24 mars 2011
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par Olivier Schmitt

Jean-Noël Guérini, actuel président du conseil général des Bouches-du-Rhône et président de la fédaration socialiste départementale - un cumul de fonctions interdit par les statuts du PS - peut-il organiser le scrutin, prévu le mardi 29 mars, pour désigner le candidat à la présidence du conseil général, c’est-à-dire lui-même ? Lors de la réunion du bureau national du PS qui s’est tenue le mercredi 23 mars à Paris, une voix, celle de Philippe-Xavier Bonnefoy, secrétaire national à la vie des fédérations et aux élections, proche de François Hollande, s’est élevée pour répondre “non”.

Sans jamais citer le nom de M. Guérini, le secrétaire national a déclaré que, “du point de vue des statuts comme de l’éthique”, il ne lui semblait pas possible que “dans un département, un responsable fédéral organise un vote pour sa propre candidature”. Philippe-Xavier Bonnefoy a donc demandé au bureau, pour la troisième fois depuis qu’a éclaté ce que tout le monde appelle désormais à Marseille l’”affaire Guérini” que le premier fédéral démissionne de son poste avant le scrutin. Il n’a été soutenu que par la seule Delphine Mérargue, secrétaire nationale adjointe au travail et à l’emploi.

Harlem Désir, numéro 2 du PS, qui présidait la réunion, a repoussé cette proposition, estimant que “les conditions de temps n’étaient pas réunies pour qu’une telle décision soit prise avant le scrutin”. Selon des responsables présents à la réunion, Harlem Désir aurait en revanche clairement indiqué que Jean-Noël Guérini démissionnerait dans les jours suivants sa probable désignation, ce que l’actuel président du conseil général a lui-même annoncé sans précision de calendrier.

Parallèlement, quelques militants socialistes des Bouches-du-Rhône opposés au système qu’ils jugent “autocratique” et “clientéliste” de Jean-Noël Guérini, continuent de s’interroger sur le moyen de faire émerger une nouvelle candidature socialiste à la présidence du conseil général. Le nom de Michel Pezet, avocat marseillais de premier plan, ancien président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, candidat aux cantonales à Marseille, est souvent cité. Il semble pourtant que seul Jean-Noël Guérini devrait se présenter mardi au suffrage des militants socialistes. Un scrutin qui sera donc organisé, avec l’aval de la direction national du PS, par un appreil fédéral qu’il contrôle complètement.

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23 mars 2011

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Par Olivier Schmitt

Marseille, prise dans la nasse de l’« affaire Guérini », s’est réveillée lundi matin avec la gueule de bois. Le Parti socialiste a perdu en sept ans, depuis le premier tout des cantonales de 2004, la moitié de son électorat, soit quelque 20 000 voix. Leur premier refuge a été l’abstention puis le vote vert (le porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, Sébastien Barles, a obtenu 18,65% dans son canton) et le vote Front de gauche (8%). Certains électeurs ont choisi encore le Front national qui sera présent, au deuxième tour, dans les onze cantons de la ville. Un bilan qui dit assez la nécessité pour le Parti socialiste de s’amender dans ce département.

Le président du conseil général, Jean-Noël Guérini, dont le frère Alexandre, figure du socialisme marseillais et chef d’entreprises de collecte et de transformation des déchets, est écroué depuis le 1er décembre 2010 pour des chefs d’inculpation extrêmement graves – « abus de biens sociaux, détournement de biens publics, recel, corruption active, blanchiment en bande organisée et détention de munitions » – est décidé à se représenter à la tête du département. N’ayant pas été entendu par le juge Charles Duchaine dans l’instruction sur les affaires de son frère, il s’estime diffamé par ses détracteurs de droite et de gauche. Il a même porté plainte contre Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation du PS et auteur d’un rapport remis récemment à la direction du PS dans lequel il demandait la « mise sous tutelle » de la fédération socialiste locale.

