15 mars 2011

En 2005, le PIB par tête est identique en France et en Allemagne. Depuis, l’écart se creuse au bénéfice du second : 2.000 € en 2010, il atteindra 3.200 € en 2015…

D’accord, la publicité dit parfois beaucoup de bêtise. Il peut lui arriver de dire avec drôlerie des vérités très importantes. Prenez les dernières pubs Volkswagen et Opel qui insistent lourdement sur le fait que la Golf, la Polo ou la Meriva sont fabriquées en Allemagne. Karl Lagerfeld s’égare en assurant que ces voitures élégantes « représentent ce que Paris peut offrir de mieux » quand un assistant vient lui souffler à l’oreille que : « c’est allemand ! » Pour Opel quatre garçons dans le vent parlent allemand pour vanter les mérites d’une voiture dont la technologie, l’innovation et la qualité sont allemandes. Pour les malcomprenants, la voix off vient conclure le spot : « Pas besoin de parler allemand pour comprendre que cette Opel est une vraie voiture allemande. » En effet, on avait compris.

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Excédent de la balance commerciale en % du PIB de la France (série 1) et de l’Allemagne (série 2) entre 1970 et 2010 (source : Sherbrooke Université)

Faisons un raccourci, l’élégance, la qualité, la technologie, l’innovation est aujourd’hui allemande. Alors que reste-t-il à la France ? Comme d’habitude les prix. Pourquoi ? Depuis une bonne quarantaine d’années, la France dopait régulièrement son commerce extérieur à coup de dévaluations compétitives. D’accord, ça n’est pas très orthodoxe, mais quand votre premier argument pour vendre un produit est le prix, pourquoi s’en passer ? Chacun progressait avec sa manière de faire, son modèle. Les courbes du commerce extérieur s’entrelaçaient formant comme un serpent. Aujourd’hui, celui-ci ouvre la bouche avec l’explosion des exportations allemandes et des importations françaises. Le serpent ouvre la gueule pour dévorer l’euro.

17 dévaluations au XX ° siècle

Au cours du XX °, le franc sera dévalué à dix-sept reprises selon les archives du ministère de l’Économie et des Finances. Quand l’économie a un coup de moins bien, on réduit la valeur du franc face au deutsche mark et la machine se relance. Les produits français valent d’un seul coup moins cher que ceux fabriqués de l’autre côté du Rhin, ce qui permet de rééquilibrer la balance commerciale, de relancer la machine et de remplir les caisses de l’État. Dans les années 70, les changes flottants permettront de laisser filer la valeur du franc sans passer par la « honte » des dévaluations. Au total, entre les dévaluations proclamées et celles qui sont masquées, la valeur du franc se réduit de 34 % par rapport au mark entre 1969 et 1979, et de 30 % au cours de la décennie suivante.

Si l’on adopte la balance commerciale (en % du PIB, source : Sherbrooke Université) comme signe de la vigueur d’une machine économique et que l’on allonge la perspective à une quarantaine, entre 1970 et 2010, on constate que l’Allemagne et la France font jeu égal. Chacun avec sa méthode, les deux s’enrichissent et se tiennent d’assez près. Les courbes se croisent et s’entrecroisent. La France (en bleue, série 1) prenant l’avantage au début des années 70 (le franc a été dévalué le 10 août 1969), puis dans les années 90 quand l’Allemagne (en rouge, série 2) travaille à sa réunification.

Un excédent record d’un côté et un déficit record de l’autre

En l’an 2000, intervient la grande rupture. La balance commerciale de la France est positive et son excédent représente encore 1 % de son PIB. En Allemagne aussi les exportations dépassent les importations, mais l’excédent rapporté au PIB n’est que de 0,35 %. Ensuite, chacun suit un chemin opposé. La France creuse son déficit qui atteint 3,5 % du PIB et l’Allemagne affiche un solde positif qui frise les 10 % de son PIB. Les prix d’un côté auquel on ne peut plus toucher, la qualité de l’autre… Voilà notre serpent qui ouvre sa gueule prête à croquer la monnaie européenne.

