Entre questions identitaires, politiques et économiques : A quoi ressemblera la nouvelle Constitution ?

• Sadok Belaid : «Contrairement à ce que certains pensent, le Chef de l’Etat ne compte pas imposer une constitution sur mesure. Je n’ai reçu aucune consigne allant dans ce sens, ou recommandant la suppression de toute référence à l’islam. Ce qui est proposé vise à combattre les partis islamistes».
• La question identitaire, bien qu’elle soit assez sensible, ne peut cacher le vrai débat concernant la situation économique du pays, et la possibilité de l’inclure dans la Constitution
• Certains articles visent à déverrouiller l’économie nationale aux dépens de l’emprise des lobbies.
• La nouvelle Constitution devra mettre en avant la bonne gouvernance des richesses naturelles et l’exploitation de ressources humaines, tout en faisant prévaloir l’éducation, le savoir et les différents aspects numériques et technologiques.
• La nouvelle Constitution devrait s’inspirer des constitutions de 2014 et de 1959, notamment en ce qui concerne la question des libertés.

La commission consultative pour la nouvelle République poursuit son travail conformément à la vision du Président de la République. Organisant chaque week-end des sessions de dialogue national, elle s’est penchée sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui devrait être présentée aujourd’hui,  lundi, au Chef de l’Etat et par la suite au peuple par le biais du référendum.  

Mais à quoi ressemblera cette nouvelle Constitution et en quoi sera-t-elle différente des précédentes ? Répondra-t-elle vraiment aux aspirations du peuple ? Et quel sera son degré d’acceptabilité au vu des divergences politiques qui marquent son contexte ?

En dépit de la contestation politique, une marche du Front de salut national a eu lieu hier à Tunis pour s’opposer, encore une fois, au processus du Président de la République, la commission consultative poursuit son travail normalement. Aujourd’hui lundi, il est attendu qu’un premier draft de la nouvelle Constitution soit présenté au Président de la République Kaïs Saïed qui devra à son tour le présenter au peuple par voie de référendum.

Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés, et on ne peut plus faire machine arrière. Le référendum prévu le 25 juillet prochain devra donner la parole au peuple comme l’exige le Président de la République pour valider ou pas la nouvelle Constitution. Une constitution qui doit changer radicalement le régime politique en Tunisie vers un régime présidentiel avec de larges prérogatives pour le locataire de Carthage, tout en préservant le rôle de contrôle du Parlement. Dans ce cas, le gouvernement sera à son tour un instrument de pouvoir sous la direction du Président de la République.

En tout cas, c’est le constitutionnaliste Amine Mahfoudh qui donne plus de précisions à cet égard. Il affirme que la «Constitution de Carthage» sera prête dans les délais impartis et remise ce lundi 20 juin au Président de la République. «Ce sera une constitution démocratique», a-t-il souligné.

Amine Mahfoudh a insisté que le draft de la «constitution de Carthage», tel qu’il l’a qualifié lui-même, sera remis dans les délais, conformément au décret-loi 30/2022 portant création du Comité consultatif pour la nouvelle République.

L’autre figure de ce processus et président de ladite commission, Sadok Belaid, estime, pour sa part, que la Constitution ne sera pas sur mesure des revendications du président de la République, et les différentes sessions de dialogue national ont forgé ces grandes lignes, en plus de la consultation électronique nationale élaborée il y a quelques mois. Il a surtout souligné que, contrairement à ce que certains pensent, le Chef de l’Etat ne compte pas imposer une constitution «sur mesure», précisant n’avoir reçu aucune consigne de la part du Président de la République, Kais Saïed, allant dans ce sens.

Quid des questions identitaires ?

Il a également affirmé qu’il n’a pas reçu de consignes quant à la suppression de toute référence à l’islam dans la nouvelle Constitution, expliquant que la suppression de toute référence à l’Islam vise à combattre les partis islamistes, les considérant comme «des agents de certaines puissances étrangères». Sauf que cette déclaration n’est pas passée inaperçue, et elle a été rapidement récupérée à des fins politiques. Le parti Ennahdha a mis en garde, dans ce sens, contre l’omission de toute référence à l’islam dans la nouvelle Constitution qui doit être soumise à référendum en juillet. Autant dire que selon la consultation électronique nationale, 80% des Tunisiens sont contre l’extrémisme et contre l’utilisation de la religion à des fins politiques.

Sauf que cette question identitaire, bien qu’elle soit assez sensible, ne peut pas cacher le vrai débat concernant la situation économique du pays, et la possibilité de l’inclure dans la Constitution.

D’ailleurs, Belaid a fait savoir que la commission fait prévaloir l’intérêt, prônant la mise en place d’un système équilibré partagé entre l’économie libérale et sociale, et son intégration en corollaire avec l’économie sociale de solidarité. «Les membres ont préconisé le souci de désamorcer la crise économique et éviter les impasses et l’imbroglio à la suite de la Constitution de 2014 qui n’a pas accordé l’intérêt escompté aux droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux au citoyen tunisien», a-t-il dit, évoquant certains articles constitutionnels visant à déverrouiller l’économie nationale aux dépens de l’emprise des lobbies.

Outre ces questions politiques, économiques et identitaires, la nouvelle Constitution devra mettre en avant la bonne gouvernance des richesses naturelles et l’exploitation de ressources humaines, tout en prévalant l’éducation et le savoir et les différents aspects numériques et technologiques.

Il faut souligner, également le fait que la nouvelle Constitution devrait également s’inspirer des Constitutions de 2014 et de 1959, notamment en ce qui concerne la question des libertés. De ce fait, la Constitution de 2014 sera considérée comme une référence en matière des droits et libertés et que nombre de principes contenus dans les précédentes constitutions seront inclus dans la nouvelle en gestation.

En gros, la nouvelle Constitution aura pour principale mission de mettre en place un système politique équilibré et stable, capable d’atteindre des objectifs économiques, sociaux, culturels et même environnementaux, tout en préservant les libertés et les droits des Tunisiens.

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