographies de Saïd mort[modifier | modifier le code]

Quand la famille de Saïd va constater le décès à la morgue, son frère prend des photos avec son téléphone portable[13]. Les photos du corps sont publiées sur Internet par sa famille au cours du mois, provoquant l’indignation publique[14]. Human Rights Watch a publié un rapport à propos de la photo, indiquant que « les photos du visage de Saïd publiées sur Internet montrent son visage battu et déformé, son crâne fracturé, sa mâchoire disloquée, son nez cassé, et de nombreux autres traumatismes », et que l’image montre clairement « de fortes preuves que les policiers en civil l’ont battu de manière cruelle et publique[8] ».

Nous sommes tous Khaled Saïd[modifier | modifier le code]

Parmi ceux qui voient la photo, Wael Ghonim, cadre commercial de Google basé à Dubaï, crée un mémorial pour Saïd sur Facebook, qu’il nomme Nous sommes tous Khaled Saïd. Des dizaines de milliers de personnes suivent la page, qui devient la première page des dissidents égyptiens sur Facebook[14],[15]. La mobilisation en faveur de Saïd croît rapidement[16],[15], de nombreuses personnes sur Facebook utilisant sa photographie sur leur profil[17].

À cause de la publication de cette photo et des fortes critiques internationales, le gouvernement égyptien consent à faire juger les deux policiers impliqués dans la mort de Saïd[18].

Enquête et procès des policiers[modifier | modifier le code]

Le dossier d’enquête sur la mort de Khaled Saïd contient 300 pages, analyses et témoignages qui motivent l’accusation de deux policiers, Mahmoud Salah Mahmoud et Awad Ismael Suleiman, en procès criminel pour violence et détention injustifiée de la victime[19]. Ils sont arrêtés en [20], et le procès commence le même mois, avant d’être reporté sine die. Il ne reprend pas avant la révolution du 25-Janvier[21]. Alors qu’une audience devait avoir lieu en juin, elle est reportée au [22]. Une nouvelle autopsie démontre le meurtre, et que le paquet de marijuana a été inséré dans sa gorge après la mort[12].

Manifestations à Alexandrie[modifier | modifier le code]

Le , Mohamed El Baradei appelle à un rassemblement à Alexandrie contre les abus et les violences policières ; il rend visite à la famille de Saïd et lui présente ses condoléances[23],[24]. Des manifestations ont également lieu place Tahrir au Caire, et devant l’ambassade d’Égypte à Londres[25]. Trente manifestants du Caire sont arrêtés par la Sécurité centrale[5],[26].

Influence sur la révolution égyptienne[modifier | modifier le code]

Caricature de Saïd et Hosni Moubarak, publiée durant la révolution égyptienne de 2011.

L’influence réelle de la page de Ghonim ne peut pas être mesurée[15], mais c’est sur celle-ci que le premier appel à manifester le est lancé ; les manifestants brandissaient des bannières et des posters reproduisant les photos du corps de Saïd[16]. Il s’agit donc d’un des catalyseurs des manifestations de 2011, un symbole autour duquel le peuple s’est rassemblé pour protester contre les violences policières, et au-delà, contre les abus du gouvernement[14]. Le , ces protestations ont conduit à la démission d'Hosni Mubarak après 30 ans au pouvoir[27]. ABC News qualifie le visage de Saïd sur la photo prise à la morgue de « visage qui a lancé la révolution[16] ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Anger on the streets of Cairo », The National, Abou Dabi,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. (en) « Google worker is Egypt’s Facebook hero », Financial Times,‎ (lire en ligne)
  3. (en) Lina Attalah, « Q&A with Ali Qassem, uncle of slain youth Khaled Saeed (part one) », Al-Masry Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) « Two witnesses affirm Alex victim beaten by police », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. a b et c (en) Paul Schemm, « Egypt cafe owner describes police beating death », The San Diego Union-Tribune,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Anger in Alexandria: 'We’re afraid of our own government' », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) « Journalists protest state media coverage of Alexandria police killing », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) Ben Wedeman, « Demonstrators in Egypt rail against brutality, man's death », CNN,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Dareen Farghaly, « Interview: Former chief medical examiner on Khaled Saeed autopsy », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « Egyptian protesters see policemen's jailing in activist's death as a victory », Gulf News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) « Police killing sparks Egypt protest », Al Jazeera English,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. a et b Al Masry Al Youm, « New medical report: Khaled Saeed was 'murdered' », Al Masry Al Youm, publié le 6 juillet 2011
  13. (en) Ahmed Shalaby Mostafa ElMarsfawy, « Al-Masri Al-Youm Exclusive: Khaled Saeed Case Investigation », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne)
  14. a b et c Jennifer Preston, « Facebook and YouTube Fuel the Egyptian Protests », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  15. a b et c (en) Will Heaven, « Egypt and Facebook: Time to Update Its Status », Nato Review, NATO, (consulté le )
  16. a b et c (en) Brian Ross, « Egypt: The Face That Launched A Revolution », ABC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. (en) Nadia abou el Magd, « Undercover Police Arrested Over Beating Death of Egyptian Man », The National,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Noha El-Hennawy, « We are all Khaled Saeed: Redefining political demonstration in Egypt », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. (en) « exclusive: Khaled Saeed case investigation | Al-Masry Al-Youm: Today's News from Egypt », Al-Masry Al-Youm (consulté le )
  20. (en) « 2 Alex policemen detained in Khaled Saeed case | Al-Masry Al-Youm: Today's News from Egypt », Al-Masry Al-Youm, (consulté le )
  21. (en) « Alexandria’s Khaled Saeed police brutality trial postponed | Al-Masry Al-Youm: Today's News from Egypt », Al-Masry Al-Youm, (consulté le )
  22. (en) « Khaled Said verdict – and Egyptian justice – delayed again », Christian Science Monitor, (consulté le )
  23. (en) « ElBaradei leads anti-torture rally », Al Jazeera English, (consulté le )
  24. Nadia Abou el Magd, "Egypt's ElBaradei leads thousands in protest against police", The National, Jun 26, 2010. Retrieved 2011-03-06.
  25. (en) Heba El Kodsy; Mohamed Hany, « Weekend protests in US and UK against Khaled Saeed's murder », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (en) Mostafa; ElMarsfawy; Mohsan Semika; Mohamed Hany, « Security thwarts protest over Saeed's death », Al-Masri Al-Youm,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. (en) « Mubarak Resigns as Egyptian President », Bloomberg, (consulté le )