14 mars 2011

5381947602_72a7548c5d_t.1300097969.jpgL’Intérieur Sport diffusé hier sur Canal plus, intitulé « Chefs 4 étoiles », nous a permis d’accompagner pas à pas nos handballeurs français au cœur de leur aventure suédoise. Au fil du reportage, se tisse sous nos yeux quelques unes des facettes explicatives de leur suprématie.

A plusieurs reprises sur ce blog, nous avons abordé la question du sportif de haut niveau érigé au rang de demi-dieu, voire de dieu à part entière. Les psychologues cliniciens se penchent avec intérêt et attention sur ce phénomène souvent traité à la légère alors qu’il offre tant d’éléments de compréhension des champions. Didier Dinart nous permet de revenir sur le sujet et de confirmer le projet d’immortalité qui l’anime lui et ses coéquipiers : « Si demain on devient arrogants, qu’on fait n’importe quoi et qu’on n’a pas les pieds sur terre, on va être humains mais de suite… Sauf que nous, on ne veut plus être humains ». 2545043545_38d09b5ff5_t.1300097941.jpgCela peut-il être plus clair ?

Quand vous parvenez à atteindre un tel rang dans votre discipline, la place de commun des mortels est redoutée. Tout se passe comme si vous souhaitiez franchir la limite, afin d’effacer « l’impératif de notre condition : annuler le manque qui nous fait humain » (Bauche, 2004, p.100). Pourtant, tout ceci n’est bel et bien qu’une illusion. Il faudra bien abandonner ce sentiment de toute puissance… Certains le vivront suite à une période difficile sur le plan des résultats, d’autres préféreront décider de ce moment et le placeront au sommet de leur gloire par l’arrêt de leur carrière. Dans les deux cas, rien ne sera facile. Jean Prévost (1925, p.195-196 In Chamalidis, 2000) explique mieux que nous ne pourrions le faire ce difficile retour à la normalité : « L’athlète sent trop tôt que la mort est sur lui. Elle nous travaille à chaque instant, mais le commun des hommes, insoucieux de son corps, ne la connaît que de loin en loin, aux grands ravages, et souvent il meurt stupéfait. L’athlète, plus attentif à soi-même et dont les sens sont plus subtils, la sent appauvrir tout doucement la sève et mesure à chaque saison ce qu’elle lui laisse de fleurs et de fruits. Elle se glisse d’abord dans les pieds et dans les genoux, comme la ciguë, et l’élan de la pure vitesse ne les échauffera jamais plus ; puis la puissance, qui permettait tant de glo2545890334_dc23f500ea_t.1300097960.jpgires, s’appauvrit et se trouble à ses sources. Et l’apparence demeure splendide, dans cette dérision que l’on nomme la force de l’âge. Et mieux vaut pourtant se connaître et lutter, en acceptant cette sagesse amère ».

Le palmarès du sportif de haut niveau demeure sa carte d’identité et les performances réalisées lui assurent parfois le rang d’immortalité tant convoité. Didier Dinart le sait, il connaît également les sacrifices à faire pour s’offrir ce rang, cette place dans l’histoire, indétrônable. Nul doute qu’avec ce dernier titre de Champions du monde, nos « Chefs 4 étoiles » sont déjà parvenus à cet objectif… Mais quelque chose me dit qu’ils sont loin de vouloir s’en contenter.


Commentaires

  1. top reportage. je me suis régalée.

  2. Il faut dire que quand tu touches la perfection de si prêt, cela devient sûrement compliqué de te voir comme un individu comme les autres!

  3. Je ne sais pas s’ils sont des dieux mais ce qui est sûr c’est qu’ils sont les rois du handball!

  4. La notion “d’immortalité” est tout à fait singulière dans les sports collectifs, puisque les résultats sont obtenus par l’entité “équipe”.

    Tout le monde se souvient de la victoire de l’équipe de France de foot en 1998, mais à l’exception d’une petite dizaine d’entre eux, la plupart des 23 joueurs sont tombés dans l’oubli.

    De même, certaines équipes quasi “immortelles” vivent très bien le déclin de leurs joueurs, même les plus talentueux. C’est le cas de l’équipe de hockey sur glace du Canada, qui s’est passée de Gretzky et Lemieux.
    Bien sûr ces deux joueurs resteront dans la légende, mais moins pour les résultats de leurs équipes (club et Canada) que pour leurs statistiques individuelles.

    Là où les handballeux français m’impressionnent, c’est dans leur capacité à penser “entité équipe” en acceptant leur déclin individuel et le passage de témoin indispensable. Constantini et Onesta y sont pour beaucoup.

  5. Pour compléter cet intéressant billet, j’ajouterai qu’il se passe quelque chose avec l’équipe de Handball française qui tient au passage de témoin et à la reconnaissance des sacrifices de ceux, la génération des Latoux, Stoecklin, Volle et Munier, qui a donné une impulsion et un modèle à la génération actuelle. Ils s’appliquent tous à intégrer les petits jeunes, à transmettre, à partager un vécu et à vouloir que l’équipe de demain en savoure tous les parfums. Pour preuve, quand, remportant la médaille olympique, les Bleus ont eu l’immense qualité de porter en triomphe non pas un joueur actif mais Jackson Richardson, ci-devant devenu commentateur sportif, montrant par là même que sans respect des aînés, rien ne vaut. Un bel exemple, décidément !

