Son truc ? Détaler. Fut un temps où en goûter vous envoyait ad patres, on “mangeait un lapin” quand on enterrait un camarade typographe, cérémonie suivie d’une collation à base dudit animal “plus ou moins authentique”. Précision qui revêt toute son importance quand l’époque regorgeait de “lapins de gouttière”, autrement dit de chats cuisinés. Mais déguerpissons.
Ali-Bab, fine fleur du gratin gourmet du début du siècle, distingue dans sa Gastronomie pratique le lapin de garenne, “qui doit ses qualités à sa liberté”, du lapin domestique, “peu apprécié car souvent mal nourri”, encore appelé “lapin de choux”. Il ignorait la Rolls du léporidé, le grand vizir du lapin d’élevage – dix-huit semaines, au lieu de dix, avant d’être abattu, encore lapereau –, l’alias du chinchilla côté fourrure, le Rex du Poitou. L’INRA est à l’origine de cette race remise à l’honneur dans les années 80, à la chair quasi persillée, rebondie et moelleuse.
Georges Perec dans 81 fiches-cuisine à l’usage des débutants s’amusa du connin, le tartinant d’une multitude d’accommodements. Suivons ses traces un court instant. “Attrapez un lapin” et faites-en des rillettes, “attrapez un lapin” et enduisez-le de caramel, “attrapez un lapin” et composez une blanquette, “attrapez un lapin” et piquez-vous de préparer un saupiquet, histoire d’aiguiser l’appétit, “attrapez un lapin” et mitonnez-le avec du cidre, “attrapez un lapin” et traduisez-le en italien, version saltimboca, “attrapez un lapin” et entourez-le de pruneaux, “attrapez un lapin” et rendez-le catalan, “attrapez un lapin” et vous en serez chocolat.
Pour finir, Georges P. dans le texte : “Tartiner généreusement deux jeunes lapereaux de moutarde forte. Mettre à four moyen pendant 40 minutes en arrosant fréquemment. A mi-cuisson ajouter 250 g de champignons de Paris.” Pour un lapin à la saïgonnaise, rien de plus simple : “Tartiner généreusement deux jeunes lapereaux de moutarde forte. Mettre à four moyen pendant 40 minutes en arrosant fréquemment. Ajouter hors du feu 1 dl de crème double. Envoyer à part une saucière de nuoc mam.” Et vous, après l’avoir généreusement tartiné, ou pas, vous l’aimez comment votre jeune lapereau ?
Pour savoir quoi boire avec ce jeunot, rendez-vous chez Miss Glouglou, et pour tout connaître du lapinou à la bière, c’est la dernière recette de A boire et à manger. Quant à goûter du Rex à poil, c’est chez Effets de mode que ça se passe.