La seule concession de Jean-Noël Guérini à la suite de ce rapport est l’annonce, non datée, de son retrait du poste de « président » de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, une fonction incompatible avec l’exécutif départemental selon les statuts du PS.

La direction du PS ne s’est que très peu exprimé sur cette affaire jusqu’à aujourd’hui. Martine Aubry avait estimé qu’il n’y avait « pas de faits » précis dans le rapport Montebourg. La publication dans la presse de nombreuses pièces de l’instruction mettant en lumière les relations des deux frères comme nos informations publiées dans Le Monde du 18 mars pointant les nombreux dysfonctionnements de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône n’ont pas infléchi la position de la première secrétaire.

Voilà plusieurs jours que « Le Monde » a sollicité la direction nationale du Parti socialiste pour commenter la décision de Jean-Noël Guérini. Silence radio. François Lamy, conseiller politique de Martine Aubry, a refusé de nous répondre. Mais ce matin, sur RTL , la première secrétaire est sortie de son silence et a choisi de soutenir implicitement M. Guérini. « Moi, je crois d’abord à la présomption d’innocence et je ne suis pas un chevalier blanc. La République, c’est des faits, ce sont des institutions pour les régler. Tant que ces institutions ne se sont pas exprimées, je n’ai personnellement rien à dire. Voilà. », a-t-elle déclaré. Elle ne s’oppose donc pas, en clair, à la candidature de M. Guérini.

Certes, la justice n’a à ce jour rien à lui reprocher. En revanche, les socialistes marseillais supportent de plus en plus mal le régime autocratique et clientéliste qu’il a mis en place à Marseille. Rappelons par exemple que 31 salariés du conseil général ont des responsabilités importantes à la fédération et dans de nombreuses sections. Rappelons encore que lors du scrutin organisé pour le congrès de Reims en novembre 2008, de très nombreuses irrégularités ont été constatées dans les bureaux de vote sans qu’aucune sanction ne s’en suive. Depuis dimanche, Michel Pezet, en ballotage, ou Jean Viard, sociologue qui fut proche de Jean-Noël Guérini, ont demandé explicitement que  Jean-Noël Guérini renonce à se représenter. Les écologistes et le Front de gauche ont fait de même.

Martine Aubry a donc choisi de ne pas les entendre. Elle n’a pas même demandé à Jean-Noël Guérini de démissionner de ses fonctions de « premier » fédéral pour se mettre en conformité avec les statuts. Elle n’a pas non plus donné son avis sur les dysfonctionnements avérés de la fédération, attendant les conclusions d’une commission d’enquête interne qui doit rendre ses conclusions en juin. Elle n’a rien dit non plus de l’élimination dans deux cantons du centre de Marseille, très importants dans la perspective des municipales de 2014, de deux proches de Jean-Noël Guérini, Antoine Rouzaud (PRG) et Jocelyn Zeitoun (PS).

« Alors, vous savez, partout où il y a des “affaires”, il est extrêmement normal, je dirais, que le Front national augmente », a-t-elle ajouté sur RTL. On ne saurait mieux dire.

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08 mars 2011

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Francois LAMY, conseiller politique de Martine Aubry (mai 2009). Photo Jean-Claude Coutausse pour « Le Monde ».
par Olivier Schmitt

Comme il l’indiquait dans notre article intitulé « Affaire Guérini »: passe d’armes entre Arnaud Montebourg et Martine Aubry, publié dans Le Monde daté 8 mars, François Lamy, député de l’Essonne et conseiller politique de la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, dispose d’une « expertise » de la gestion et du fonctionnement de la fédération départementale des Bouches-du-Rhône depuis l’automne 2010. Selon lui, cette expertise a conclu que les comptes de la fédération « étaient en ordre » et que celle-ci « fonctionne normalement ».