  6. […] Consulter la source de l’article sur sportmental.blog.lemonde.fr > > […]

  7. à quand des articles sur l’après-carrière des sportifs de haut-niveau ?? on parle de sacrifices, il faudrait détailler les dégâts physiques et psychologiques liés à une pratique à haut niveau d’un sport, certes c’est abordé dans cet article, mais ça permettrait de mieux comprendre la douche froide des anciens champions quand la gloire du sport s’arrête.

  8. Ce parallele sur l’immortalité rejoint un peu le sumo ou les hommes ont statut de dieu, c’est amusant !

    Didier Dinart est en tout cas un magnifique arriere, bravo a lui.

    gerard

    connaissez vous tout en sport ? ca reste a voir ici

  9. Peut-être ont-ils gardé les vertus les plus nobles qui fondent l’humanité de chaque individu: le partage, le don de soi, la réalisation d’un projet commun qui fait leur force sur le terrain, mais aussi l’humilité, la simplicité et la disponibilité (Montpelliérain, j’ai fréquemment l’occasion de le mesurer…). Un bel exemple en tout cas. Surtout ne changez pas (avec la médiatisation -et les salaires- grandissants).

  10. Est-ce que ce n’est pas le principe même de la gloire, faite pour éblouir ses semblables et dont les rayons doivent atteindre les hommes futurs, attestant ainsi de l’immortalité de ses détenteurs.
    Immortalité après laquelle courrent tous les hommes, que ce soit par la procréation, l’art ou les haut-faits de toute nature.
    Cela devrait plaire aux journalistes de constater que c’est en se transformant en information qu’on acquiere une forme d’immortalité.
    C’était la minute philo ;)

  11. Minute de la philo, c’est beaucoup dire.
    Par contre, certainement pas minute de l’orthographe et de la conjugaison!

  12. Ne confondons pas “immortalité” et notoriété le temps d’une génération. Ne tombons pas dans l’exagération et le ’sensationnalisme” journalistique.
    Reconnaissons cependant que nos joueurs actuels ont su parfaitement faire fructifier l’héritage transmis par leurs anciens et de quelle façon!
    Enfin n’oublions pas que le hand, sport scolaire et universitaire par excellence doit beaucoup aux “profs de gym”. Merci à eux.

  13. Tiens, plus de passage en gras…c’est agréable. Merci de prendre en compte les remarques.
    Petits conseils de lecture, notamment à D. Dinart:
    - S. De Beauvoir “Tous les hommes sont mortels”
    - J.L Borges “L’immortel”
    Ces deux livres devraient l’aider à prendre conscience de sa Vanité (vanitas) et de son idéal du moi. Là où D. Dinart se trompe, ainsi que J. prévost, c’est que les humains ont les pieds sur terre et la tête dans les nuages (ce que lui nomme des dieux, - oui, la tête dans les nuages car ils ont des rêves) et que c’est plus le comportement des animaux qu’ils décrivent (cf. Darwin - oui, les animaux rêvent aussi). L’animal n’a que très peu conscience de sa propre mort (”de loin en loin” pour reprendre l’expression) alors que l’humain lui l’a. C’est d’ailleurs là la différence entre les humains et les animaux: les animaux ne sont uniquement “qu’inconscient” alors que l’humain a conscience de son inconscience, et ce, grâce à la science (cf. J.F Revel par exemple).
    S’il a le temps, je conseille aussi le dessin animé d’un des héros de sa jeunesse “La guerre des dieux”, il comprendra pourquoi il fait du sport.

  14. De plus, ne plus vouloir être humain, c’est donc chercher à manquer d’humanité…donc, de bonté, de bienveillance, de charité et d’indulgence. Face à un adversaire dans le cadre d’une compétition sportive, c’est bien normal : le sport, c’est le meilleur moyen de jouer à la guerre et de pouvoir juguler l’incidence de la testostérone sur le corps.
    D’ailleurs, pour rappel (cf. conférence en ligne de Serge Ginger sur la psychothérapie et les femmes), la testostérone est l’hormone du désir, de la sexualité et de l’agressivité, et permet le développement de tout un tas d’éléments qui entrent comme composants de toute pratique sportive, qu’elle soit ou non de haut niveau.
    Par contre, au quotidien, ce n’est pas bien.
    Je dirais donc plutôt que les sportifs de haut niveau veulent laisser parler leur partie animale dans un espace spacio-temporel qu’ils contrôlent, pour leur permettre d’être plus humain durant le reste du temps.

  15. Ah j’oubliais. En ce qui concerne la ciguë, veuillez me croire, j’en connais un rayon…;-) (pour ceux un peu lents, cf. ma signature). De plus, il y a une petite blague que j’ai créée (en rapport avec mon sport favori, l’un de ceux que je pratique): quelles sont les limites entre l’animal et l’être humain? Celles blanches du terrain de rugby. (et j’insiste sur la valeur symbolique du mot blanche, en rapport avec le spectre de la lumière dite “blanche”, le spectre optique, ensemble de toutes les couleurs de la vie, et non pour des questions ethniques).

  16. Certes Didier Dinart et ses camarades de l’équipe de France de hand ont accompli quelque chose d’énorme, de pharaonique, voire d’extra-
    terrestre ou de galactique et c’est pour cela qu’il revendique le fait de ne plus être considéré comme humain.
    Devant ce désir, je lui rappellerai deux maximes :
    -”peu importe ce que tu as fait, ce qui compte c’est ce que tu es”,
    et,
    -”peu importe ce que tu as fait, ce qui compte c’est comment tu l’as fait”.
    A nous supporters et fans de juger et de décider s’il doit être vénéré comme une idole ou bien plus.

  17. A moins que, comme nous le répétait un de nos entraîneurs de l’époque, nous considérions qu’il “n’a fait que son devoir”.


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