Big Picture

Est-ce que vous avez remarqué ? Il y a de la dissidence dans l’orange de Halloween.
J’ai vu des citrouilles violettes au supermarché. Des potirons en plastique bleu. Des petits crânes verts ….
Et une grosse araignée violette sur le perron des voisins. Violette ? J’avoue que ça fait un choc.
Généralement, le calendrier américain est bien réglé. Orange, pour Halloween. Début décembre, on passe au rouge et vert. Et en février, tout est rose. A chaque fois, on rachète la déco.
L’araignée des voisins fait deux mètres de haut. On la branche et elle se gonfle d’air. C’était le succès Halloween 2004 chez Walmart.
D’après les media, les progrès de la génétique permettent d’envisager des citrouilles bleues dans un avenir proche (et roses, dans deux ans). Les consommateurs sont de plus en plus intéressés par un changement de couleur.

Juste au moment où Kerry avait décidé d’arrêter de parler des explosifs en Irak (pas un cinquième jour, non) pour revenir au Medicare, Al Jazeera a diffusé une nouvelle video d’Ossama Ben Laden.
George Bush venait justement de mettre sur les ondes sa dernière pub de campagne
- Whatever it takes
C’est un hymne aux héros. Le président est au milieu des troupes, en commandant en chef. La pub se termine sur une musique hollywoodienne et une image de Bush sur le porche du ranch, avec Laura.

Multiplication des bérets

La pub aurait du sortir hier mais les bloggers de Daily Kos ont repéré que les soldats qui écoutent le président avaient été dupliqués. On voit plusieurs fois le même GI. La pub a été retirée et refaite, et la voilà, aujourd’hui
- Right on time

Le chronomètre s’est déclenché sur les chaînes de télé: ça y est. On compte en heures.
On a passé H-100.
La météo s’annonce maussade.

Il va pleuvoir à H + 7 dans l’Ohio.

Le président Bush tenait meeting ce matin dans le New Hampshire. Il était avec des familles de victimes du 11 septembre. A quatre jours de l’élection, c’est redevenu son thème principal.
A un moment, il a rendu hommage à un policier de la Port Authority. Il s’est retourné vers la mère de la victime. Tout le monde a applaudi et il a dit:
- God bless you !
C’est là qu’il y a eu un grand boum.
Et une pluie de confettis.
Le président n’est pas censé dire God bless you avant la fin de son discours.

Avis aux rédactions: le Columbus Dispatch a déjà fait une infographie sur le nombre de contestations pour le seul comté de Franklin. C’est l’épicentre prévu pour le cyclone électoral de la semaine prochaine.
Pour tout l’Etat, les républicains ont repéré 35.000 personnes qui ont été inscrites sur les listes électorales mais dont le courrier est revenu à l’expéditeur.
Ils ont contesté la validité de ces inscriptions et demandé à vérifier les identités.
Un juge du comté a décidé hier qu’il était trop tard pour vérifier et il a annulé les 2371 auditions qui devaient commencer à 9 heures ce matin.

Privés de leur malédiction, certains fans des Red Sox ont le vertige.
Leigh Montville, par exemple. Un chroniqueur sportif de Boston. Il a été interrogé ce soir par la télévision publique PBS. Pas vraiment upbeat, j’ai trouvé.
- C’est vraiment bizarre, a-t-il dit. J’ai 60 ans; je n’ai jamais vécu une situation comme celle-ci.
Il était songeur, encore sous le choc.
- Voilà, l’histoire est finie. C’est comme quand on arrive à la fin de ces sagas qu’on emporte à la plage. On commence en juin et quand on finit en septembre…
Trois mois de plage ? A J-5, ça fait sursauter.
- Le problème, c’est qu’on ne connaît pas la suite, a-t-il repris.
Les Red Sox l’admettent sans peine: il y avait une petite joie secrète à ce sort de maudit du base-ball.
Etre une équipe normale, quelle malédiction.

