22 février 2011

simpsons-startrek-300x400.1298396679.jpgLogique, épistémologie, histoire de la philosophie, éthique… Ces cours de philosophie, vous connaissez. Aux Etats-Unis, à côté de ces cours classiques, s’invitent des cours un peu plus étranges… A Georgetown, la célèbre université de Washington D.C., un cours de philosophie consacré à Star Trek est proposé cette année. Selon Linda Wetzel, la responsable de ce cours, “Star Trek est très philosophique. Quel meilleur moyen, alors, d’apprendre la philosophie, et de regarder Star Trek tout en lisant de la philosophie et de combiner les deux en classe ? C’est mon idée. Ce cours est en fait une introduction à certains sujets de la métaphysique, de l’épistémologie et de philosophie”.

A Berkeley, en Californie, dans un des cursus offerts par les étudiants eux-mêmes il y a deux ans, l’on pouvait étudier, très sérieusement également, les Simpsons et la philosophie : “De la philosophie à la religion, de la science à la politique, les étudiants pourront découvrir un nombre de points de vue différents (…). En choisissant ce cours, les étudiants pourront apprécier comment les Simpsons peuvent aider à une meilleure compréhension d’à peu près tout”. Dans le même cursus décalé, les étudiants ont accès cette année à un cours intitulé “James Bond : politique, pop culture, héros” A Frostburg State University, une université du Maryland, les étudiants pouvaient récemment accéder à un cours intitulé “la science d’Harry Potter “.

L’UNIVERSITE AMERICAINE : PLUS UTILE SOCIALEMENT ?

Tous ces exemples de cours décalés sont cités par le blog de Ferdinand Von Prodzynski. L’ancien président de Dublin College University se demande benoîtement s’il est bien sérieux de proposer de tels programmes… Les professeurs américains, notamment en sciences humaines, sont-ils arrivés au fond du fond ? Sont-ils obligés de “marketer” leur cours pour aguicher l’étudiant zappeur ? Est-ce le symbole d’une crise profonde de l’université ? Ou est-ce tout à fait normal de prendre en compte la culture populaire pour aborder les notions philosophiques ou historiques ?

Ce post de Van Prodzynski m’a rappelé une présentation assez brillante d’un professeur américain, Francisco Ramirez , à  laquelle j’ai assisté en 2010 en Espagne. Pour ce sociologue de Stanford, ces types de cours sont très habituels aux Etats-Unis. Si en Europe, ces cours sont mal perçus, de l’autre côté de l’Atlantique, réussir à intéresser les étudiants en flattant leur goût et leurs centres d’intérêt est plutôt bien vu… Et ces cours portent d’ailleurs un nom : les “practicals arts”, les “arts pratiques”.

Aux Etats-Unis, les universités doivent avant tout être “utiles socialement”. En clair, elles doivent répondre aux besoins de la population, d’où également le développement exponentiel des cours sur des “sujets identitaires ou ethniques”. Selon Francisco Ramirez, contrairement à ce qui se passe par exemple en France, les universités ne sont pas des entités sociales “à part” relevant d’un service public les “protégeant” de la société, mais sont “enracinées socialement” dans la société. AU coeur de la société, elles se battent donc pour gagner autant leur financement que leur légitimité… La vision est peut être un peu schématique, mais elle donne au moins à réfléchir…

Philippe Jacqué

(image : Mark Storey)

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Commentaires

  1. Si les profs de philo ne peuvent plus évoquer Shakespeare, faute de connaissances suffisantes de la part de leur auditoire, pourquoi ne pas se rabattre sur Star Trek. De là à en faire le centre du cours…
    Pourquoi ne pas prendre le foot comme exemple, tant qu’on y est !! Oups… http://le-ballon-de-derriere.over-blog.com/categorie-11666218.html

  2. Euh… Les profs de philo n’ont jamais évoqué Shakespeare, ils étaient trop occupés à évoquer Corneille et Molière.

  3. Ouais, on est encore sérieusement coincé en France et en Europe en général concernant la cultûûûûûre et la philôsôphie, n’est-ce pas… Ce qui a moins d’un siècle est passable, moins de cinquante ans incongru, moins de dix ans absurde, et ce qui a moins d’un an n’existe pas.