L’année 2000 est évidemment l’année de l’entrée en scène de l’euro. À partir de cette date, la France n’a plus l’arme de la dévaluation. Longtemps vécu comme une « honte », Jacques Attali aurait parlé d’une humiliation à propos de celle pratiquée en 1982, alors que se profile la politique du franc fort.

Sortir de l’euro ou sauver l’euro

La logique voudrait que l’on sorte de l’euro. Pour certains économistes comme Jean-Jacques Rosa, la question ne se pose même pas. Il s’agit d’une simple résultante des forces qui sont en jeu. « La monnaie unique devait produire une convergence des économies. Or, il faut bien constater une divergence entre l’ancienne zone mark constituée de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche, et l’Europe du sud. Dans ces conditions l’euro, monnaie unique, ne paraît pas viable à cinq ou dix ans », explique-t-il.

Il faut avoir en tête que les zones économiques doivent avoir une certaine cohérence et une monnaie ne peut abriter durablement des situations notoirement différentes. Il faut une longue histoire commune et une langue pour que le nord et le sud de l’Italie n’en viennent à se séparer. Que s’est-il donc produit entre la France et l’Allemagne ? Les deux pays s’enrichissent (nous parlons du PIB par tête en parité de pouvoir d’achat, données FMI), mais pas au même rythme. En 2005, le PIB par tête était strictement identique des deux côtés du Rhin : 30.500 € selon les chiffres du FMI. Cinq plus tard, nous en sommes à 34.000 € à Strasbourg et à 36.000 € à Khel. Et en 2015, si les prévisions du FMI se vérifient, l’écart atteindra 3.200 € : 42.700 € là-bas, 39.500 ici.

Que faire ? Abandonner l’euro pour revenir à la belle époque de la dévaluation compétitive ? Ce serait renoncer à la construction européenne. L’autre solution consiste à mettre en place les conditions de la convergence entre les économies de l’Europe du Sud et de l’Europe du Nord. C’est ce que tenteront les représentants de l’Union européenne les 24 et 25 mars, lors d’un sommet qui se déroulera à Bruxelles.

PhDx

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Commentaires

  1. Combien de temps encore va-t-on s’imaginer pouvoir construire, sans l’assentiment de l’immense majorité des gens et au travers de l’Euro, une Europe du capital au seul profit des nantis ? Sans politiques sociale et fiscale communes, l’Union Européenne qu’on nous impose est un bâteau ivre qui ne tardera pas à sombrer, au plus grand plaisir des Etats-Unis !

  2. tout a été dit; est ce le bon moyen ?…est ce la solution?…L Europe est elle utile..?l euro va t il survivre ?…C est un” labyrinthe”…ou tout le monde se croise et ne se voit pas Dans la boite de” pandore” il restais une chose…note de l article 15 sur20..

  3. Regardons les disparites de l autre cote de l’atlantique. L’Ohio ou le Mississipi ont des variations de PIB negatives et des PIB par habitants bien inferieurs aux autres etats prosperes comme New York ou l’Illinois. La Californie a un probleme de dettes plus graves encore que la Grece, et pourtant on ne parle pas d’eclatement du dollar - Un seul et meme pays peut etre, mais avec des legislations et des politiques fiscales qui varient encore plus d’etat en etat que de pays europeen en pays europeen. La difference avec nous est avant tout dans la migration economique interne. Pourquoi donc predire la fin de l euro ou demander un renforcement du FEDER? Plutot encourager l apprentissage des langues et la mobilite intra-communautaire…

  4. @olivier Buenos Aires
    Si la survie de l’euro, c’est que la moitié des européens connaissent une langue étrangère au point d’en faire une langue de travail, j’achète du dollar.


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