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Le soutien logistique pendant la campagne de Suez : extrait du rapport du général Bauffre

Par le lieutenant-colonel Carré. Article paru dans la Revue historique des armées, n°

Introduction

En ce qui concerne « la campagne » de Suez, les opérations sur le sol égyptien sont bien connues et ont fait l'objet de nombreux récits.

Le 26 juillet, le nouveau président de la république égyptienne, le colonel Nasser, nationalise le canal de Suez. Dès le 27, les gouvernements anglais et français, « surpris et indignés », sont résolus à une intervention énergique et donnent l'ordre à leurs états-majors d'en préparer les plans. Pendant plusieurs mois, avec des difficultés plus importantes, que prévues les forces vont se rassembler, s'entraîner et se préparer plus ou moins discrètement.

Le 29 octobre, Israël, qui sent, une nouvelle fois, monter la pression des pays arabes contre son territoire en profite pour envahir le Sinaï, ce qui est fait en trois jours. Aussitôt Français et Anglais lancent un ultimatum aux belligérants pour « conserver l'intégrité du canal de Suez ».

Après le refus des Égyptiens, c'est l'intervention aérienne dès le 31 octobre, parachutage sur Port-Fouad et Port-Saïd le 5 novembre, débarquement le 6 sur les plages et le port, difficultés des Anglais pour s'emparer de Port-Saïd insurgé, préparatifs pour la conquête du canal vers le sud. Puis enfin, le cessez-le-feu dès le 6 au soir ...

Soulagement britannique, amertume française ...

Pendant 45 jours, les troupes débarquées occupent leurs positions dans une situation précaire, en attendant soit de rembarquer, soit de refouler une offensive adverse, ou de reprendre eux-mêmes l'offensive vers le sud.

Début décembre, les premières forces internationales de l'ONU s'installent dans une ambiance tendue. Le 22 décembre, le drapeau français est amené.

Si les faits sont ainsi connus, les difficultés de la préparation, de la mise en place des moyens considérables jugés nécessaires, moyens opérationnels, mais surtout logistiques qu'ils imposèrent, sont, plus souvent restés dans l'ombre, parce que moins « spectaculaires », sans doute.

Or la résolution des problèmes logistiques, dans le cadre d'une opération de ce type, est fondamentale. Les historiens, peu portés, jusqu'à maintenant, à s'y intéresser, ne pourront plus les négliger. Overlord et les Malouines le confirment. C'est pourquoi nous avons jugé préférable de présenter un document qui contribuera, sans aucun doute, à mieux mettre en lumière les caractéristiques et les difficultés liées à cet aspect des opérations modernes.

Le document en question est extrait du rapport écrit après les événements par le général Beaufre, commandant les éléments terrestres français. Dans ce rapport volumineux et diffusé en un nombre restreint d'exemplaires, il rend compte des opérations, mais surtout des difficultés rencontrées et des enseignements à tirer. Le soutien logistique fait l'objet de l'étude n° 8.

Car justement, les conditions dans lesquelles se déroulèrent la conception, la préparation et l'évolution de l'opération de Suez compliquèrent considérablement la tâche des officiers chargés du soutien: changements dans les plans, incertitudes quant à l'avenir et la suite de la manœuvre.

Durant toute l'opération, les logisticiens durent, en permanence, s'adapter aux changements dans les plans, à l'évolution de la situation après le cessez-le-feu, à l'incertitude, qui dura plus d'un mois, quant à la suite de la manœuvre : occupation défensive sur place, reprise de l'offensive vers le sud, rembarquement immédiat.

Dès le mois d'août, la conception générale de l'opération avait été arrêtée dans les grandes phases de son déroulement prévu pour s'échelonner sur un mois environ. Les forces françaises nécessaires pour vaincre un ennemi, sans doute surestimé, furent évaluées à 30 000 hommes et 9 000 véhicules. 56 navires de commerce furent réquisitionnés pour les transporter. Les navires les plus lents devaient mettre 8 jours, pour aller de Marseille ou Alger jusqu'en Égypte.

Mais en raison des désaccords entre les gouvernements, entre et à l'intérieur des états-majors sur le but à atteindre (contrôler le canal ou renverser Nasser), le terrain et le point d'application changèrent. Un premier plan Mousquetaire prévoyait le débarquement à Alexandrie où de nombreuses installations portuaires autorisaient le débarquement de 10 000 tonnes par jour. A partir du 20 septembre, le plan Mousquetaire révisé prévoit l'opération à Port-Saïd, à l'entrée du canal. Mais les installations y sont inexistantes et ne permettent pas de dépasser 1 300 tonnes par jour.

Rappelons que dans cette opération interalliée, les responsables français, sur le plan opérationnel, ne sont que les adjoints des Britanniques qui ont la direction des opérations. Cependant, selon les règles en vigueur dans l'OTAN, les responsabilités logistiques restent nationales.

Le cessez-le-feu inopiné, dès le deuxième jour de l'opération, entraîne une situation tout à fait nouvelle. Le débarquement de nombreuses unités et d'un important matériel devient inutile. Dès le 12 novembre, le commandement allié établit une liste des personnels et matériels nécessaires pour le maintien de l'ordre et la reprise éventuelle des opérations. Pour les Français : 2 régiments de parachutistes, 2 commandos de marine, 50 chars et des éléments d'artillerie et de génie, soit environ 8 000 hommes. Ce remaniement imprévu du corps de bataille entraîna la modification complète du plan de déchargement. Certains bateaux déchargeaient un matériel destiné à des unités restées en Algérie et vice-versa. Tout le matériel de réparation avait été prévu avec un échelon qui ne débarqua pas ... Les logisticiens durent faire front pour assurer la vie des unités ...

Mais durant le mois de novembre, il leur fut très difficile d'être fixé sur l'avenir et ils durent préparer plusieurs éventualités. Les Anglais voulaient repartir très vite, les Français désiraient conserver le « gage» acquis. Il leur fut, jusqu'au milieu de décembre, impossible de prévoir la date et les modalités du rembarquement.

Enfin, ils durent simultanément préparer une reprise éventuelle des opérations.

Les lecteurs de la revue découvriront les difficultés trop souvent insoupçonnées d'une opération de ce type, jusque dans ses aspects les plus modestes. Ils trouveront aussi dans ces documents des axes de réflexion à partir d’une expérience passée.

Rapport sur l’opération d’Égypte, Étude N° 8 : Le soutien logistique pendant la campagne

Il sera traité successivement, au cours de cette étude sur le soutien logistique de l'opération Amilcar :

- de la préparation et de la mise au point des plans,

- de l'exécution.

A - La préparation et la mise au point des plans

1 - Le plan Mousquetaire

On sait que le plan Mousquetaire visait une action contre l'Égypte à partir d'Alexandrie.