Comme nous lui demandions de disposer de ce rapport d’expertise pour en rendre compte dans les colonnes du journal, le conseiller politique a répondu : « Je ne peux pas vous transmettre ce rapport. C’est un document qui sera versé à la commission d’enquête ». Celle-ci, demandée aussi bien par le président du conseil général et « président » de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône que par de nombreux militants, sera constituée à l’issue des élections cantonales et devra rendre son rapport avant l’été. C’est la réponse conjointe que Jean-Noël Guérini et la direction du PS ont apportée aux révélations contenues dans un rapport transmis en décembre 2010 à la direction du PS par Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation.

De deux choses l’une : soit ce rapport valide effectivement sans observations particulières la gestion et le mode d’organisation de M. Guérini dans son fief et on comprend mal pourquoi on devrait en retarder la publication ; soit les informations et les conclusions qu’il contient ne sont pas celles que décrit François Lamy.

A l’heure où le PS en appelle à la morale et réclame pour lui-même, pour la majorité actuelle et pour la République dans son ensemble la transparence, cette rétention d’informations est non seulement regrettable mais aussi une faute politique. « Justice, respect, vérité », écrit Martine Aubry en préface de son livre, Pour changer de civilisation (éd. Odile Jacob, 442p., 16,50 €). Le PS commence quand ?

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07 mars 2011

Montebourg

photo Jean-CLaude Coutausse pour “Le Monde”

Par Olivier Schmitt

Arnaud Montebourg,  député de Saône-et-Loire et candidat à la primaire socialiste, n’a pas apprécié du tout que Martine Aubry, première secrétaire, déclare à l’AFP le vendredi 4 mars, qu’« il n’y avait pas de faits » dans le rapport qu’il avait adressé, en décembre 2010, à la direction du parti, dénonçant la gestion de Jean-Noël Guérini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône et de la puissante fédération socialiste.

Il le fait savoir aujourd’hui dans une longue lettre (ici) adressée à Martine Aubry que Le Monde s’est procurée. Il y affirme que tous les faits cités dans son rapport sont avérés et qu’il tient à la disposition de la direction nationale, comme à celle de la future commission d’enquête interne qui devrait être créée, à la demande de Jean-Noël Guérini, après les élections cantonales, les témoignages des militants et responsables locaux qu’il a collectés entre juin et décembre 2010.

Le moins que l’on puisse dire à la lecture de cette lettre, c’est que cette commission d’enquête s’avère nécessaire. Les « éléments probants » réunis par Arnaud Montebourg, s’ils étaient confirmés, sont effarants : violation caractérisée des statuts du parti par Jean-Noël Guérini, qui cumule deux mandats ordinairement non-cumulables, la présidence du conseil général et celle de la fédération, colonisation par des employés du conseil général des postes sensibles de la fédération, boycott des élections régionales de 2010 par la fédération, distribution de subventions comme outil de pression, brimades arbitraires sur les élus et citoyens indociles, menaces physiques sur des hauts fonctionnaires du conseil Général, intimidation permanente sur certains élus socialistes pour qu’ils se conforment aux intérêts politiques ou financiers de la famille Guérini…

Cette litanie jette une ombre sur le parti tout entier. Au moment où Marine Le Pen est au plus haut dans les sondages, dénonçant partout ce qu’elle appelle le « système UMPS », beaucoup de responsables socialistes sont inquiets des retombées de cette « affaire », à moins de quinze jours des cantonales, et à l’orée de la campagne présidentielle.

La puissante fédération socialiste des Bouches-du-Rhône est un élément clé dans la vie du PS. Lors du congrès de Reims, elle avait voté à 73 % pour Ségolène Royal. Les proches de Martine Aubry répètent ce score à l’envi pour dénoncer par avance toute accusation de proximité avec Jean-Noël Guérini. Mais certains responsables socialistes font remarquer que les résultats de ce scrutin interne furent publiés très tôt afin de permettre d’éventuelles « corrections » des votes dans d’autres fédérations pour favoriser l’accession de Martine Aubry à la direction du PS. Selon eux, Jean-Noël Guérini, sentant que le PS allait échapper à Ségolène Royal, voulait ainsi permettre à sa fédération de se concilier les bonnes grâces de la direction à venir.