Dans son journal du soir, Tom Brokaw a interrogé John Kerry. C’était à Madison, Wisconsin, après le méga-concert avec Bruce Springsteen
- Vous êtes conscient du coup de pouce que vous être en train de donner à la carrière de Bruce Springsteen ?
a-t-il demandé.
Cela c’était pour rire, bien sur. Le meeting a attiré 80.000 personnes.
Devant la cheminée (de l’hôtel ?), le présentateur a posé une question sur l’intelligence de George Bush. On aurait cru qu’il parlait de l’augmentation des primes du Medicare.
Un chercheur a comparé les dossiers militaires des deux candidats, a-t-il dit. Conclusion: Bush a un Q.I plus élevé.
- Tant mieux pour lui, a répondu Kerry
Tom Brokaw s’est permis un follow-up.
- Vous pensez qu’il est intelligent ?
- Oui, a dit Kerry. On le sous-estime.
Tom Brokam a conclu en disant qu’il allait aller interviewer le président dimanche en Floride. Un message ?
- Dites-lui bonjour, a répondu Kerry. Et dites-lui que je l’appellerai mardi.

Le débat du jour, c’est la casquette. Trop petite ? Trop bombée ?
Trop neuve ?

Nos amis vérificateurs de faits du Annenberg Public Policy Center sont horrifiés. Ils ont trouvé une pub qui déforme les faits plus que ne le fait Michael Moore…
- C’est l’une des pires distorsions que nous ayons vues dans ce qui est devenu une campagne épouvantable, déclarent-ils dans leur dernier bulletin.
Ils ont passé en revue un spot radio anti-Bush du Media Trust Fund, un groupe de communication démocrate. Ils lui reprochent d’avoir repris sous forme de faits des insinuations fausses qui étaient contenues dans Fahrenheit 9/11.
La pub blâme la Maison Blanche pour le départ des Etats-Unis de la famille Ben Laden après les attentats de 2001. Elle est contredite par le rapport de la Commission d’enquête sur le 11 septembre.

Une petite anecdote, racontée par le Philadelphia Daily News.
Il s’agit des bulletins de vote par correspondance. Une partie des électeurs de Philadelphie ont trouvé une enveloppe trop petite pour contenir leur bulletin (qui doit lui-même être plié lui-même dans une première enveloppe).
Les responsables du bureau des élections ont blamé l’imprimante.
Pour une fois que quelque chose n’est pas “supersize” aux Etats-Unis..

L’affaire compliquée de la disparition des explosifs irakiens l’est encore plus qu’il n’y parait.
Tom Brokaw l’a dit lui même dans son journal du soir sur NBC.
- This is a complicated story
Le présentateur était en direct de Des Moines, dans l’Iowa.
- Un endroit où il semble que tous les citoyens en âge de voter aient été inscrits sur les listes, a-t-il glissé
Il portait un ciré jaune. Le temps a changé dans le Midwest. Il fait froid. Les commentateurs se demandent déjà quel serait l’impact d’une tempête de neige sur la participation.
Tom Brokaw est une légende journalistique. Il fait partie des trois grands présentateurs des journaux du soir. Il est originaire du South Dakota et il peut porter un chapeau de cow boy sans avoir l’air déguisé. Comme Dan Rather, il a atteint l’âge de se retirer mais il est le seul à avoir annoncé une date (le 1er décembre).

Understatement
Bref, Tom Brokaw n’est pas le genre à faire du spin. Il a pris l’air gentiment ironique et il a mis les choses au point.
La campagne Bush-Cheney s’est permis d’utiliser NBC pour dénoncer les “exagérations” de Kerry et du New York Times sur les explosifs. No way.
NBC n’a jamais dit que les explosifs irakiens n’étaient déjà plus sur le site d’Al-Qaqaa quand son équipe de télé y est passée avec une brigade de la 101ème le 10 avril 2003. Elle a seulement dit qu’elle ne les avait pas vus. Cela ne va pas dans le sens de Kerry mais cela n’aide pas Bush. Ouf!
Résultat: on ne sait pas exactement quand ces explosifs ont disparu.

Al-Samoud
Il n’y a pas que les explosifs. D’après les inspecteurs de l’ONU, les Américains n’ont jamais retrouvé non plus les 25 missiles Al-Samoud que les Irakiens n’avaient pas fini de détruire quand les inspections ont été arrêtées en mars 2003.
Mais chuttt…

Aïe. L’affaire des explosifs est peut-être plus compliquée qu’il n’y parait.
Hier, les démocrates ont bondi sur les révélations du New York Times sur la disparition de 377 tonnes d’explosifs en Irak. Une nouvelle preuve de l’incompétence de Bush qui n’a même pas fait sécuriser les sites militaires irakiens, a dit Kerry.
Dans la soirée, le correspondant de NBC au Pentagone, Jim Miklaszewski, a versé une pièce au dossier. Il était avec les troupes américaines au moment de la chute de Bagdad. Il a visité le site d’Al QaQaa avec la 1O1ème Airborne division dès le lendemain. Les explosifs n’étaient déjà plus là.
Le problème n’est pas réglé pour autant. Il y a déjà quelques mois que les inspecteurs de l’ONU ont repéré des matériaux radioactifs et des pièces de missiles dans des containers qui arrivaient à Rotterdam en provenance de Jordanie.
A suivre probablement …