Il s'agissait donc de définir les conditions dans lesquelles la Force serait ravitaillée et entretenue une fois mise à terre, tout en assurant le soutien logistique de l'opération de débarquement proprement dite.

Le chargement des approvisionnements et le fractionnement des unités de Service de la Base ne pouvaient être mis au point et arrêtés qu'une fois connues les grandes lignes du plan logistique.

L'étude géographique de la région d'Alexandrie faisait nettement apparaître les difficultés de circulation au débouché de la ville, dans le cadre des opérations.

Deux itinéraires permettaient bien une sortie vers le sud, mais leur débit ne pouvait être que très réduit.

En effet de part et d'autre d'une étroite bande de terrain, resserrée entre la mer et les lagunes, puis franchissant le lac Maryut sur plusieurs kilomètres de digues pour se rejoindre au nord immédiat d'El Amitiya, ils n'offraient aucun dégagement sur les côtés et leur destruction était aisée.

Dans ces conditions, il était sage de compter sur un débit limité, tout au moins au début des opérations ; et de réserver durant les premiers jours leur utilisation aux troupes combattantes.

Ces itinéraires étaient d'ailleurs communs aux Britanniques et aux Français.

Cette servitude de circulation, jointe à la nécessité de dégager au plus tôt la zone portuaire conduisait à se contenter initialement d'une installation logistique légère et provisoire au nord du lac Maryut, sur la bande de terrain d'El Dikheila attribuée aux Français.

Ce n'est que lorsque le gros des unités combattantes, notamment la 7e division mécanique rapide (DMR) aurait franchi les lagunes du lac Maryut, qu'il serait possible d'envisager l'installation d'une première zone de dépôts et de services au sud d'El Amirya.

Ce déploiement logistique, dont l'élongation était prévue par encas sur roues et centres de livraison, devait assurer le soutien des unités pendant la 3e phase tactique, c'est-à-dire la conquête de l'espace de manœuvre nécessaire au débouché en direction du Caire.

Une deuxième zone de déploiement logistique serait créée par la suite.

Sur ces bases, une fiche d'orientation (voir pièce jointe n° 1) et des directives aux Services et à la Base (voir pièce jointe n° 3) précisaient les conditions dans lesquelles le soutien logistique de la Force pourrait être assuré.

L'échelon d'assaut aéroporté sauterait avec 2 jours d'entretien, il serait ravitaillé par air jusqu’à sa jonction avec l'échelon d'assaut amphibie.

L'échelon d'assaut amphibie et les unités de l'échelon A disposeraient de compléments opérationnels (vivres, carburants et munitions) à leurs dotations initiales, à débarquer par leurs soins, pour leur permettre de vivre tant que la Base ne serait pas en mesure d'assurer les premières distributions; choses que l'on escomptait possibles à partir de la nuit de J + 3 à J + 4.

A partir de J + 8, la Base devait être suffisamment assise pour assurer le soutien normal en tous approvisionnements et pousser des encas mobiles derrière les unités engagées vers le sud.

Les premières évacuations sanitaires s'effectueraient par hélicoptères sur le navire-hôpital La Marseillaise, tant que les formations de traitement ne pourraient être déployées à terre. Les Britanniques nous apportaient d'ailleurs une certaine aide dans ce domaine.

Pour des raisons de shipping, il ne pouvait être question d'inclure des unités de réparation dans l'échelon A, elles furent reportées en échelon B et même en échelon C. Mais grâce à la maintenance en matériels complets de la Base, il était possible, en procédant par échange, de maintenir le potentiel de combat des unités.

Le ravitaillement, à partir de la Métropole, devait s'effectuer sur la base de 2 jours de stocks par jour pendant un mois, de façon à pouvoir disposer en Égypte, théoriquement au bout d'un mois, d'un volant de 30 jours. Pratiquement, en raison des délais de chargement et de déchargement et des variations dans les consommations, on ne pensait pas atteindre ce volant de 30 jours avant un mois et demi à deux mois.

La formule des compléments opérationnels aux dotations initiales des unités, qui avait été adoptée pour la vie des premiers jours, exigeait que la Base soit en mesure de fonctionner, au moins avec une simple antenne, dès J + 3. C'était là un minimum indispensable, sous peine d'imposer aux troupes combattantes de s'encombrer d'approvisionnements excessifs, incompatibles avec leur mission.

En effet, donner à la Base, commençant à débarquer le premier jour, des délais d'installation suffisants pour lui permettre de n'entreprendre sa mission qu'une fois bien assise, impliquait de doter les formations de premier échelon de moyens d'existence pour au moins 10 jours (1).

Or les possibilités amphibies de la Marine et le tonnage disponible en navires marchands imposaient une limitation des unités d'assaut et de l'échelon A à leurs seuls moyens strictement indispensables au combat.

Si au départ le chargement sur les bateaux de ces dotations supplémentaires ne posait pas de sérieux problèmes aux unités; au débarquement, engagées au combat et réduites en moyens de transport et en main-d'œuvre, elles auraient eu à faire face à de grandes difficultés.

Cette solution ne pouvait être retenue. Toutefois, prescrire à la Base de fonctionner dès J + 3 en créant des éléments légers de Service, jetés à terre au plus tôt pour gérer ces stocks non distribués au départ aux unités, imposait:

- d'une part, un allotissement préalable des approvisionnements sous une forme immédiatement livrable ;

- d'autre part, la mise à sa disposition, au début du débarquement, d'une fraction importante des moyens portuaires, au détriment des unités combattantes.

Le volume des compléments opérationnels fut calculé pour chaque unité en fonction de sa mission, de façon à limiter au mieux le tonnage supplémentaire qu'elle aurait à manipuler, stocker et gérer sur les plages et quais de débarquement. Un élément de main-d'œuvre fut mis à la disposition de l'échelon d'assaut, pour ne pas distraire des personnels spécialistes de leur mission de combat.

Malgré tout, le volume de ces approvisionnements, calculés au plus juste et limités aux munitions, carburants, vivres et piles, représentait déjà pour les seuls éléments d'assaut et d'échelon A de la 10e DP, plus de 600 tonnes à décharger dans un maximum de 3 jours.

La solution des 10 jours aurait imposé à cette GU : le déchargement, le stockage et la manutention de près de 2 000 tonnes, ce qui était inacceptable.

Entre le 6 et le 10 septembre, étaient diffusés les documents suivants :

- un ordre particulier pour l'embarquement (n° 89/700/4 du 6 septembre) précisant aux unités les conditions de leur embarquement éventuel ainsi que la situation matérielle en approvisionnements de tous ordres au moment de leur débarquement;

- une note relative au soutien logistique des forces terrestres françaises de l'opération Amilcar (n° 94/700/4 du 6 septembre) précisant la mission de la Base de transit et d'opérations, le rôle des directeurs de Services de la Force B et la procédure des ravitaillements;

- l'ordre d'opération - 2e partie - pour la conquête et la consolidation de la tête de pont, phase Charlie et Delta (n° 120/700/4 du 1 0 septembre).