« Ces théories tordues relèvent du délire, nous a déclaré François Lamy, député de l’Essonne et conseiller politique de Martine Aubry. C’est un mauvais film burlesque. » La commission d’enquête interne permettra d’y voir plus clair. D’ordinaire, ces commissions travaillent pendant trois ou quatre mois, comme ce fut le cas pour celle dévolue à la région Languedoc-Roussillon en 2009. Dans le contexte politique et électoral actuel, il serait bon que celle des Bouches-du-Rhône dispose des moyens suffisants pour contracter au maximum son temps de réflexion. Des accusations aussi graves nécessitent que la vérité soit faite au plus tôt.

 

 

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03 mars 2011

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Martine Aubry, lors de la convention sur l’”égalité réelle”, à Paris,en décembre 2010 (avec Bertrand Delanoë et Benoît Hamon). Photo Jean-Claude Coutausse pour «Le Monde».

Par Olivier Schmitt

A ma gauche, le programme, vaste coproduction des différents courants du Parti socialiste mise en voix par Martine Aubry, dans Le Monde daté 3 février . A ma droite, les sondages, soigneusement distillés par l’écurie Strauss-Kahn sur divers supports. La première secrétaire a donc légèrement devancé l’appel – le projet définitif du PS pour la présidentielle doit être présenté au bureau national le 5 avril – en révélant l’esprit – « sens, éthique, vérité » –, le rythme – «douze mois, cinq ans, dix ans, quinze ans» – et les principales orientations du projet socialiste : le «redressement de la France» (croissance verdie, innovation technologique et sociale, ré-industrialisation, agriculture de proximité, emplois d’avenir pour les jeunes),  «égalité réelle» (éducation, justice, sécurité) et « nouvelles pratiques démocratiques » (pour associer étroitement les citoyens à la vie publique).
Dans le même temps, elle préface un gros ouvrage publié par les éditions Odile-Jacob, Pour changer de civilisation (442 p., 16,50 €). Il réunit les contributions de cinquante chercheurs et intellectuels qui ont pris part, parmi des centaines d’autres, depuis janvier 2009 au « Laboratoire des idées » du PS. Créé par la première secrétaire, il a pour objet de réconcilier son parti avec le monde universitaire et de nourrir le projet socialiste. Un travail comme le PS n’en avait objectivement pas mené depuis les années 1970 qui furent, signe annonciateur, celles de sa longue marche vers l’Elysée.
Tenu au silence par ses fonctions de directeur général du FMI, au moins jusqu’au G 8 de Deauville fin mai, Dominique-Strauss-Kahn ne dit rien mais fait dire que sa candidature séduit. Selon un sondage BVA publié le 2 mars pour Les Echos et France Info , il est considéré par 48 % des Français comme le candidat socialiste « le plus crédible ». Martine Aubry est loin derrière, avec 17%, à égalité avec François Hollande. Ségolène Royal est quant à elle 7%. Selon un sondage publié par France Soir le 3 mars, 40 % des Français souhaitent que DSK soit candidat (contre 17 % pour Martine Aubry et Ségolène Royal et 15 % pour François Hollande).
Mais, selon BVA, 67 % des personnes interrogées pensent que l’actuelle maire de Lille mènerait une politique «différente» de celle de la droite tandis que 61 % pensent, au contraire, que Dominique Strauss-Kahn mènerait « à peu près » la même politique que le gouvernement Sarkozy.
C’est la raison pour laquelle un nombre grandissant d’élus font entendre leurs voix pour presser Martine Aubry d’annoncer sa candidature à la primaire sans attendre que DSK ne se prononce lui-même. Il y eut d’abord l’aile gauche du parti, menée par Henri Emmanuelli et Benoît Hamon, puis Marylise Lebranchu et plus récemment Pierre Cohen, le député et maire de Toulouse, pour ne citer que les principaux dirigeants qui souhaitent couper la route à DSK.
Tous arguent que Martine Aubry, par le travail accompli à la tête du parti depuis le congrès de Reims en 2008 et par sa position politique qui lui permet d’être mieux à même de séduire un électorat de gauche élargi, est la plus légitime à porter leurs espoirs.
Seule certitude : Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn ne se présenteront pas l’une contre l’autre à la primaire. Mais, alors que l’automne 2010 pouvait laisser penser que la première secrétaire « chauffait la place » du patron du FMI, on a désormais plutôt l’impression qu’elle réduit au maximum, sans aller jusqu’à être désobligeante, la fenêtre de tir de DSK.