Le groupe Sinclair (62 chaines de télévision) n’a finalement diffusé “que” 4 minutes du film anti-Kerry “Stolen Honor” dans son programme de vendredi.
D’après la Columbia Journalism Review, qui fait autorité dans les medias, l’affaire a eu un aspect positif: les Américains ont enfin pris conscience des méfaits de la concentration dans le secteur de la communication.

Trois indécis de Pennsylvanie ont pris position pour John Kerry !
Le Pittsburgh Post-Gazette n’en fait pas un scoop mais presque. Dans l’état actuel de blocage à 50-50, tout mouvement d’indécis mérite d’être rapporté.
Les trois indécis faisaient partie d’un groupe de cinq, que le journal suivait depuis des mois. Au départ, il y avait 2 démocrates, 2 républicains et un indépendant.
A l’arrivée: 3 voix pour Kerry, 2 pour Bush.
Ce n’est pas du tout ce que vous croyez. L’indépendant a voté Kerry mais deux personnes ont changé de camp.
Un républicain a décidé de voter Kerry. Explication: ça ne peut pas être pire.
Et une démocrate a décidé de voter pour Bush. Son fils part dans trois semaines pour l’Irak.
La pagaille, on vous dit.

Dimanche soir. Le téléphone sonne. A cette heure-ci, ça ne peut plus être Paris.
- Bonjour, ceci est un message de Carl Pope
Carl Pope est le directeur du Sierra Club, l’association de défense de l’environnement californienne. Elle a été fondée en 1892 et compte aujourd’hui 700.000 membres. C’est une institution nationale.
Comme une dizaine d’associations, le Sierra Club a lancé une campagne pour inciter les gens à voter (pour Kerry).
Il a besoin de volontaires pour aller faire du porte-à-porte dans les Etats où la bataille est acharnée: en Pennsylvanie, dans l’Ohio.
- Si vous voulez aller à Philadelphie, continue Carl Pope, appuyez sur la touche 1. Pour Pittsburgh, appuyez sur 2…

Chaque jour, il semblait plus indécis. Ce dimanche, le Washington Post a choisi: c’est Kerry.
Le quotidien n’en veut pas à George Bush pour l’invasion de l’Irak. Les éditorialistes rappellent qu’ils ont eux-mêmes soutenu la guerre (et ils continuent d’ailleurs à penser que la “mission” d’apporter la démocratie en Irak était justifiée).
Non. Le Washington Post en veut au président pour son “outrecuidance” (cocksuredness). Bush n’écoute pas les conseils, encore moins les alliés ou les faits.
Il y a quatre ans, Le Washington Post avait soutenu Al Gore. Il trouvait que George Bush n’avait pas réussi à démontrer “un quelconque intérêt” pour les affaires du monde.

Qui a dit que les Américains n’ont pas d’histoire ? A New York, on vote encore sur une machine à levier inventée par un petit télégraphiste nommé Edison (en 1869).
La machine a une allure de semi-remorque. Elle pèse 260 kg. Pour voter, on actionne des interrupteurs qui font bouger des fils métalliques lesquels entraînent des roues dentées à l’arrière. Clic, clac. Les explications sont en anglais, en espagnol, en coréen et en chinois.
Bush, Kerry, Nader, Badnarik, Calero. Si on se trompe, on peut revenir sur son choix. On peut aussi écrire à la main le nom d’une personne qui n’est pas candidate. Cette année, il y a 16 consultations (présidentielle, sénatoriale, tribunaux, congrès de l’Etat etc..) Mais pas de référendum, curieusement.
Les machines auraient du être changées en vertu de la loi votée après le fiasco de la Floride (Help America Vote Act de 2002). Mais l’Etat de New York n’a pas encore réussi à se décider sur le choix des nouveaux modèles. Il a obtenu une dérogation. Les nouvelles machines seront prêtes pour 2008.
Il y a quatre ans, 412 machines sont tombées en panne. Cette année, soixante-cinq mécaniciens entretiennent les 7609 appareils en espérant qu’ils résisteront à l’assaut des nouveaux électeurs (120.000 se sont inscrits à la dernière minute). Par précaution, ils sont allés chercher 400 machines supplémentaires la semaine dernière en Géorgie.