A partir du 15 septembre, on pouvait considérer que le soutien logistique du Corps expéditionnaire était préparé et les ordres nécessaires donnés.

2 - Le plan Mousquetaire révisé

Le plan Mousquetaire révisé, étudié à partir du 20 septembre 1956, visait cette fois la conquête du canal de Suez, à partir de Port-Saïd.

Ce plan présentait par rapport au précédent, entre autres caractéristiques essentielles, l'inconvénient de ne pouvoir disposer à Port-Saïd d'aucun quai en eau profonde. Tout le trafic du débarquement devait se faire par allèges.

Le rythme des mises à terre s'en trouvait ralenti, et les études menées montrèrent que les délais de déchargement seraient au moins supérieurs de moitié à ceux retenus pour Alexandrie.

- Ce ralentissement dans les opérations de déchargement imposait encore davantage à la Base d'opérations d'être en mesure de ravitailler les unités à terre, dès la nuit de J + 3 à J + 4. En effet, et l'expérience l'a prouvé, bien des unités débarquées en premier échelon, ne récupéreraient tous leurs moyens qu'au bout de plusieurs jours.

Cependant, la Base se heurtant aux mêmes difficultés, une solution de circonstance fut adoptée, pour gagner quelques jours.

Les unités emmèneraient bien entendu les compléments opérationnels déjà définis pour le plan Mousquetaire et valables à quelques aménagements près, leur permettant de vivre jusqu'à J + 3.

Un deuxième complément, calculé à l'échelon de la Force et portant sur 3 à 4 jours de vivres, munitions et carburants, serait chargé sur un des premiers cargos rapides. Dès l'arrivée à Port-Saïd, il serait aussitôt déchargé pour être distribué aux unités dès J + 3 à partir de centres de livraison à installer sur les quais mêmes de débarquement et gérés par des éléments légers de Service à faire débarquer au plus tard à J + 1.

Cette solution évitait de reprendre le chargement de la première quatorzaine d'approvisionnements qui ne subissait ainsi aucune modification. Elle avait également l'avantage de pouvoir s'adapter à tous les aménagements apportés dans la composition de l'échelon d'assaut et de l'échelon A.

Il suffisait de fixer au mieux le volume de ce complément destiné à assurer l'entretien pour la période de J + 3 à J + 6. Ce volume fut chiffré à :

- 40 000 rations de combat;

- 450 tonnes de carburant;

- 650 tonnes de munitions;

soit un total de l'ordre de 1 200 tonnes.

Le caractère insulaire de l'ensemble Port-Saïd-Port-Fouad était peu fait pour favoriser l'action logistique, d'autant que les débouchés terrestres vers le sud se trouvaient concentrés sur la rive Afrique du canal.

L'utilisation de la voie navigable, trop aléatoire, ne pouvait être retenue les premiers jours et son emploi ultérieur serait peut-être limité (chalands, LCM).

Aussi, bien que la rive Asie ait été entièrement confiée aux Français, il n'était pas question d'envisager un premier déploiement de la Base d'opération côté Port-Fouad. Toute l'organisation logistique devait prendre son point de départ de Port-Saïd, ce qui nécessitait qu'une zone de dépôts et de déploiement des services nous soit réservée dans cette ville. Par la suite, l'on comptait bien tirer le maximum de la voie navigable que représentait le canal, éventuellement de la voie ferrée, assurer la jonction entre les deux rives à hauteur d'El Kantara et procéder à un déploiement logistique côté Asie, ce qui évitait toute imbrication avec les Services britanniques et faciliterait le soutien des unités appelées à opérer sur la rive est.

Enfin, dans un temps suivant, on devait implanter des dépôts et des services au nord d'Ismaïlia côté Afrique. Cette implantation permettait de profiter d'anciennes installations britanniques et des possibilités de beaching offertes sur la rive du canal à hauteur de ces installations.

De nouvelles directives étaient données au commandant de la Base pour lui permettre d'étudier un nouveau plan de fractionnement et de chargement (voir pièce n° 4).

Le 29 septembre, l'ordre d'opération n° 4 (2e partie), était rédigé. Pour des raisons de secret, il n'était diffusé qu'au dernier moment.

B - L'exécution

Dès que la décision fut prise de passer à l'exécution du plan Mousquetaire révisé, les chargements de cargos s'effectuèrent sans encombre, tant à Alger qu'à Marseille.

La première quatorzaine d'approvisionnements, stockée à Marseille, représentait 16 000 tonnes; elle avait été fractionnée en trois vagues, correspondant au rythme de débarquement des unités.

Toutefois, le passage de Mousquetaire à Mousquetaire révisé, avait entraîné des aménagements dans ce fractionnement, notamment pour les munitions. Alors que dans le plan Mousquetaire, les unités de la 7e DMR étaient prévues dans la deuxième moitié de l'échelon A après la 10e division parachutiste (DP), dans le plan Mousquetaire révisé, la 10e DP et la 7e DMR étaient imbriquées dans l'ensemble de l'échelon A.

Pour respecter dans la mesure du possible les lotissements déjà constitués, il avait fallu opérer par grandes masses, écartant ainsi l'ajustement précis des approvisionnements aux besoins.

Le 6 novembre, la soudaineté du cessez-le-feu et les exigences d'un plan de stationnement et d'occupation à créer de toutes pièces imposaient aux opérations de débarquement des conditions d'exécution totalement différentes des prévisions.

Il s'agissait en effet de ne mettre à terre qu'une partie seulement des forces ainsi que les approvisionnements justement calculés pour leur entretien, tout en conservant les possibilités de soutenir une opération offensive.

Pour la clarté de l'exposé, on distinguera deux périodes pendant l'occupation :

1 - Période du 7 au 21 novembre correspondant à la mise à terre des éléments prévus pour l'occupation, suivie d'un allègement.

2 - Période du 21 novembre au 22 décembre correspondant à la préparation de la reprise des opérations (Verdict) et à la préparation et à l'exécution du rembarquement (Harridan).

1 - Soutien logistique pour la période du 7 au 21 novembre

a) Approvisionnements

D'une manière générale, les unités mises à terre et conservées en Égypte correspondaient à peine à la moitié des effectifs de l'échelon A, alors que les approvisionnements, à part quelques articles, étaient calculés sur l'ensemble de la Force. Il n'y avait donc en principe aucun risque de manquer de stocks, d'autant que le « cessez-le-feu » limitait les consommations à l'entretien et à la vie courante des unités, c'est-à-dire pratiquement aux vivres et carburants.