« Il faut noyer le soldat Hollande »

Plus rien ne semble les lier qu’un ennemi commun : le père tranquille de Corrèze, François Hollande. L’une comme l’autre ont mal pris son irruption dans la « pré-primaire ». Martine Aubry paraît très mal supporter la manière dont ce challenger, au poids grandissant dans l’opinion, se saisit d’éléments du programme déjà voté par le PS (réforme de la fiscalité, priorité à la jeunesse), non seulement pour les faire siens, mais pour faire accroire qu’il en est l’auteur. Le clan Strauss-Kahn voit aussi d’un mauvais œil cet empêcheur de «pacter» en rond.
Dans l’esprit des deux principaux candidats non-déclarés, moins les poids lourds occuperont la scène de la primaire, plus celle-ci ressemblera à un plébiscite et donnera au candidat du PS une légitimité d’avance sur le candidat de la droite. C’est la raison pour laquelle ils ménagent Ségolène Royal qui ne paraît pas être en mesure de rivaliser avec eux.
Mais on peut penser qu’après les cantonales, soit dès la fin du mois, les piliers de la majorité actuelle du parti, soutenus en cela par Laurent Fabius et Bertrand Delanoë, vont lancer l’opération « Il faut noyer le soldat Hollande ». Ce dernier aura alors fort à faire pour exister.

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21 février 2011

 Dominique Strauss-Kahn sur le plateau du 20 heures de France 2 dimanche 20 février

 Par Olivier Schmitt

A ses détracteurs, qui lui reprochent son « éloignement de la France », sa « cogestion de la mondialisation » depuis Washington et la « faiblesse » de sa fibre sociale, voire socialiste, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fond monétaire international et candidat non-déclaré à la primaire socialiste pour la présidentielle, a répondu point par point, le dimanche 20 février à la faveur d’un entretien accordé au journal de 20 heures de France 2 et d’une conversation avec les lecteurs du Parisien, publiée le lundi 21 février.

Aux petites phrases distillées par ses proches depuis plusieurs semaines, jusqu’à son épouse, Anne Sinclair qui disait récemment qu’elle ne souhaitait pas que son mari sollicite un deuxième mandat à la tête du FMI, a succédé un plaidoyer plus consistant sur les réformes conduites par DSK au sein de l’organisation mondiale et son engagement, à Washington comme en France, aux côtés de ceux qui « souffrent ».

A l’issue de ces quelques jours sur le territoire français, les questions posées par le calendrier et le choix du présidentiable socialiste restent sans réponse. Le patron du FMI entend le rester le plus longtemps possible. Mais DSK a pris bien soin de répondre à plusieurs critiques qui lui sont invariablement  adressées, comme celle portant sur son appréciation de la situation tunisienne en 2008 – un « exemple pour les pays émergents », disait-il alors – ce qui vaut à la vidéo témoignant de ses déclarations une forte (im)popularité sur YouTube. « On a beaucoup changé, a-t-il expliqué sur France 2. En novembre, au Maroc, j’ai fait un discours sur le Maghreb, je ne vais pas dire que c’était prémonitoire, pas du tout, faut pas faire le malin, mais il disait : « la bombe à retardement dans le Maghreb, c’est la démographie et le chômage des jeunes ». C’est exactement ce qui s’est passé et en Tunisie, et en Egypte. »

Le voici donc, au-delà de ce seul mea culpa, auto doté d’une stature présidentielle – il s’entretient chaque jour avec « les chefs d’Etat et les chefs de gouvernements de la planète » et les enjoint de « dominer la crise sociale » après avoir maîtrisé la crise économique et financière – et d’un viatique pour son éventuelle et de plus en plus probable candidature : le socialisme. « Le socialisme, c’est l’espoir, l’avenir, l’innovation », lâche-t-il sans barguigner.