  4. Je pense comprendre l’approche… il s’agit plus d’un point d’entrée attirant vers tout un tas d’autres auteurs et d’autres oeuvres.
    Dans star trek, on trouve des références à Shakespeare, Goethe, Shiller, à des centaines de musiciens, de références historiques, cinématographiques…
    Autant dire que c’est une mine d’or, un sac de bonbons pour attirer les enfants. Ça permet d’ouvrir à plein de thèmes, en espérant faire naître une curiosité pour ces auteurs, du fait même de celui qu’on peut porter aux valeurs apportées dans S.T.
    C’est comme quand Tokyo Hotel a fait monter les inscriptions en option Allemand.

  5. Je ne vois pas l’intérêt de la démarche.
    Si stark trek est si philosophique que ça, les fans sauront très bien s’en rendre compte et mettre en ligne leurs petits sites et forums pour en discuter.
    Je trouve ça absurde de parler en classe de choses que les élèves connaissent déjà alors qu’il y a tant de choses qu’ils n’auront jamais le courage d’aller découvrir par eux-mêmes si on ne leur impose pas.
    Sans compter que, si “philosophique” que soient Star Trek et les Simpson, ce sont surtout des produits commerciaux avant d’être des oeuvres d’art. Produits bien réalisés sans doute, mais produits quand même.
    Je sens venir le moment où le cours se terminera par une distribution de t-shirts et jouets offerts par les studios à la condition que les élèves aient regardé les deux dernières saisons.
    Sinon, Shakespeare, Corneille et Molière, dans un cours de philo ? Évoqués comme ça en passant, je veux bien. Mais les auteurs étudiés c’est généralement Kant, Platon, Bergson, Nietzsche ou Freud.

  6. Non mais vous un peu un reac et simplet dans vos commentaires Jev et compagnie. C’est bien dommage.
    J’ai eu la chance de lire un tres bon livre sur la philisophie et les Simpsons http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2011/02/22/en-philo-etes-vous-plutot-simpsons-ou-star-trek/
    ecrit par des pros de la philo et dans lequel ils font le lien entre des comportements vus dans les Simpsons et des principes philosophiques decrits par les plus grands.
    Et bien mes aieux, c’etait passionnant et cela m’a ouvert la voie vers d’autres livres plus traditionnels comme Aristote.
    Donc ce n’est pas pour vendre plus de Coca ou de Duff qu’ils font ca, mais pour interesser plus facilement les gens.
    Et si ca marche, tant mieux.
    Donc il ne faut pas raler juste pour le plaisir. Ce n’est pas bon pour votre coeur.

  7. Petite question à tous ceux que ces initiatives dérangent. Pourquoi vous est-il impossible de faire un parallèle entre les Simpson et l’Iliade et l’Odyssée? En tout cas, pour moi, ce sont toutes les deux des aventures d’Homer(e) et la première peut servir à amener des individus à s’intéresser plus en profondeur aux deux seconds…(même si le prénom du personnage des Simpson a été décidé en fonction du père de Matt Groening)

  8. @ ballon-de-derriere :

    Vous ne pensez pas si bien dire ! J’ai un master 2 en sociologie. Un de mes amis et camarade d’université est encore en train d’y faire sa thèse qu’il soutiendra cette année.
    Et bien, tenez vous bien, il faisait des dissertations de socio ou socio-antropo, en citant des exemples empruntés au monde du football ! Et ça marchait bien…

  9. On sait que Zizek aime bien prendre ses exemples dans le cinéma. Mais voilà, les cours de philo ignorent les philosophes contemporains, “nouveaux philosophes” ou pas, et rabâchent l’histoire de la philosophie en partant du père Platon dans sa caverne. “Que nul n’entre ici s’il est historien de la philosophie”, comme disaient les philosophes analytiques de Princeton.

  10. rien de neuf sous le soleil: en 1976,Bruno Bettelheim proposait déjà une psychanalyse des contes de fées… C’est aujourd’hui un classique!