Il faut noter d'ailleurs que les consommations au cours des opérations de conquête de la tête de pont se sont révélées extrêmement faibles par rapport aux prévisions initiales, notamment en munitions.

Enfin, un problème important, celui du ravitaillement en eau douce, ne se posait pas, puisque l'usine d'épuration avait pu être prise intacte et qu'aucune destruction n'était signalée sur le canal d'eau douce.

Toutefois:

- les conditions dans lesquelles le chargement des approvisionnements avait été effectué au départ de Marseille: vivres placés à fond de cale sous des munitions ou des matériels lourds du génie, dispersion entre plusieurs cales d'articles indispensables comme la farine, la levure et le sel pour la fabrication du pain, etc.;

- l'obligation de procéder au déchargement des véhicules placés en pontée ou en entrepont pour atteindre les cales;

- la nécessité de trier les matériels et véhicules à ne pas débarquer;

- les opérations de rembarquement des formations à ne pas conserver en Égypte, entraînèrent de sérieuses difficultés et des retards importants dans la mise à terre des approvisionnements. A un moment, aux environs du 15 novembre (L + 9), la situation en vivres s'est même avérée critique à l'échelon de la Force qui ne disposait plus à terre que d'une journée d'avance.

Dès que le plan d'occupation put être arrêté dans ses grandes lignes, un premier ordre pour les ravitaillements et approvisionnements fixait la mission de la Base, les unités et effectifs à soutenir, les dépôts à constituer, les crédits ouverts et les conditions de distribution (ordre n° 65/FA/4 du 12 novembre) (FA: Force« A»). Mais l'Ordre de Bataille détaillé ne devait être diffusé que le 19 novembre (Ordre de Bataille n° 139/FA/l du 19 novembre).

Jusqu'au 12 novembre, les unités vivaient pratiquement sur leurs compléments opérationnels et les premiers approvisionnements mis en place dans les centres de livraison, conformément aux instructions de l'ordre d'opérations 2e partie ..

Mais entre-temps, l'éventualité d'un rembarquement à plus ou moins brève échéance et dans des conditions imprévues imposait la prudence dans les mises à terre des approvisionnements. Il fallait faciliter cet éventuel rembarquement tout en permettant une vie courante normale et même des opérations actives.

C'est ainsi qu'il fut décidé de décharger:

- les approvisionnements nécessaires au recomplètement des dotations des unités;

- un volant d'entretien de 10 jours en vivres et carburants;

- un volant opérationnel de 4 jours de vivres, 4 unités de feu (UF) et 4 unités essence (UE);

et de conserver à bord de cargos à maintenir sur rade un deuxième volant opérationnel de même volume (directives pour la Base de transit opérationnel (BTO) Amilcar n° 132/FA/4/1 du 14 novembre).

Il s'agissait de ne mettre à terre qu'environ 2500 tonnes d'approvisionnements; pratiquement il fut nécessaire de procéder à des déchargements beaucoup plus importants, notamment en munitions, car il fallait tenir compte des conditions de chargement des bateaux et procéder au tri pour réaliser les stocks qualitativement en fonction des unités appelées à rester en Égypte. Ce tri ne pouvait s'effectuer sérieusement que dans des dépôts à terre.

Aussi, la nécessité d'un allègement se faisant à nouveau sentir, devant le dépassement du tonnage des approvisionnements dans les dépôts, la BTO reçut-elle comme directives :

- de stocker sur chalands le volant opérationnel prévu à terre (dans le but de faciliter le rembarquement et de pouvoir procéder le cas échéant à sa destruction en mer);

- de rembarquer tout approvisionnement excédentaire dont le déchargement avait été effectué pour une raison ou une autre (notamment libération de cargos à renvoyer sur la Métropole par ordre du Bureau des transports maritimes et aériens (BTMA)).

Note de service n° 175/FA/4.PS du 7 novembre 1956.)

b) Organisation des services Déploiement :

La zone de déploiement de la BTO et des services avait été prévue, par l'ordre administratif interallié, dans la partie sud de Port-Saïd; zone imbriquée d'ailleurs avec celle de la Sub Area britannique.

Cependant l'arrêt brutal des opérations avait entraîné un resserrement du dispositif et une majeure partie de la zone attribuée à la BTO se trouvait occupée par des unités combattantes. Cet état de fait, aggravé d'ailleurs par des destructions de surfaces couvertes, a sérieusement pesé sur les conditions d'installation de la Base dans la zone de Port-Saïd. Ce ne fut qu'après de délicates discussions avec les autorités britanniques que la zone de déploiement des services put être arrêtée définitivement, mais il en résultait un retard dans leur fonctionnement (2).

Alors que les prévisions initiales estimaient que la BTO Amilcar pourrait assurer sa mission de soutien en dehors des centres de livraisons dès L + 7, L + 8 (c'est-à-dire vers le 13, 14 novembre), pratiquement, elle ne commença à fonctionner normalement que vers L + Il, L + 12 (17, 18 novembre), c'est-à-dire avec un décalage de 4 jours.

Fonctionnement des services :

L'échelon A ne comportait essentiellement, au point de vue Services, que des éléments de gestion (excepté le Service de Santé), encore étaient-ils bien réduits.

a) Dans le domaine des subsistances, l'alimentation liée au déchargement des cargos fut assurée uniquement en rations de combat jusqu'au 16 novembre. De la viande congelée, provenant de réquisition, fut distribuée à partir du 16, et l'alimentation en vivres normaux ne commença réellement que le 17, avec distribution de pain frais. Toutefois l'utilisation des boulangeries locales avait permis des distributions de pain frais dès le 10, et des fruits et légumes réquisitionnés venaient apporter une amélioration au régime des conserves, d'ailleurs d'excellente qualité.

b) Le ravitaillement en carburants n'a soulevé aucun problème, la consommation moyenne journalière n'excédant guère 10 à 15 m3 Toutefois, il était indispensable de conserver le mode de ravitaillement en conditionné, les capacités locales s'avérant inexploitables pour procéder à un ravitaillement en vrac.

c) Aucune formation de réparation ne faisait partie de l'échelon A et la plupart des unités ne disposaient pas de leurs ateliers, prévus soit en queue d'échelon A, soit même en échelon B. Dans ces conditions, il a fallu :

- créer de toutes pièces des stations-service pour assurer les réparations du deuxième échelon (assez tardivement par suite de difficultés de réquisition de locaux adaptés; à Port-Fouad, locaux de la Cie du Canal;

- charger la 60e compagnie de réparation divisionnaire (CRD) (d'ailleurs allégée) (3) des réparations les plus simples du 3e échelon;

- utiliser les maintenances en matériels complets et renvoyer sur hl Métropole ou l'AFN les matériels justiciables du 4e échelon et même du 3e échelon.

d) Dans le domaine médical l'hôpital de campagne 461 déployé à Port-Saïd dès le 10 novembre était en mesure de prendre à son compte le traitement des malades et blessés éventuels, ce qui permettait de libérer les compagnies médicales. Les blessés de l'opération Mousquetaire elle-même avaient été évacués sur La Marseillaise et les plus graves directement sur Malte à l'aide des moyens britanniques.