Parfaitement orchestrée par ses conseils du groupe Euro-RSCG, cette opération de communication a donné l’occasion au favori des sondages – comme celui publié, le 18 février, par l’hebdomadaire Marianne qui le donne vainqueur au second tour contre Nicolas Sarkozy avec 22 points d’écart (61 % contre 39 %) – de redresser son image, brouillée par son éloignement et la méfiance que suscite le FMI dans les familles de la gauche.

Pourtant, elle peine à convaincre ses camarades socialistes et encore plus le patron du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon . La gauche du PS, par la voix de Benoît Hamon, porte-parole, dans Le Monde daté du 22 février, préfère soutenir la candidature, non déclarée elle-aussi, de la première secrétaire, Martine Aubry. Le député européen, de son côté, s’est offusqué sur RTL que l’on donne un tel retentissement au séjour parisien de DSK qu’il juge « consternant ». François Hollande, lui aussi dans les starting blocks de la primaire sans l’être encore tout à fait, n’a pas caché son agacement sur France Inter. Sans jamais le nommer, il dit avoir « entendu le directeur général du FMI s’exprimer », pas le candidat. Mais, à bon entendeur salut !, il a rappelé qu’une élection présidentielle « se joue dès le premier tour ». « C’est une des conditions ai succès et de la réussite au lendemain du second tour », a-t-il ajouté, sous-entendant que DSK n’était peut-être pas celui qui remplissait le mieux ces conditions.

Il faudra attendre le 13 juillet, au plus tard, pour savoir si DSK se lance vraiment dans la compétition. En attendant, il faudra surveiller les activités de la cellule de communication d’Euro-RSCG pour savoir, comme le dit Jean-Christophe Cambadélis, premier lieutenant du patron du FMI,  quand DSK remettra « un euro dans le billard »

 

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08 février 2011
par Olivier Schmitt
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Martine Aubry s’entretient avec une responsable du Centre catholique contre la faim et pour le développement lors de la marche d’ouverture du 11e Forum social mondial à Dakar le 6 février. (Photo o/s)

Tandis que Dominique Strauss-Kahn gère à Washington la sortie de crise mondiale, Martine Aubry, sa principale rivale à l’élection présidentielle au sein du Parti socialiste, est à Dakar, au Sénégal, depuis le 5 février et jusqu’à jeudi soir. L’un est aux manettes de la mondialisation, l’autre au contact des altermondialistes, une sorte de grand écart qui dit, selon les points de vue, la diversité des talents au PS ou deux engagements distincts qu’il faudra bien un jour départager. Le jour n’est pas venu et ce n’est pas en terre africaine que la première secrétaire dira si oui ou non elle est candidate à la primaire socialiste.

En attendant le mois de juin, donc, la patronne du PS affiche sa différence, à moins que ce ne soit sa préférence: le terrain, les expériences concrètes, les artistes, les responsables politiques, bref, la substance du 11e Forum social mondial (FSM), un rendez-vous qu’elle n’avait jamais inscrit sur son agenda jusque-là. Elle est venue, si on ose dire, en nombre, flanquée de son plus proche conseiller, Jean-Marc Germain, de son numéro 2, Harlem Désir, de son porte-parole, Benoît Hamon, et d’un nombre chaque jours grandissant de secrétaires nationaux dont Jean-Christophe Cambadélis, proche de DSK, qui s’amuse manifestement assez d’être là, oeil de Washington, sorte de Raminagrobis qui n’en perd pas une miette.

