Égyptologie
Là, des inscriptions au trait hésitant, des dessins encore malhabiles, des sculptures imparfaites… Ici, des jarres étiquetées, des pots, des coupelles… Là encore, des fourneaux, de la vaisselle, des moules à pain… Les fouilles conduites ces dernières années au Ramesseum – temple de Ramsès II érigé sur la rive ouest du Nil, à Thèbes 1 au XIIe siècle avant notre ère – ont livré un impressionnant témoignage de ce qu'était réellement ce « château de millions d'années »2.
© C. Delhaye/CNRS Photothèque L'utilisation d'une grue sur le chantier de fouilles étant proscrite, les blocs de pierre sont déplacés à la manière antique, non sur des rondins de bois mais sur des tubes de métal.
Il s'agissait, en fait, de véritables satellites de l'institution royale, à la fois conservatoires de la mémoire d'un règne et centres économiques voire socioculturels, sortes de délégations administratives du pouvoir central en milieu provincial ». La cour royale était alors installée à Pi-Ramsès (« le domaine de Ramsès ») dans le Delta oriental, mais pouvait se déplacer dans d'autres villes (Memphis, Thèbes) lors de circonstances particulières.
© C. Delhaye/CNRS Photothèque Le colosse de Ramsès II gît sur le seuil de la porte du second pylône, dans l'axe de la travée centrale de la salle constituée de colonnes à chapiteaux ouverts. Haut d'environ 16 mètres, il a été volontairement abattu à l'époque chrétienne (vers la fin du ive siècle de notre ère), sans doute pour des raisons idéologiques.
Les scribes, ainsi que tous les autres fonctionnaires et prêtres rattachés au Ramesseum, étaient rétribués en nature pour leurs services. À cet effet, le temple disposait de magasins où étaient stockés les céréales, les graisses, les huiles, le vin, la bière, le miel et bien d'autres produits en provenance des domaines royaux. Les cuisines et les boulangeries, équipées de fourneaux, permettaient de nourrir les dieux vénérés dans le temple, mais aussi les hommes au service de l'institution royale. « Durant les années de prospérité, les magasins du Ramesseum pouvaient contenir assez de denrées pour subvenir aux besoins de plus de trois mille familles ! » indique Christian Leblanc. Le Ramesseum a ainsi été un lieu d'intense activité durant tout le règne de Ramsès II (1279-1212 avant notre ère) et même longtemps après sa mort, probablement jusque vers l'an 1000 avant notre ère. Ce n'est qu'à partir de cette époque que les « châteaux de millions d'années » furent désaffectés. Jusqu'à ce que les archéologues les investissent à nouveau et leur redonnent, aujourd'hui, une sorte de seconde jeunesse.
Fabrice Demarthon
1. L'actuelle ville de Louqsor, située à près de 750 kilomètres au sud du Caire.
2. Les recherches sont effectuées par la Mission archéologique française de Thèbes-Ouest (du C2RMF, CNRS / Ministère Culture et Communication), en partenariat avec le Conseil suprême des Antiquités de l'Égypte et avec l'aide du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture.
L'Association pour la sauvegarde du Ramesseum permet de financer les travaux de restauration et de valorisation et publie chaque année le bulletin Memnonia. Site : www.asrweb.org
Christian Leblanc
Mission archéologique française de Thèbes-Ouest, Louqsor, Égypte
ch.leblanc@link.net