Les possibilités sanitaires s'avéraient donc largement suffisantes, sauf en cas d'une grave épidémie où il aurait fallu procéder à des rotations de La Marseillaise.

e) Le courrier privé dans le sens Égypte-Métropole ou AFN commençait à fonctionner dès le 8 novembre.· Mais dans le sens inverse, malgré l'arrivée d'une importante quantité de lettres, le courrier ne se régularisait réellement que vers le 20, par suite semble-t-il d'un engorgement du bureau central.

c) Vie des unités

Très vite, les unités se sont trouvées devant des situations très difficiles pour assurer leur vie courante. En effet, pour des raisons de shipping et opérationnelles aucun élément d'administration et de service ne se trouvait dans les premières vagues ; ces éléments avaient été prévus soit en fin d'échelon A, soit en échelon B.

Beaucoup d'unités n'avaient ni fourneaux à essence ni roulantes, aucun organe administratif (comptable, trésorier, etc.), aucun atelier de réparation (4).

Dès que fut arrêté ferme l'Ordre de Bataille des formations qui devaient rester en Égypte, un plan de renforcement en personnels et matériels strictement indispensables à la vie des unités fut établi et mis en exécution.

Ce plan prévoyait :

- une première urgence de 136 personnels à acheminer par avion;

- une deuxième urgence de 308 personnels et 79 véhicules à faire venir par voie maritime.

2 - Soutien logistique pour la période du 21 novembre au 22 décembre {Verdict et Harridan}

Du cessez-le-feu au 21 novembre, dans l'ambiance du plan d'allègement et d'un rembarquement éventuel, il s'agissait d'assurer la vie courante des unités, en ne mettant à terre que les approvisionnements et services strictement indispensables

Mais le 21 novembre, la nécessité de disposer d'approvisionnements suffisants pour soutenir éventuellement l'opération Verdict avait conduit à la reprise active des déchargements.

Le but était de disposer cette fois :

- d'un volant d'entretien de 10 jours pour les forces stationnées en Égypte, ce volant étant stocké à terre;

- d'un volant opérationnel, partie à terre, partie sur chalands de 16 jours de vivres; 8 UF; 8 UE; génie (3 unités Bailey, 1 Unité Treadway OT); transmissions (piles et câbles).

L'ensemble était calculé pour les forces d'Égypte, renforcées par des unités en provenance de Chypre, et représentait environ 4 500 tonnes.

Le 25 novembre, date à partir de laquelle on devait être prêt à reprendre les opérations, cette situation était presque réalisée. Toutefois, le volume global des approvisionnements mis à terre ou sur chalands atteignait 6 000 tonnes. Il avait été nécessaire de décharger bien plus que les besoins théoriques pour obtenir en qualité les stocks demandés, notamment en munitions, car le tri ne pouvait s'effectuer à bord des bateaux.

Aussi le 26 novembre, était-il prescrit à la Base de suspendre les déchargements d'approvisionnements et de procéder au tri méthodique de tout ce qui se trouvait à terre.

Commandes des ravitaillements à l'Administration Centrale :

Le 20 novembre, les stocks dont disposait la Force, tant à terre que sur les cargos au port ou en attente sur rade, lui permettaient d'assurer son entretien normal jusqu'au 31 décembre, à l'exception de quelques articles (notamment rechanges du service du matériel).

Il faut remarquer que les consommations se limitaient pratiquement à l'alimentation, 8 000 à 9 000 rations par jour et au carburant : 10 à 12 m3/jour.

Mais en raison des délais d'acheminement - chargement des bateaux, délais de route, déchargement à l'arrivée - de l'ordre de 20 jours, il était temps de passer les commandes nécessaires à l'Administration Centrale, selon la procédure du plan de ravitaillement.

Devant l'incertitude de l'avenir, trois hypothèses pouvaient être retenues :
- rembarquement plus ou moins rapide;
- occupation selon le statu quo ;
- reprise des opérations.

Il fallait adopter un système suffisamment souple pour ne pas se trouver devant des approvisionnements trop importants et cependant rester en mesure de parer à toute éventualité.

Aussi, le 22 novembre, les demandes suivantes, sous forme d'états R, étaient-elles adressées à l'état-major de l'armée:

- une demande spéciale de recomplètement pour équilibrer les stocks du moment et aligner la Force jusqu'au 31 décembre; il s'agissait surtout de rechanges et d'effets d'habillement (5) destinés d'ailleurs à remplacer les articles que les unités avaient laissés dans les échelons arrières et qui n'avaient pas rejoint;

- une demande normale de quatorzaine de vie courante, correspondant à l'hypothèse occupation et qu'il suffisait de reconduire automatiquement. La première quatorzaine était prévue pour la période du 1er au 15 janvier et devait donc parvenir à Port-Saïd avant la fin de décembre; - une demande de quatorzaine opérationnelle, correspondant aux besoins en cas de reprise des opérations, calculée pour chacun des cas suivants;

1 - Unités d'Égypte renforcées par Chypre.

2 - Unités d'Égypte renforcées par la Métropole ou l'Algérie.

Cette dernière commande ne devait être envoyée en Égypte que sur le Top de la Force, ce qui permettait suivant le cas, d'adapter les ravitaillements aux besoins du moment.

Préparation du rembarquement des approvisionnements :

Le 28 novembre l'on, savait que l'opération Verdict n'aurait pas lieu, que toute opération ultérieure serait uniquement défensive et qu'il fallait poursuivre la préparation du rembarquement dont l'exécution pouvait être prescrite dans des délais rapprochés (opération Harridan).

Dans ces conditions, il apparut inutile de garder à terre un volume d'approvisionnements trop important, aussi la Base reçut-elle l'ordre de procéder immédiatement au chargement sur cargos de la moitié du volant opérationnel, notamment les munitions (V. ordre n° 383/FA/4.1 du 29 novembre).

Les premières directives sur l'échelonnement des approvisionnements à entretenir au cours du rembarquement faisaient également l'objet de cet ordre.

Le but recherché était de disposer à terre pour chacun des échelons, prévus dans les différentes phases du plan de rembarquement, des approvisionnements suffisants jusqu’a son embarquement, tout en tenant compte d'un décalage possible de l'ordre de 15 jours entre les embarquements des 2e et 3e échelons (6).

