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"A ciel ouvert" : les deux combats des Kollas du nord de l'Argentine

LEMONDE | 08.03.11 | 16h14  •  Mis à jour le 08.03.11 | 16h52

 

A ciel ouvert/Mosaïque Films

A ciel ouvert/Mosaïque FilmsMosaïque Films

On est à 2 000 kilomètres de Buenos Aires, dans les confins provinciaux de Jujuy et de Salta, situés au nord-ouest de l'Argentine. Dans cette région inhospitalière, vit le peuple amérindien des Kollas, qui représentent environ 15 % de la démographie nationale. Vivre est un grand mot. Survivre serait plus juste. Les villages sont privés d'eau et d'électricité, difficiles d'accès, et cette population, la plus démunie du pays, subsiste péniblement des revenus de l'élevage.

Encore veut-on les en priver. La région, riche en matières premières, suscite la convoitise de l'Etat et de l'industrie. Fermées depuis plus de dix ans en raison de la chute des cours boursiers, après avoir laissé nombre d'autochtones sur le carreau, les mines vont rouvrir. Elles empiètent sans vergogne sur les territoires d'élevage et menacent d'une grave pollution la région. Cette fois, une forte mobilisation y répond.

Les intérêts de l'Etat

A ciel ouvert en témoigne, entrelaçant deux luttes, d'ampleur inégale. La première concerne la protestation de villageois qui réclament depuis quinze ans au gouvernement un toit pour leur école municipale. La seconde, dirigée contre l'installation d'une gigantesque mine d'argent à ciel ouvert allouée à une puissante entreprise canadienne, se confronte à un ennemi plus redoutable encore que l'impéritie de l'Etat : son intérêt financier.

De ce canevas, le film ne tire ni un libelle militant ni une dénonciation misérabiliste. Il montre avec beaucoup d'intelligence, parfois de drôlerie, un état des lieux du conflit entre tradition et modernité. Il ne passe sous silence ni les dissensions internes des indigènes, partagés entre nécessité de la lutte et obligation de travailler, ni les promesses rassurantes de l'entreprise en matière de développement durable. Mais il montre les choses à qui sait les voir. Ainsi, l'une des séquences les plus fortes est l'exposition des consignes de sécurité délivrées aux enfants de l'école par des membres de l'entreprise, qui les déguisent en mineurs et leur expliquent l'avantage providentiel qu'ils trouveront à y être employés.

Il faut être parfaitement maître de soi pour retenir à cet instant, devant cette grotesque condescendance, l'insulte qui vient aux lèvres. Le film est signé d'une réalisatrice française qui a visité quinze ans durant ces confins. Elle a su trouver le juste regard pour témoigner de la lutte d'un peuple dépossédé de sa terre, méprisé, exploité. Ici, le cinéma contrecarre l'Histoire, éveillant chez le spectateur empathie et solidarité.

LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)



Documentaire français d'Ines Compan. (1 h 34.) Jacques Mandelbaum

L'avis du "Monde"

A VOIR

Article paru dans l'édition du 09.03.11
 

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