| 15.02.11 | 16h44 Mis à jour le 16.02.11 | 07h21
Ce n'est pas le Paris de François Villon mais celui des rupins. Villages rattachés à la capitale en 1860, Auteuil et Passy, où Balzac écrivit la dernière partie de La Comédie humaine, sont devenus les beaux quartiers. L'immeuble type du 16e arrondissement range ses classes sociales comme un mille-feuille. Au rez-de-chaussée, on passe devant la loge de la concierge, aboyeuse et dragon. Plus haut résident les familles bourgeoises, pas peu fières de camper sur les terres du banquier Delessert. Et sous les toits se nichent les chambres de bonne, avec toilettes collectives sur le palier.
Ces chambres à vasistas qu'investiront un jour les étudiants furent un temps réservées aux Bretonnes, avant de devenir repaires d'Espagnoles. Un univers dont pas un patron ne soupçonne la richesse conviviale : chacun chez soi. C'est ce que va découvrir un certain M. Joubert, agent de change rigoureux et père de famille coincé.
Après avoir licencié la Bécassine qui se mêlait un peu trop des affaires de son ménage (héritage de sa mère), et vérifié que, sans domestique, les citoyens proches du Trocadéro sont des naufragés en perdition, M. Joubert dûment informé se rend au bureau de placement de l'église espagnole de la rue de la Pompe et embauche une jeune native de l'au-delà des Pyrénées.
M. Joubert n'a jamais eu qu'une obsession dans sa vie : la cuisson à la seconde près de l'oeuf coque qu'il prend au petit déjeuner. La provinciale collet monté qu'il a épousée pense à son statut d'abord, à ses bridges et à ses rendez-vous chez le coiffeur. Exubérances, apartés conviviaux et folklores sont étrangers à cet homme, pour lequel s'ouvre un monde nouveau lorsqu'il se hasarde à monter au sixième étage, découvre la rusticité des locaux des employées de maison, règle leurs problèmes domestiques et se voit fêté comme un sauveur. Le lunaire M. Joubert devient la coqueluche des cuisinières de paella.
A quoi tient le charme d'une comédie ? Parfois à sa modestie. Les Femmes du 6e étage ne vise qu'à faire sourire des innocentes escapades d'un honnête homme qui, en gravissant quelques étages de l'escalier de service, ouvre les yeux sur une communauté inconnue, chaleureuse, protectrice. Concepcion et sa diplomatie, Teresa en quête d'un mari, Carmen la rescapée de la guerre d'Espagne, Dolores et Pilar... Des culs-bénits, des marxistes, des femmes tout simplement, qui prouvent leur reconnaissance sans chichis, initient à la jota (son guttural propre à l'espagnol), font le ménage en chantant Dalida (Itsi bitsi petit bikini), servent la sangria et dansent le flamenco à tu et à toi. C'est la première fois que M. Joubert perçoit la notion de famille, et peut-être de chaleur humaine.
M. Joubert se sent revivre. Mme Joubert se crispe, imagine que son mari entretient une liaison sexuelle, le congédie. M. Joubert s'installe là-haut, parmi ses nouvelles complices. Voilà posé le scénario de cette intrigue utopique, située pendant la guerre d'Algérie, qui, en dépit des codes et des convenances selon lesquelles, de part et d'autre, chacun doit rester à sa place, gamberge sur l'évasion d'un homme, échappé d'une nouvelle de Marcel Aymé, qui assume du jour au lendemain sa métamorphose. Joubert apprend à lorgner autre chose que son nombril, une autre femme que la sienne, un autre avenir que celui de boursicoteur.
Le divertissement est d'autant plus réussi que les comédiens sont au diapason. Fabrice Luchini et Sandrine Kiberlain sont décidément parmi nos meilleurs interprètes fantaisistes.
LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)
Film français de Philippe Le Guay avec Fabrice Luchini, Sandrine Kiberlain, Natalia Verbeke, Carmen Maura. (1 h 46.)
Jean-Luc DouinÀ VOIR
camille sée 10h03
Un film non clivant et sensible qui énervera ceux qui aiment repeindre le monde en noir et blanc avec les bons d'un côté et les méchants de l'autre. Un charme fou. Répondre
Daniela 15/02/11 - 17h12
C'est une comédie. Pourquoi pas? Mais la réalité était bien différente à l'époque. Le seul robinet d'eau qui alimentait notre sixième étage était situé à 20 cm au-dessus du sol, dans des toilettes à la turc à pente déclinante. Et le mépris de la haute bourgeoisie incommensurable pour la domesticité. Paix à l'âme de ma mère qui en était, de cette domesticité, et n'avait même pas pour elle le charme exotique de ces si sympathiques héroïnes, puisqu'elle était française et qu'elle en bavait.. Répondre
D'accord, pas d'accord ?
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