Sur ces données la BTO Amilcar pouvait déjà commencer son planning de rembarquement et procéder aux premiers chargements sur allèges.

Soutien logistique de l'Opération Harridan :

Le soutien logistique de l'Opération Harridan ne présentait en lui-même aucune difficulté particulière, si ce n'est la détermination aussi exacte que possible des ravitaillements à conserver à terre.

Ces ravitaillements devaient être suffisants pour parer à toute éventualité (une action de l'armée égyptienne ne devait pas être écartée a prion), mais limités pour des raisons de chargement. En effet, il fallait les mettre à fond de cale, donc les charger avant les véhicules des unités, l'emploi des allèges demandait des délais que l'on ne pouvait réduire et l'on ne devait pas se trouver en fin de rembarquement devant des stocks trop importants à placer en pontée.

D'un autre point de vue, le fractionnement des unités de service devait être serré de très près, car il fallait conserver jusqu'à la fin les éléments indispensables à la vie des unités (fabrication du pain par exemple).

Enfin, pour des raisons de sécurité et de facilité dans le rembarquement, il était prévu de regrouper sur Port-Fouad au cours de l'opération Harridan la presque totalité des éléments français. Cette mesure entraînait automatiquement la fermeture des dépôts de Port-Saïd et l'ouverture de centres de livraison à Port-Fouad.

Dans le domaine alimentaire, si étonnant que cela paraisse, il fut nécessaire de reconstituer les stocks de vivres conditionnés pour tenir compte de la distribution des vivres d'embarquement et de débarquement, de la dispersion des effectifs et des problèmes de cuisson des aliments qui allaient se poser avec le chargement des moyens de campement.

Cette mesure fut d'ailleurs combinée avec le déchargement d'une partie des moyens des économats, dont le besoin se faisait particulièrement sentir devant l'impossibilité de trouver dans le commerce local les articles de première nécessité (7).

La formule de l'encas mobile sur chalands fut adoptée pour les munitions et le carburant - articles pondéreux - de façon à faciliter le chargement des derniers jours.

Enfin, grâce au maintien au port jusqu'aux toutes dernières heures, du navire-hôpital La Marseillaise et du porte-hélicoptères Léon Mazel/a, le problème des évacuations sanitaires ne se posait pas.

L'ensemble de ces dispositions a fait l'objet de l'ordre logistique du 6 décembre, aménagé en fonction de l'évolution de l'opération et mis au point dès que fut connu le jour E (ordre n° 521/FA/4.1 du 6 décembre).

Rembarquement des approvisionnements :

Près de 6 000 tonnes d'approvisionnements devaient être rechargées lorsqu'ont été prises les premières décisions de rembarquer la Force (v. pièce n° la).

Le plan de rembarquement prévoyait la ventilation suivante :

1re phase : 3 000 tonnes d'approvisionnements; 2e phase : 1 500 tonnes à 2 000 tonnes;

3e phase : reliquat des ravitaillements.

Ces prévisions furent largement respectées et le rechargement des approvisionnements s'effectua dans d'excellentes conditions. La solution de charger le maximum possible sur chalands s'avéra excellente; outre qu'elle évitait les pertes de temps inévitables dues aux mouvements portuaires, elle permettait de disposer constamment de ravitaillements transportables de Port-Saïd sur Port-Fouad, et facilitait la répartition par catégorie des articles à embarquer (notamment pour les munitions à ventiler en catégories maritimes).

Le 20 décembre, avant-veille du jour E, seuls restaient à rembarquer les encas suivants :

5 000 rations conditionnées;

10 à 15 m3 de carburants;

90 tonnes de munitions;

dont le chargement était prévu en pontée pour les rendre facilement accessibles.

Notes :

(1) Cette dotation supplémentaire de l0 jours était possible, car l'EMA avait fait mettre en place 15 jours de stock en AFN pour les 2 GU de la Force. Ce chiffre de 10 jours correspond à une marge de sécurité de 2 jours, la Base devant fonctionner normalement à partir de J + 8.

(2) La répartition des zones d'implantation française et britannique à Port-Saïd n'avait malheureusement pas pu être fixée de façon définitive. Elle avait fait l'objet d'un projet à vérifier après reconnaissance.

(3) Il lui manquait sa section magasin. Celle-ci devait être chargée sur le pilote Garnier. Au moment du chargement la Base ne put l'exécuter pour des raisons d'encombrement des véhicules. Elle les plaça sur l'Avranches qui arriva en même temps à Port-Saïd. Mais l'Avranches qui portait par ailleurs une Cie du GT 507 ne fut pas déchargé. Cette décision gêna certainement l'exécution des réparations pendant l'occupation.

(4) Le souci de placer en échelon A le maximum de moyens de combat y avait conduit. Cependant l'expérience a montré qu'à l'avenir cette solution est à éviter. Il faut que les unités disposent dès le début d'un minimum de moyens de vie.

(5) Une première demande d'effets d'habillement, considérée comme urgente, avait été passée par TO n° 245/F AI 4 du 20 novembre.

(6) En fait, ce décalage n'a pas joué, et les 15 JR prévus à cet effet ont pu être rechargées dès le 10 décembre sur les bateaux.

(7) Les commerçants n'ont pratiquement ouvert leurs magasins que 2 ou 3 jours pendant toute la période d'occupation.

Pièce n°1, fiche d’orientation

A – Soutien immédiat des troupes dès leur débarquement

1 - Soutien de l'échelon d'assaut aéroporté

a) Les éléments parachutés sauteront avec 2 jours de stocks de toute nature; ils seront ravitaillés par air tant que cela sera nécessaire chaque jour pour la journée du lendemain, en vin, eau (5 litres par homme), munitions et piles.

b) Ils recevront sur demande tout ravitaillement opérationnel (limite: 80 tonnes par jour, s'il n'y a pas d'autres parachutages ce jour).

2 - Soutien de l'échelon d'assaut amphibie

a) Les chars de la 10e DAP pourront tirer avec leur dotation initiale. Les chars soutien (1 escadron AMX 1 escadron Patton) débarqueront au port avec leur dotation initiale.

b) Derrière ces chars seront déposés sur les plages par la DAP (3e et 4e rotation des LCM) des stocks opérationnels: 4 UE (unité essences), 4 UF (unité feu), 4 jours de piles et 5 jours de vivres. Au port par l'escadron d'AMX et de Patton, des stocks opérationnels : 3 UF et 3 UE (120 tonnes en tout), 5 jours de vivres.

3 - Soutien échelon A

L'échelon A débarque dans le port, en même temps que tous véhicules organiques, les dotations initiales : soit en particulier: 4 UE (Unité Essence); 4 jours de vivres; 2,5 UF d'artillerie (Unité Feu).