Cagnotte
Le directeur du bureau des élections, John Ravitz, a présenté lui-même les poids lourds à la presse.
- “C’est une espèce en voie de disparition”, a-t-il dit.
Dans cette ville archi-démocrate, il est républicain, tendance modérée. Selon lui, le grand changement cette année, c’est qu’on va demander une pièce d’identité aux nouveaux inscrits.
Les électeurs n’ont pas l’habitude. Certains vivent cela comme une érosion de leurs droits constitutionnels. D’autres comme une intimidation. Les New Yorkais qui ne voudront pas montrer leur permis de conduire, ni même leur carte de Costco (le supermarché), pourront quand même voter. Ils rempliront un bulletin provisoire qui sera ouvert en même temps que les bulletins par correspondance: une semaine après.

A (provisoirement) voté
C’est l’une des innovations de la loi de 2002. Pour qu’aucun électeur ne se sente exclu (“disenfranchised”), le Congrès a créé une catégorie inédite: le bulletin de vote provisoire. Selon John Ravitz, c’est là que les “lawyers” vont trouver matière à s’employer.
Les candidats ont déjà demandé à la Commission fédérale des élections de les autoriser à utiliser leurs fonds de campagne pour financer les recomptes. Elle n’a pas fait de difficultés.

La campagne est très visuelle aujourd’hui. L’équipe Bush a sorti une video pleine de loups dans un sous-bois. Elle est censée faire peur à l’électeur.
- “Dans un monde de plus en plus dangereux…”
La ficelle est assez énorme. Mais comme la montagne est belle, derrière les nuages, on regarde.
Impact ? A voir. Tout le monde a ironisé sur les grands méchants loups.
On dirait que parler de la peur la désamorce. Les gens ont l’air moins inquiets. Kerry a même pu dire avant-hier que le système d’alerte orange, rouge etc.. était stupide, sans provoquer de scandale.
Les démocrates ont répondu aux loups par une autre publicité animalière. On voit une autruche la tête dans le sable (suivez mon regard) pendant qu’un aigle survole le monde avec lucidité..
- L’aigle, lui, sait quand il est temps de changer de cap…

Message in a label

J’ai trouvé cette étiquette sur le site de Alternet. Elle figuerait sur des produits made in USA et exportés en France. Le nom du fabriquant n’est pas précisé. C’est peut-être un faux mais peu importe: c’est, pour ainsi dire, un nouveau media. Après l’Internet, l’étiquette.
A la suite des consignes de lavage, on peut lire ce message aux francophones:
- Nous sommes désolés que notre président soit un idiot. Nous n’avons pas voté pour lui

Je ne me suis pas passionnée pour le “bulge“, la bosse apparue dans le dos du président Bush, mais pour ceux qui suivent, Slate a publié une synthèse complète sur l’affaire.
On y apprend que tout cela est du à l’oeil de lynx du blogger, Joseph Cannon. Il continue l’enquête mais il a besoin, lui aussi, de Bill Clinton et il demande à tous ses amis d’envoyer un message à l’ancien président par l’intermédiaire de Hillary. Il voudrait que Clinton confirme qu’il arrive aux présidents de porter des oreillettes pour des raisons de sécurité. Cela accréditerait selon lui la thèse qu’il était relié à un émetteur radio pendant le débat.

L’Oregon est cet Etat loin là-bas, qui s’est débarassé des bureaux de vote.
On y vote par correspondance.
Les républicains ont créé une brigade, une “strike force”. Elle viendra ramasser les bulletins de vote. Pas besoin les poster.
Les républicains de l’Oregon ne font que copier les démocrates qui ramassent les bulletins à domicile depuis deux scrutins.
Le Sierra Club, la grande association de défense de l’environnement a aussi ses ramasseurs. Et cette année, America Coming Together, le groupe financé par George Soros, s’est joint à l’effort.
Les ramasseurs encouragent les électeurs à remplir leur bulletin le plus vite possible. Comme cela, ils pourront se concentrer sur les retardataires (les listes sont publiques).
Avec un tel zèle, le 2 novembre, tout le monde aura déjà fini de voter dans l’Oregon.