Noureddine Bhiri a-t-il rejoint, sans le dire ouvertement, le camp des dirigeants contestataires en reconnaissant qu’Ennahdha a échoué dans la gestion du pays durant les dix ans qui ont suivi la révolution ? S’agit-il plutôt d’une opération de promotion de la nouvelle image qu’Ennahdha veut se donner ? Les prochains jours apporteront peut-être la réponse

Au sein d’Ennahdha, les langues se délient de jour en jour. Et s’il y a un mérite qui revient au Président Kaïs Saïed et à la dynamique du 25 juillet 2021 et que les nahdhaouis ne peuvent en aucune manière nier, c’est bien d’avoir libéré la parole au sein du parti et ouvert la voie à tous les militants et aussi  aux leaders pour parler, dire ce qu’ils avaient sur le cœur depuis dix ans, voire plus, si l’on considère les décennies d’avant le 14 janvier 2011, et vider leur sac. Et ce ne sont pas uniquement les contestataires de la présidence à vie du parti exercée par Rached Ghannouchi depuis sa naissance au début des années 70 du siècle précédent sous l’appellation Al Jamaâ Al Islamia (puis le Mouvement de la tendance islamique et enfin Ennahdha) qui parlent aujourd’hui pour avouer publiquement les erreurs commises par Ennahdha quand ils ont accédé au pouvoir lors des élections de l’Assemblée nationale constituante (ANC) en date du 23 octobre 2011 et pour reconnaître par écrit cette fois-ci (voir le post de Noureddine B’hiri sur sa page officielle en date du samedi 28 août) que la politique que le parti a suivie et mise en œuvre au cours de la décennie 2011-2012 n’a fait que préparer la voie pour que le pays sombre dans le chaos et vire dans la délinquance, d’une part, et réunir, d’autre part, les conditions objectives à la chute de la crédibilité du parti auprès de l’opinion publique et mondiale, voire de son implosion et même de sa division en «de minuscules formations», dans un proche avenir, comme ce fut le cas pour plusieurs autres partis à l’instar de Nida Tounès, d’Al Massar, d’Al Jomhouri, du CPR et aussi du MDS et d’Ettakatol.

Aujourd’hui, c’est Noureddine B’hiri, l’un des lieutenants les plus fidèles au président du parti Rached Ghannouchi, M. Polémique au sein d’Ennahdha, l’architecte de la justice post-2011 et — rappelons-le à ceux qui ne le savent ou qui veulent l’oublier — le signataire le 7 novembre 1988 du Pacte national au nom d’Ennahdha (mais le nom du parti n’était pas inscrit sur le document du Pacte national devant sa signature) qui prend le relais sur Mohamed Ben Salem, lui aussi un ancien président du parti, dans la clandestinité à l’époque où Ghannouchi était réfugié au Soudan, sur Abdellatif Mekki, Imed Hammami, Abdelhamid Jelassi, Samir Dilou, voire Yamina Zoghlami, Mme Justice transitionnelle au sein du parti (mais sans qu’aucune victime parmi les militants de la base nahdhaouie n’ait encaissé jusqu’à aujourd’hui un millime des centaines de millions décidés par Sihem Ben Sédrine en tant qu’indemnisations en contrepartie de ce qu’ils ont enduré sous le régime déchu) pour affirmer textuellement : «Ennahdha a échoué dans la gestion du pays durant les dix années qui ont suivi la révolution».

L’aveu est d’une ampleur sans précédent, d’une clarté comme de l’eau de roche et d’une limpidité à l’instar d’un témoignage innocent d’un enfant.

Une confiance débridée

En quand Noureddine Bhiri, qui a toujours soutenu qu’Ennahdha n’a jamais gouverné tout seul même à l’époque de la Troïka (avec le CPR et Ettakatol), annonce qu’il «comprend la position de tous ceux qui pensent que l’étendue de la responsabilité d’Ennahdha ne se mesure pas à l’ampleur de sa présence aux gouvernements qu’il s’est trouvé obligé de soutenir», l’on ne peut que se poser la question suivante : s’agit-il d’une nouvelle manœuvre d’Ennahdha pour se disculper de ses erreurs, principalement auprès de ses bases qui s’effritent de jour en jour et qui ne savent plus qui croire parmi les responsables du parti ou d’une opération de promotion d’une nouvelle image du parti dont les dirigeants reconnaissent leurs  erreurs, s’en excusent auprès de leurs bases et annoncent qu’ils sont prêts à apporter leur contribution à la réussite de la dynamique post-25 juillet 2021 en faisant accéder à la direction du parti de nouveaux dirigeants ayant saisi les messages du 25 juillet 2021 et disposés à rénover le parti et à lui faire assumer la responsabilité qui lui incombe en matière «de consécration des objectifs de la révolution», comme le laisse entendre Noureddine Bhiri en parlant de la confiance que les Tunisiens ont accordée, à plusieurs reprises, aux nahdhaouis. Confiance qui s’est disloquée au rythme des revirements successifs opérés par les dirigeants nahdhaouis et aux changements fréquents des positions et des choix qu’ils annonçaient intangibles mais qu’ils abandonnaient au gré de la préservation des intérêts de certains parmi les dirigeants du parti dont en premier lieu Rached Ghannouchi.

En effet, les militants de base d’Ennahdha se rappellent toujours les promesses de leur parti de ne jamais s’allier avec «le parti des corrompus» et n’oublient pas encore que pour que leur chef puisse remporter la présidence du Parlement, leur parti a oublié ses engagements et a pactisé avec Qalb Tounès.

Et les exemples de se multiplier pour montrer que le capital confiance acquis par Ennahdha auprès des Tunisiens pour passer de 1 million 400.000 électeurs en octobre 2011 à 400.000 en octobre 2019, sans oublier les municipales de 2018 au cours desquelles Ennahdha a décidé de soutenir certaines listes indépendantes aux dépens de ses propres candidats parce que convaincu qu’elles allaient gagner les élections.

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