Il débarque de plus un stock opérationnel de : 2 UE; 3,5 UF d'artillerie; 2,5 UF chars; 2 jours de vivres.

Son potentiel total est donc de : 6 UE ; 6 UF d’artillerie ; 6 UF chars ; 6 jours de vivres.

B – Soutien par la base : entre J + 3 et J + 8

La Base devra être en mesure de soutenir à partir de la nuit de J + 3 à J + 4 les éléments déjà débarqués (assaut et partie échelon A). Ces éléments grossiront jusqu'à J + 8.

C – Soutien par la base à partir de J + 8

a) A partir de J + 8, la Base soutiendra l'ensemble de l'échelon d'assaut et de l'échelon A.

b) Elle sera en mesure de pousser derrière les forces engagées au Sud, Sud-Est un encas sur roues de : 1 UE; 2 UF; 2 jours de vivres.

Ce stock opérationnel représente en gros 500 tonnes, il sera transporté par les deux compagnies de transport de la Base et la compagnie de transport de la DMR. Le niveau de ce dépôt avancé sera maintenu à partir de sa reconstitution.

Ravitaillement de la Base pour soutenir les opérations

a) En débarquant, la Base disposera de 15 jours pour toute la Force. Elle recevra 15 jours entre J + 1 et J + 8 dans un ordre d'urgence à l'étude qui permettra de satisfaire le plan précédemment exposé.

b) La Base recevra de l'EMA 15 jours tous les 7 jours, ce qui doit porter ces stocks à 30 jours à la fin du premier mois.

c) Cependant il ne s'agit que de ravitaillement d'entretien.
Il est donc demandé un ravitaillement opérationnel à recevoir vers J + 8 et qui peut être chiffré à : 6 UF; 4 UE; pour l'ensemble de la Force.


Pièce n°3, Directives pour le commandant de la base Amilcar pour la première phase (tête de pont)

1 - La Base Amilcar doit être en mesure de supporter, à partir de la nuit de J + 3 à J + 4, la totalité des éléments à terre, tout en poursuivant son installation liée à l'accroissement progressif des forces débarquées.

2 - Du début de l'assaut jusqu'au moment où la Base prend à sa charge le soutien des forces à terre (nuit de J + 3 à J + 4), les unités assurent leur propre ravitaillement grâce aux approvisionnements emmenés par leurs soins.

Ces approvisionnements comprennent les dotations initiales plus un complément opérationnel, le volume global correspondant en moyenne à 6 jours d'entretien.

Les premiers éléments de la Base Amilcar doivent donc débarquer dès le J + 1, ainsi que les premiers approvisionnements de démarrage.

Le calendrier approximatif des forces débarquées de J à J + 8 est indiqué en annexe 1.

3 - Le soutien de la Base, dès la nuit de J + 3 à J + 4, sera réalisé comme suit :
- en 1re urgence, ravitaillements ;
- vivres et eau ;
- munitions (sur la base d' 1 UF par jour) ;
- carburants (sur la base d'I UE par jour) ;
- piles ;
- génie (matériel d'organisation du terrain (OT)).

- en 2e urgence, récupération, réparations sommaires et évacuations

- en 3e urgence, traitements et réparations.

4 - La Base Amilcar doit être en mesure de constituer, à terre pour J + 8 un volant d'approvisionnements correspondant pour l'ensemble des forces débarquées à cette date:
- 8 jours d'entretien de 6 UF;
- un complément opérationnel de 6 UF et 4 UE.

5 - A partir de J + 8, la cadence d'arrivée des approvisionnements doit être telle qu'à J + 15 le niveau des stocks atteigne 8 jours d'entretien pour la totalité de la Force « A », et un complément opérationnel de :
- 3 UF et 4 UE pour les Forces à terre à J + 15 indiquées en annexe 3.

6 - Points particuliers :

Approvisionnements génie : les besoins en approvisionnements opérationnels en matériels du génie seront communiqués ultérieurement. Toutefois, une unité de Pont Bailey devra figurer parmi ces approvisionnements et débarquer pour J + 8.


Le chef d'état-major Signé: PRIEUR

PA le Chef du 4e Bureau

Pièce n°4 : directives n°2 pour le commandant de la base Amilcar (opération 700 (ordre d’opérations n°4)

1 - Les présentes directives correspondent à l'exécution des prescriptions de l'Ordre d'Opérations n° 4 concernant une variante dans les conditions de déroulement de l'Opération 700.

2 - La Base Amilcar doit débarquer les premiers éléments en personnels dès le Jour L + 1, partie à Port-Fouad, partie à Port-Saïd.

Elle doit être en mesure de constituer immédiatement, à l'aide d'approvisionnements embarqués sur le cargo Gange (départ de Marseille), des centres de livraison :

- sur la rive Est (Fort-Fouad) où viendront se ravitailler les unités de la 1 De DP engagées à l'Est du canal, et jusqu'à jonction ultérieure des deux rives;

- sur la rive Ouest (Port-Saïd) pour les éléments débarqués à l'Ouest du canal.

Le volume des Forces à soutenir sur la base moyenne de 1 JR par jour, ainsi que la progression de leur débarquement sont indiqués en annexes 1 et II.

Ce soutien doit commencer à L + 3.

3- - Par la suite, avec l'arrivée de ses propres approvisionnements (cargos Brest et Sète), la Base doit être en mesure de constituer une zone de dépôt à Port-Saïd, où viendront normalement se ravitailler les unités (y compris la 10e DP dès que la jonction des deux rives du canal sera assurée). Cette première zone de dépôts s'appellera Zone A.

Les premières perceptions, à partir des dépôts de la Zone A, doivent commencer dès la nuit de L + 6 à L +7.

4. - Dès que cela sera possible, la Base poussera des approvisionnements dans la région de El Kantara pour y constituer de nouveaux dépôts sur les deux rives du canal.

Cette nouvelle zone de dépôts s'appellera Zone B.

S - Le détail des effectifs, ainsi que leur progression jusqu'à L + 13 et leur implantation géographique probable, sont indiqués en Annexes 1 et 2.

6 - La Base doit être en mesure de constituer, à terre, pour L + 13 un volant d'approvisionnements correspondant à : 6 à 8 jours de ravitaillement pour l'ensemble des Forces débarquées à cette date.

7 - A partir de L + 13, la cadence d'arrivée des approvisionnements doit permettre la réalisation à L + 20 d'un volant d'approvisionnement égal à 10 jours de ravitaillement (pour les Forces à terre à cette date) et un complément opérationnel de 2 UF et 3 DE pour l'ensemble des Forces à terre à cette date.

