14 mars 2011

Passionnant débat, ce lundi 14 mars, au tribunal correctionnel de Nanterre devant lequel trois Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été débattues.

D’un côté, Me Jean-Yves le Borgne et Me Jean Veil, avocats de deux des cinq prévenus renvoyés devant le tribunal dans une affaire de détournement du 1% logement, parmi lesquels un ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert.

De l’autre, en partie civile, Mes William Bourdon et son associé, Me Joseph Breham.

Et au milieu, trois QPC très attendues. La première est l’exacte réplique de celle déposée par Me Le Borgne au procès de Jacques Chirac, lundi 7 mars . Elle porte sur la question de la connexité: le fait de joindre un dossier menacé de prescription à un autre qui lui est connexe, afin de faire tenir les poursuites.

Le tribunal a considéré mardi 8 mars que cette question était sérieuse et nouvelle et l’a en conséquence transmise à la Cour de cassation, ce qui a entraîné le renvoi immédiat du procès.

La seconde vise à remettre en cause la jurisprudence établie depuis 1967 par la Cour de cassation en matière de délits financiers. Parce que les abus de biens sociaux et les abus de confiance ont la particularité d’être des infractions “dissimulées”, la Cour de cassation a imposé une jurisprudence qui fait courir les délais de prescription à compter de la date à laquelle les faits ont été révélés et non à celle à laquelle ils ont été commis.

Ces deux QPC et leur commentaire sont à lire sur le blog Libertées surveillées de mon confrère du Monde, Franck Johannès.

La troisième, déposée par Me Veil, porte sur la notion de “mission de service public”. C’est parce que le juge d’instruction a estimé que le client de Me Veil, Thierry Gaubert, était dépositaire d’une mission de service public, qu’il a renvoyé celui-ci pour “prise illégale d’intérêt” devant le tribunal correctionnel. Me Veil estime que cette notion est “floue” et “évolutive” et donc, qu’elle porte atteinte au principe constitutionnel de prévisibilité de la loi.

Devant le tribunal de Nanterre, Me Le Borgne a donc repris les arguments qu’il avait développés à Paris. Il estime que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de prescription “tord la loi au nom de l’efficacité de la répression”, et qu’elle la “dénature”. 

Mais contrairement à l’audience de Paris, Mes Le Borgne et Veil ont trouvé face à eux un adversaire résolu de leur initiative procédurale en la personne de Me William Bourdon.

Celui-ci a livré un véritable réquisitoire contre ce qu’il perçoit comme “une stratégie d’évitement structurée, organisée” afin d’empêcher la tenue de ce procès, et  au-delà, comme la volonté des deux avocats de “mener une entreprise de démolition du droit pénal des affaires dans ce pays”.

“La QPC a été saluée comme un outil indispensable d’approfondissement de notre démocratie. Mais elle porte en elle le meilleur et le pire. Le pire, ce sont les germes de la manipulation et de l’instrumentalisation pour organiser une culture judiciaire de l’impunité”, a t-il observé.. 

Me Bourdon a poursuivi:

- J’ai la conviction que si, à la place de Jacques Chirac, avait été jugé un garagiste de Clignancourt, la QPC n’aurait pas été transmise par le tribunal à la Cour de cassation. On demande la tolérance zéro pour les gueux et les damnés et l’impunité totale pour les puissants, voilà le sentiment répandu chez nos concitoyens!  

L’avocat s’est attiré la réplique de Mes Le Borgne et Veil s’indignant de cette démagogie judiciaire qui voudrait réserver la QPC “aux cols bleus” et la déniant “aux cols blancs”.   

Nous avons vécu la douce enfance de la QPC et nous entrons maintenant dans une pré-adolescence tourmentée”, a constatée la procureure de Nanterre, Marie-Aimée Gaspari. Sans se prononcer sur le fond, elle a estimé que les critères de sérieux et de nouveauté étaient réunis dans les trois QPC et a en conséquence recommandé au tribunal de les transmettre à la Cour de cassation.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré jusqu’à mardi, 14H. Les trois juges auront pu d’ici là prendre connaissance de la décision rendue ce lundi par leurs collègues du tribunal correctionnel de Paris qui étaient saisis de la même QPC sur la prescription des abus de biens sociaux dans une affaire mettant en cause l’ancien minitre socialiste Jean Teulade. Contrairement à ce qui était attendu après le renvoi du procès de Jacques Chirac, ils ont estimé que la question posée n’était pas sérieuse et l’ont rejetée. 

