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Fabienne Keller, sénatrice UMP, prône "un autre regard sur les quartiers fragiles"

LEMONDE pour Le Monde.fr | 16.03.11 | 10h38  •  Mis à jour le 16.03.11 | 14h19

 

La députée (UMP) du Bas-Rhin, Fabienne Keller, à Strasbourg.

La députée (UMP) du Bas-Rhin, Fabienne Keller, à Strasbourg.REUTERS/VINCENT KESSLER

Sénatrice (UMP) du Bas-Rhin et ancienne maire de Strasbourg, Fabienne Keller devait rendre public, mercredi 16 mars, au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective son rapport sur "L'avenir des années-collège" dans les territoires urbains sensibles.

Fruit de travaux menés entre septembre 2010 et janvier 2011, ce rapport est nourri de visites de terrain, en Seine-Saint-Denis, à Roubaix, Marseille et Montbéliard, de plusieurs tables rondes et "ateliers de prospective" organisés au Sénat, ainsi que d'auditions d'élus et personnalités. Parmi celles-ci, on remarque la présence de noms qui figurent rarement dans les références des responsables politiques de droite, comme les sociologues Didier Lapeyronnie, Gilles Kepel, Eric Maurin, ou le philosophe Vincent Cespèdes.


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C'est loin d'être la seule marque d'originalité de ce rapport, ni son seul apparent écart par rapport à l'environnement politique de sa rédactrice. Loin de toute stigmatisation, fréquente dès lors qu'il s'agit des "jeunes des cités", sa première caractéristique est une approche résolument respectueuse de leur réalité, sans en cacher pour autant les aspects sombres. Il est nécessaire et urgent, résume Fabienne Keller, de porter "un autre regard sur les quartiers fragiles".

TROIS SCÉNARIOS POSSIBLES

De ses contacts avec les collégiens de ces quartiers, leurs familles et leurs enseignants, la sénatrice a gardé la perception d'une "formidable énergie" que la société doit absolument "reconnaître". "Tout l'enjeu, souligne le rapport, est de guider cette énergie vers un projet d'avenir positif dans une démarche constructive."

Mais le document commence par rappeler longuement le poids des conditions économiques, sociales et démographiques de départ de ces quartiers où, souvent, "un processus de ghettoïsation est à l'œuvre". Il souligne notamment que la part des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (949 euros mensuels) était de 28,8 % en 2008 dans les zones urbaines sensibles (ZUS) contre 12 % dans le reste du territoire.

Le rapport évoque trois scénarios possibles. Celui du pire, où la puissance publique s'effacerait au profit d'une "contre-société" prise en main par des réseaux mafieux ou extrémistes. Celui du statu quo où rien ne changerait mais où le risque d'explosion serait tant bien que mal contenu. Enfin, le scénario positif où le quartier sensible finirait par "se fondre progressivement dans la ville" et retrouver une mixité sociale.


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L'AFFAIRE D'UNE GÉNÉRATION

Pour favoriser une évolution positive, qui pourrait être, estime la sénatrice, "l'affaire d'une génération", le rapport énumère une vingtaine de "leviers d'action" qui portent à la fois sur la politique de la ville et la politique éducative. Il est impossible de tous les citer et certains d'entre eux, faute d'être formulés à un niveau gouvernemental, peuvent apparaître comme de bonnes intentions générales, comme la proposition de relancer et d'amplifier la "rénovation urbaine".

Ils sont néanmoins tous issus des observations de terrain, comme la suggestion de "limiter l'emploi fractionné dans les postes peu qualifiés", mode d'organisation qui "contribue à l'absence des parents et à l'abandon des collégiens". "La question de l'emploi ne peut être occultée : elle est revenue sans arrêt dans tous nos échanges", commente la sénatrice.

Plus "ciblée" et réalisable est l'idée d'améliorer les conditions d'organisation des stages de classe de troisième et de leur conférer, avec l'aide d'associations d'étudiants, plus de mobilité géographique afin qu'ils cessent d'être "le miroir de l'enfermement des quartiers" (la caricature en ce domaine étant le stage d'entreprise au "kebab" du quartier).