Le Général de Division BEAUFRE
Commandant la Force « A »

PO le colonel PRIEUR
Chef d'état-major

Ordre d’opération n°4 (Cartes: 1/100000, n° 92/72 et 88/72), le 23 septembre 1956

2. Conception général de l’opération en mission de la force alliée

2.1. - Conception générale

La mise en place des moyens nécessaires à l'opération sera décidée à un jour « A » et fera l'objet d'ordres particuliers.

2.1.1. - Dans une première phase, débutant à un jour « J », qui correspondra au plus tôt à « A» + 1 0, neutraliser les forces aériennes ennemies par une offensive aérienne intense (durée: deux jours).

2.1.2. - Dans une deuxième phase, de durée indéterminée et débutant en principe à « J » + 2, poursuivre cette offensive aérienne en l'associant étroitement à une action psychologique soigneusement orchestrée. Les objectifs de cette deuxième phase seront choisis en vue de détruire la volonté de résistance de l'ennemi.

2.1.3. - Dans une troisième phase, objet du présent ordre, s'assurer à partir d'un jour « L » de la zone du canal et en réaliser l'occupation par les forces terrestres, maritimes et aériennes. « L », jour de l'assaut initial, correspondra:

- dans le Plan « A », au plus tôt à « J » + 4 avec un préavis minimum de 24 heures;

- dans le Plan « B », au plus tôt à « J » + 1 0 avec préavis de six jours.

2.2. - Mission des Forces Terrestres Alliées (troisième phase)

L'opération terrestre comprendra trois temps, dans le Plan « A » comme dans le Plan « B » :

Premier temps - S'assurer de Port-Saïd, de son port, de l'aérodrome et créer une base de départ en vue de s'emparer de la zone du canal.

Deuxième temps - Renforcer la tête de pont de Port-Saïd et l'étendre jusqu'au triangle d'Ismaïlia.

Troisième temps - Occuper le reste de la zone du canal et renforcer les troupes mises à terre dans les deux premiers temps.

2.3. - Limite des zones d'action britannique et française

Jusqu'à la conquête d'El Kantara, la limite entre les forces britanniques et françaises sera le canal dont la partie est avec Port-Fouad est attribuée au Corps Expéditionnaire Français.

Par la suite, cette dernière zone sera étendue à l'ouest du canal à un moment et dans les conditions qui seront fixées ultérieurement.

3 – Conception de l’opération française et organisation du commandement

3.1. - Conception

Agissant en liaison avec le Corps Expéditionnaire Britannique :

1. Mettre la main sur Port-Fouad par un débarquement aéroporté et amphibie, puis, agissant à l'est du canal, s'emparer au plus tôt des débouchés de celui-ci dans la région d'El Kantara Est.

2. Protéger la réunion des moyens débarqués à Port-Fouad et à Port-Saïd, couvert à l’est à Rumani Station.

A partir de cette tête de pont, être en mesure, compte tenu de la situation, de passer : soit à une exploitation rapide sur Ismaïlia, au fur et à mesure de l'arrivée des moyens, ceux-ci pouvant être seulement chargés de rejoindre des éléments parachutés successivement aux différents points de la zone du canal; soit à une action en force, après réunion complète des moyens.

3. Prévoir en conséquence, en priorité, dans les échelons débarqués à partir de « L » + l, d'une part, les moyens nécessaires pour rendre leur mobilité aux éléments mis à terre en assaut et, d'autre part, les régiments interarmes de la 7e DMR.

Garder en réserve à Chypre les régiments de la 10e D P non utilisés en assaut, pour pouvoir donner à l'opération un rythme adapté aux circonstances. Être en mesure de reconstituer cette réserve à Chypre tant qu'un aérodrome ne sera pas utilisable en Égypte.

Pièce n°10 : volume des stocks à terre (ou sur chalands à la date du 28 novembre)

Munitions 1 800 T dont 400 T sur chalands

Vivres et matériels des Subsistances (palettes, citernes, futailles, etc.) 1 100 T dont 200 T sur chalands

Carburants, ingrédients et matériels du service des Essences (Fûts, etc.) 1 400 T dont 1 000 T sur chalands

Transmissions (piles, câbles) 150 T

Habillement, campement 250 T

Génie

Matériels de pontage

Matériels d'OT

Cubic-pontons

1050 T

Santé (containers) 90 T

Matériels divers (acconages, filets, etc.) 100 T

Total 5940 T (dont 1600 T sur chalands)

Consommations prévues jusqu'à la fin du rembarquement :

Vivres 400 T

Carburants 200 T

Total 5940 – 600 = 5340 T à rembarquer.

ANNEXE 1

CALENDRIER DES FORCES DÉBARQUÉES (J A J + 8)

  Hommes Véhicules Échelon   Composition de l'élément
     
J 2200 30 Aéroporté 10e DAP  
  3 100 200 Amphibie plage 10e DAP  
        Équipe génie  
        Ire Cie du I/6e BTS  
  470 130 Amphibie port 8e dragons (l Esc) v  
        7e DMR (l Esc)  
        7e DMR (génie)  
      ÉCHELON A    
J + 1       Ordre d'urgence de débarquement de l'échelon A
J + 2       1 re urgence 8e dragons
          13e génie
          Éléments de Base Amilcar
J + 3       2e urgence 10e DAP-ll/4e RIC
          Éléments de Base Amilcar
J + 4 12500 4800   3e urgence 7e DMR (6 600 hommes)
          Éléments de Base Amilcar
J + 5       4e urgence 58e QG
          2e BTRCOL
          Éléments de Base Amilcar
J + 6       5e urgence Éléments de Base Amilcar
J + 7          
J + 8          

ANNEXE 2

CALENDRIER DES APPROVISIONNEMENTS A DÉBARQUER DE J + 1 à J + 8

1. - Au titre entretien :

  Vivres Munitions Carburant Rechanges Génie et Transmissions Tonnage global approximatif
J+l 10000 100 100      
J + 2 12000 200 200   1 unité Bailey débarquée pour J + 8  
             
J + 3 14000 200 200      
J + 4 16000 200 200      
J + 5 18000 200 200 Matériels d'organisation du terrain    
             
J + 6 20000 200 200      
J + 7 20000 200 200      
J + 8 20000   200      
  130000 1300 T 1500 50 T 300 T 3500 T
    = 5 UF = 5 UE      

2. - Au titre volant d'avance à constituer

a) 8 jours d'entretien :

-160000 vivres

(Munitions) 8 UF des forces à terre= 2000

(Carburant) 8 UE des forces à terre = 2500

Tonnage global approximatif : 5600 T

b) complément opérationnel :

6 UF des forces à terre = 1 500 T

4 UE des forces à terre = 1 200 m3

Tonnage global approximatif = 11 800 T

Total moyen journalier à débarquer: 1 500 T/jour