A suivre.

  
Pour en savoir plus: qpc.1300123740.jpg

PS: par ailleurs, le Conseil constitutionnel examine mardi matin la QPC sur la motivation des arrêts de cour d’assises, autre sujet de débat récurrent dans les prétoires.


Commentaires

  1. Reprise du procès de l’ex-ministre socialiste René Teulade

    AFP - PARIS — Le procès de l’ancien ministre socialiste des Affaires sociales René Teulade a repris lundi son cours normal, après le rejet par le tribunal correctionnel de Paris d’une série de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui menaçaient la suite des audiences.

    Mardi, le tribunal correctionnel de Paris avait décidé de renvoyer le procès de Jacques Chirac, après la transmission à la Cour de cassation d’une QPC sur la prescription des délits financiers. Le lendemain, la défense de René Teulade s’était engouffrée dans la brèche et avait soulevé une QPC du même acabit.

    http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jUawhQIf9LSRGD3ojs7YQxQAoTVA?docId=CNG.4b40b7cd97a1c251d82d29fbf82db18f.101

  2. C’est comme ce matin. Pour refaire des passeports je me dois d’acheter des “timbres” et pas question d’un chèque au Trésor public… Et quant je me fais arrêter par la police, tout de suite et par chèque ben voyons, à l’ordre du Trésor Public… Ce pays est en danger !

  3. […] Lire le titre original: Justice : polémique autour de la QPC […]

  4. Qu’on laisse Chirac tranquille !

    Le vrai homme qu’il faut poursuivre à mon avis est celui qui braque et brade la France. Chirac n’a aidé que les siens.

  5. Bonsoir P.R-D,
    Alors heureuse, vous voyagez en RER A et découvrez les projets du Grand Paris.
    Ah Paris nous enchante ;
    Je me balladais au tribunal, j’avais envie de dire bonjour à n”importe qui et ce fut toi
    Zh non Chichi n’était pas là
    Bon une question Savez vous qui est à l “origine de la polémique de la QPC à Nanterre ?
    Rh ben c’est Victor
    Pourquoi P.R-D
    Pcq Polémique Victor
    Ah c’est drole
    Non
    Bon
    A demain pour une autre contribution à votre blog
    Bonne nuit

  6. […] Lire la suite au source […]

  7. […] Devant le tribunal de Nanterre, Me Le Borgne a donc repris les arguments qu’il avait développés à Paris. Il estime que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de prescription « tord la loi au nom de l’efficacité de la répression », et qu’elle la « dénature ». Le Monde.fr : à la Une […]

  8. […] View full article on Le Monde.fr : à la Une […]

  9. Démagogie judiciaire, populisme etc… Me Leborgne a bien ces mots à la bouche depuis sa trouvaille. Mais il ferait bien d’ouvrir l’oeil, et le bon, parce que la petite bête monte monte monte… Marine se nourrit des Leborgne et autres suffisants qui hurlent au populisme pour dire au peuple de fermer sa gueule et mieux vaux un peuple qui l’ouvre qu’un peuple qui la ferme et qui vote Le Pen.

  10. Des QPC sont transmises très régulièrement au Conseil constitutionnel et ce, sans considération de la qualité de la personne. C’est donc un faux procès, assez typique de la part d’un avocat payé pour chercher la petite bête.

    En outre, l’article 23-3 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel liste des cas de figure permettant de passer outre l’obligation de surseoir à statuer. Dans le cadre d’une audience pénale, il me semble qu’une marge de manoeuvre assez importante existe.

    Enfin, il faut rappeler qu’une QPC est jugée dans des délais contraints (6 mois au grand maximum). Il peut donc en être fait un usage dilatoire, mais son effet reste très limité.

  11. Bonjour,
    C’est qui la procureure de Nanterre que vous citez? Sauf erreur de ma part, son nom n’est pas mentionné.
    Merci.

    Il s’agit de Marie-Aimée Gaspari. Vous aviez raison, j’avais omis de préciser son nom. C’est corrigé. P.R-D

  12. […] Polémique autour de la QPC Accueil 15 mars 2011 QPC, suite: le tribunal de Nanterre saisit à son tour la Cour de cassation […]


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