24 mars 2011

Lorsqu’on l’appelle, elle est en plein cours de français. Ce qui ne l’empêche pas de prendre le temps pour se renseigner sur notre compte : quel média, pourquoi, pour quand… zx450y250_301082.1299010304.jpgRendez-vous est pris finalement pour le soir, au téléphone, parce que Kristiana Valtcheva, une des infirmières bulgares otage du régime de Kadhafi pendant huit ans, est très occupée. Hyperactive même, on dirait. Elle a aussi repris le travail, à l’hôpital militaire de Sofia, après avoir écrit un livre relatant son “odyssée” à elle dans le pays du colonel. “Vous pouvez le trouver encore, chez les bouquinistes”, précise-t-elle, dans un éclat de rire. Mais son histoire est connue en France aussi.

“Pour le reste, je risque de vous decevoir, poursuit-elle. La Libye n’est pas mon pays. Je ne peux pas dire que je m’en fiche, parce que j’y ai vécu pendant seize ans et que je pense toujours au malheur des pauvres Libyens qui sont des gens sympathiques. Mais je suis en train de tourner cette page de ma vie”.

Pourtant, au début des troubles il y a quelques semaines, Kristiana est sortie de sa réserve pour appeler ses compatriotes encore sur place de quitter immédiatement la Libye. “Ce régime est imprévisible, rien ne peut justifier votre séjour là-bas”, avait-elle dit. Son appel a été entendu, mais qu’à moitié. valcheva.1300950611.jpgAujourd’hui, plusieurs centaines de ses compatriotes expatriés vivent terrés entre Tripoli et Benghazi en espérant de passer entre les gouttes dans les événements dramatiques que traverse actuellement la Libye. Pourquoi ? Kristiana confirme ce qu’on lit entre les ligne de la presse bulgare : pour de l’argent. Des salaires ou des congés impayés, des treizième mois, des compensations que les entreprises libyennes se gardent bien de leur débourser en les transformant ainsi en une sorte d’otages économiques volontaires. “Certains d’entre eux ont vécu plus longtemps en Libye qu’en Bulgarie, ils ont plus de 50 ans et on sait le traitement qu’est réservé aux retraités chez-nous, donc ils restent en priant pour que la tempête les épargne”, poursuit Kristiana.

Mais elle, elle ne resterait pas une seule minute dans le pays du colonel. “Si au jour d’aujourd’hui on était en Libye, on aurait été pendues sur une place publique”, dit-elle. Par Kadhafi ou les insurgés ? “Les deux”, répond-elle. Parce qu’elle ne semble pas faire la différence. D’ailleurs, n’y a-t-il pas au sein du Conseil national de transition d’anciens acteurs actifs de leur drame ? “C’est le paradoxe de l’histoire, dit-elle. Nous aussi en Bulgarie on a vu d’anciens communistes se reconvertir dare-dare à la démocratie en 1989″.

Mais ça ne lui fait pas plus que ça. Elle ne ressent pas non plus une satisfaction morale de voir les forces de la coalition s’en prendre aux forces de Kadhafi. “De toute façon, pour moi, cette intervention arrive trop tard. En 41 ans au pouvoir, Kadhafi a eu largement le temps de perpétrer ses crimes, et pas seulement à notre égard”. L’attitude hésitante de Sofia, qui a condamné l’intervention militaire avant de la soutenir, ne la fait pas bondir non plus. “Je peux vous parler de l’attitude de la Bulgarie, mais de celle d’il y a dix ans lorsque personne ne se souciait de nous dans les geôles libyennes et que beaucoup d’hommes politiques dans ce pays espéraient en secret que nous soyions vraiment coupables de ce qu’on nous accuse pour qu’ils n’aient pas à s’occuper de nous”. Depuis les années ont passé, mais la blessure est restée.path_4910.1300950634.jpg

Pour finir, je lui dis que je regrette de lui avoir parlé uniquement au téléphone et lui propose de prendre un café dans la semaine. “Débordée”, répond-elle, avec une sorte de fierté d’avoir repris le dessus. Puis, elle dit oui. Mais à condition que l’on parle “d’autre chose que de la Libye”. Il n’est pas sûr qu’elle y arrive…

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