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"Jimmy Rivière" : candide tête brûlée

LEMONDE | 08.03.11 | 16h14  •  Mis à jour le 08.03.11 | 16h55

 

Jimmy Rivière/Pyramide Distribution

Jimmy Rivière/Pyramide DistributionPyramide Distribution

Retenez bien ce nom : Guillaume Gouix. Vous l'avez peut-être vu récemment dans Poupoupidou (le jeune gendarme), Copacabana, Belle épine... Il éclate dans ce film où il interprète un Gitan tourmenté, petit coq frimeur, beau gosse irascible, une graine de Mickey Rourke à petits biceps.

Il y a un autre acteur intrigant dans Jimmy Rivière : c'est la communauté des gens du voyage, dont est issu le réalisateur Teddy Lussi-Modeste. Un groupe social sous-représenté au cinéma, mal connu par nos concitoyens, associé dans l'inconscient public à une certaine délinquance, objet de dénigrement durant l'été 2010 lors de la polémique sur les campements roms. Ces gens-là, on a récemment découvert l'un de leurs visages, celui de la ferveur religieuse, dans La BM du Seigneur de Jean-Charles Hue.

Installé dans l'Isère, près de Grenoble, le clan qui est dépeint ici est de religion pentecôtiste. Jimmy Rivière est une tête brûlée au sourire candide que la communauté pousse à se convertir, abjurer sa vie d'avant, ses passions funestes que sont la boxe thaïe et Sonia, une beurette qu'il a séduite (Hafsia Herzi, qui peine à convaincre depuis La Graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche). Une chape de moralité pèse sur le campement dirigé par un pasteur prêcheur exalté (Serge Riaboukine). Quiconque se refuse à "extirper la violence de son coeur" et à faire sacrifice de ses mauvaises pulsions encourt le risque d'être banni.

Telle est la menace qui plane sur Jimmy Rivière, qui vient d'être baptisé et qui se destine à épouser la vierge et blonde Becka avec laquelle il chante durant la messe. Les Gitans réclament aux autorités locales un terrain de 300 hectares pour rassembler leurs frères pentecôtistes européens. Jimmy endure les quolibets des clans rivaux, "Gadgé" athées ("Ton camion est en panne ? Avec un Amen et un Alléluia, ton Dieu va te le réparer !"), il repousse Sonia, qui cherche à le rendre jaloux, et éconduit Gina (Béatrice Dalle), une organisatrice de matches de boxe qui a investi sur lui.

Jimmy a le sang chaud, et des secrets familiaux qui vont lui faire péter les plombs. En proie aux doutes, à ses désirs, il va revoir Sonia, remettre ses gants de boxe, aller soigner sa fièvre du samedi soir en se prenant pour Travolta, être dénoncé, assimilé à un tricheur, menteur, traître à la communauté. Le sujet du film est là : comment s'affranchir d'un groupe auquel on appartient ? Toutes proportions gardées (tout de même !), c'est un Mean Streets à la française, avec un héros poursuivi par ses démons, Jimmy entre cantiques chrétiens et boîte de nuit locale comme Harvey Keitel tiraillé entre tentation de devenir prêtre et séduction de la Mafia.

Teddy Lussi-Modeste n'a évidemment pas l'époustouflante maestria de Scorsese, il lâche (avec sa coscénariste Rebecca Zlotowski, l'auteure de Belle épine) des dialogues trop explicatifs, mais signe un premier film original, stylisé, affranchi des guitares à la Gipsy Kings, où l'eau et la forêt jouent un rôle initiatique, un film âpre, rythmé comme un chaos, entre lyrisme et mélancolie.

LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)



Film français de Teddy Lussi-Modeste avec Guillaume Gouix, Béatrice Dalle, Hafsia Herzi, Serge Riaboukine. (1 h 30.)

Jean-Luc Douin

L'avis du "Monde"

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Article paru dans l'édition du 09.03.11
 

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