  11. je vous recommande par ailleurs “mythologie des marques” de mon ami Georges Lewi. Une belle leçon de philosophie sur le marché de la grande consommation…

  12. Il est réducteur de dire que ces émissions télévisées ne sont que du marketing, et peu des oeuvres d’art.
    Tout d’abord parcequ’elles influencent des générations de jeunes gens partout dans le monde. Deuxièmement parceque le message derrière est tout de même réfléchi, et que l’on peut s’y intéresser en terme de narratologie, et y intégrer en effet les dimensions mythologiques.
    Troisièmement, elles s’inscrivent dans un monde où la communication dans la société a changé par rapport à des époques plus classiques, ou les livres et les conteurs étaient la seule manière de transmettre un savoir.
    Enfin les personnes derrière ces émissions sont tout de même des créateurs, capable d’observer leur société actuelle et de la retransmettre sous forme légère, dans un format défini, avec humour et créativité.
    J’aimerais à ce sujet là souligner South Park, qui au-delà des dialogues crus (qui font au final partie du dispositif), arrivent souvent à démontrer par l’absurde l’absurdité des choses, avec souvent 3 niveaux de lecture dans un seul épisode. A regarder en VO cependant, car dommageablement, la finesse de l’esprit des créateurs ne survit pas la traduction et le jeu des doubleurs francophones…

  13. Cours d’indignation : http://lucho.20minutes-blogs.fr/

  14. @Jev
    Parce que ce n’est pas commercial peut être Houellebecq ou Duras ? Je veux dire que ce qui intéresse l’étudiant, c’est son contenu, pas à qui il rapporte, ou si c’est une franchise. Si la seule manière d’avoir un contenu valable est de piocher dans des gros titres, alors allons-y. Les éditeurs de l’époque d’Hugo ou Camus étaient certainement moins requins que maintenant (hein le groupe Hachette) et la société consumériste n’était pas encore née.

    Si les talents ne peuvent désormais être découverts qu’avec financement, c’est bien dommage, mais c’est ainsi, et il ne faudrait pas se priver de récolter dedans.
    Je tiens aussi à rappeler que Star Trek, c’est mort (trekkie moi-même, je l’affirme sans retenu). Seul [Les simpsons] peuvent être considérés comme encore actifs. Star trek, c’est aussi éteint que Marc-Aurèle ou Machiavel. Ce sont les fans qui le maintienne hors de l’eau, la mèche est éteinte. (d’ailleurs, C’EST une oeuvre de fans, grosso modo)

    Et puis, ce que je crois aussi, c’est qu’on se tourne trop facilement vers l’écrit, alors que de nombreuses réalisations cinématographiques, même repompées de livres sont des chefs d’oeuvre qui peuvent être étudiés comme pièce maitresse, libre à l’élève de se tourner vers l’écrit s’il le désire… prenons par exemple [Les raisins de la colère] de Steinbeck/Ford… ce que je veux dire c’est que le film est tellement daté qu’il permet autant d’étudier l’oeuvre de Steinbeck que d’étudier le cinéma des années 50, c’est combo.

    Autrement, étudier Kant, Platon, Bergson, Nietzsche ou Freud en philo, oui, mais au début seulement… Personnellement, en études supérieurs, tout ça doit faire parti du bagage, on passe à la catégorie au dessus… J’ai étudié [Les grands chemins] de Giono en PHILO. Donc Star Trek, ça ne me choque pas.
    Si tout le monde connaissait un tant soit peu l’ensemble des références citées dans la franchise Star Trek, on pourrait tous être académiciens, comme je l’ai dit, c’est une mine d’or. Quel autre oeuvre a un champ lexical aussi varié que, pèle-mêle : allégeance, dogmatique, panégyrique, dithyrambique, Parangon, aporie, régalien, gabegie… comme ça, au p’tit dej’, entre deux bols de Chocapic.
    Les Simpsons, c’est beaucoup plus empirique.

  15. Tout à fait, Sandburg,

    Ca me fait penser à ce qui pense qu’il n’y avait du sens que dans les écrits et pas dans les BD. Maintenant, ily a des profs de science-po qui sorte des analyse très sérieuse sur le signifiant en BD en analysant la mise en page …etc…

    Je me souviens d’une série “High secret city” qui posez de vrai réflexions philosophiques sans en avoir l’air.

  16. Bof. Sartre philosophait sur le garçon de café, le clop, le verre de bière. En cours, la phénoménologie de la vache, celle de la chaise, tout comme celle du radiateur, du tableau, de la craie ou du triangle s’imposent. Pourquoi pas alors une glose de Star Trek ou des Simpson’s ? Le choix de cette matière plutôt que d’une autre n’impressionnera que ceux qui ne sont pas encore assez philosophes. En droit, rien n’échappe à la philosophie. Elle peut légiférer sur tout. Non seulement elle le peut, mais elle le doit.


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