Prenant spectaculairement le contrepied des discours dévalorisants sur l'école en banlieue, Fabienne Keller estime que les collèges "assurent globalement très bien leur mission" grâce à des équipes "engagées, où jeunesse des enseignants rime avec implication et volontarisme". Cependant, outre que le travail de ces enseignants est "peu reconnu", les dispositifs scolaires existants "ne sont pas à la hauteur de l'enjeu", estime-t-elle, et l'intervention des acteurs publics est "complexifiée à souhait" par la multiplicité des sigles et des structures.

UN MANUEL FRANCO-AFRICAIN ?

Sur le plan scolaire, le rapport de Fabienne Keller se situe clairement du côté des démarches pédagogiques et des partisans de "l'école du socle commun", prônée aussi par le député (UMP) François Grosperrin dans un autre rapport parlementaire rendu en 2010. Elle défend notamment "les travaux interdisciplinaires, les projets et classes à thèmes"… Elle exprime également le souci de "donner toute leur place aux femmes et aux jeunes adolescentes", notamment en matière de sexualité et plus largement de "rapport au corps".

Un autre "levier" que Fabienne Keller souhaite actionner fait grincer des dents une partie de sa famille politique. Afin d'effectuer "l'indispensable travail de mémoire" auprès de collégiens issus des immigrations africaines ou maghrébines, son rapport propose, "sur le modèle du manuel franco-allemand", d'écrire "une histoire commune". Les défenseurs du "roman national" s'étranglent d'indignation à l'évocation d'un possible manuel d'histoire franco-africain.

"Je suis centriste à l'UMP", répond sobrement la sénatrice lorsqu'on l'interroge sur l'apparente singularité de sa position. Le rapport a pourtant été discuté aux différents stades de son élaboration, puis adopté, le 10 mars, à l'unanimité par la Délégation sénatoriale à la prospective, qui compte 34 membres et où sont représentées toutes les familles politiques du Sénat.

Son message pourrait être que, sur la jeunesse, l'école et la banlieue, "une autre droite est possible".

Luc Cédelle


Lire aussi l'entretien avec Fabienne Keller daté du 16 décembre.

 
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  • vieux-patriote-republicain 18h01

     Marseille : stèle du 7eme RTA prés du Char Jeanne d'Arc à Nd de La Garde ,Bd de La Libération Gal de Montsabert ,avenue des Goumiers, autant de souvenirs de notre histoire commune avec nos Libérateurs Maghrébins ,Noirs Soldats succédant à ceux de Crimée,de 1870 ,de 1914-1918 ,de 1939 suivis par ceux d'Indo ,d'Algérie .Jusqu'en 1958 capitulant face à la majorité des Français d' Algérie souvent naturalisés de fraîche date , les faibles gouvernements Français, leur refusaient la citoyenneté Répondre


  • champenois 17h58

     Après "difficiles", les voilà devenus "fragiles", les pauvres chéris ! On attend la suite de ces pleurnicheries. Répondre


  • enguerran 17h21

     mort de rire ! après les Zones Sensibles, voici les Quartiers Fragiles, à quand les Secteurs Emotifs ? Ce que je peux vous dire c'est surtout qu'il faut avoir les nerfs "solides" pour y vivre mdr Et puis le livre d'histoire franco-africain : magnifique. Sauf qu'il y a plus de patrimoine architectural dans le moindre village de France que dans toute l'afrique (subsaharienne en tout cas) réunie. Comme dit un autre intervenant : pourquoi pas un livre d'histoire franco-asiatiques ??? Répondre


  • FB 16h54

     Quartiers fragiles! Incroyable ce vocable, de qui se moque t on? Allez y vivre et vous comprendrez: a part de rares exceptions (dont je fais partie) ses habitants n'ont pas d'issue, la culture d'assistanat ou la culture de la debrouille en permanence hors la loi... Quand va t on arreter ce cirque de bons sentiments sans actes? Répondre


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