Familière de l’Afrique noire, amoureuse des arts premiers, plusieurs fois arpenteuse des terres sénégalaises, maliennes ou Burkinabe, Martine Aubry a consacré les premières heures de son séjour aux artistes, dans le sillage de l’immense Ousmane Sow, dans tous les sens du terme, plasticien du haut du panier - beaucoup se souviennent de ses sculptures présentées sur la passerelle des Arts à Paris il y a quelques années - et homme à la stature impressionnante. Lundi matin, à la première heure, elle avait rendez-vous avec celui qui est devenu une figure mythique de l’altermondialisme, puis de la mondialisation tout court, Lula, l’ex-président brésilien.

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Le plasticien Ousmane Sow présente à la première secrétaire du PS les photographies du Sénégalais Samuel Fosso à l’Institut français de Dakar. (photo o/s)

La conversation de près d’une heure a porté sur la situation des deux pays, sur le G 20 mais aussi la constatation que le Parti des travailleurs et le PS n’avaient pas de lieu commun où dialoguer ensemble, Lula ayant toujours refusé de rejoindre l’Internationale socialiste. Il a pourtant souhaité que le PS soit en mesure de rassembler la gauche lors de l’élection présidentielle de 2012 et n’a pas caché qu’après Dilma Rousseff au Brésil, il verrait bien une femme présider aux destinées de la France. Son sourire s’adressait à Martine Aubry, pas mécontente de la tournure de leur rencontre, soigneusement mise en scène pour les caméras de la télévision et les photographes. Au chapitre des rencontres politiques, jeudi au plus tard, elle devrait avoir un entretien avec le président sénégalais, le très libéral Abdoulaye Wade, qui entend se présenter en 2012, à l’âge de 86 ans, pour un troisième mandat que sa constitution lui interdit. Séjournant au Sénégal, Martine Aubry trouverait “très impoli” de ne pas rencontrer le président Wade et en profitera pour discuter avec lui de la crise que traverse aujourd’hui le Sénégal, énergétique et agricole surtout. Manière encore de dire son rang.

Le déjeuner de lundi fut consacré à discuter avec les principaux responsables du Parti socialiste sénégalais, au premier rang desquels deux personnalités qui devraient dans quelques semaines se départager à la faveur d’une primaire fermée (réservé aux quelque 300 000 membres du PSS): le cadet et maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, et l’aîné et secrétaire général du parti, Ousmane Tanor Dieng. Sombre bilan partagé des années Wade et l’espoir que la révolution tunisienne et le soulèvement égyptien convaincront le président Wade et son fils de renoncer à concourir l’année prochaine.

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Le chanteur et producteur Youssou N’Dour et Martine Aubry dans les studios de TFM (photo o/s)

Après-midi plus légère pour la délégation socialiste qui s’est rendue dans les studios de TFM, la nouvelle chaine de télévision de la plus grande star sénégalaise, Youssou N’Dour. Tutoiement, embrassades, le chanteur et producteur sénégalais et la maire de Lille se connaissent bien, s’apprécient, et le montrent ! Joli moment de détente à la faveur d’un détour impromptu sur le plateau, en direct, du très populaire humoriste Kothia. Entre deux imitations savoureuses du président Wade, il a invité Martine Aubry à le rejoindre devant les caméras et s’est lancé dans une charge contre Michèle Alliot-Marie - en substance: “De là-haut, elle n’a pas vu ce qui se passait en bas” - qui enchante la première secrétaire du PS. Quelques instants plus tard, elle sera autrement sérieuse pour répondre au journaliste vedette de TFM sur la situation au Sénégal et les raisons de sa présence au Forum social.

La soirée devait s’achever dans un des restaurants les plus huppés de Dakar, sur la corniche est, à la table de plusieurs figures de la défense des droits de l’homme au Sénégal. Face à Martine Aubry, Fatou Kine Camara, juriste de renom, qui se définit elle-même comme féministe activiste. Elle est célèbre pour ses exégèses du droit négro-africain et aussi pour l’appel qu’elle a lancé, en 2009, en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal. Manifestement, les deux femmes ont pris plaisir à confronter leurs expériences.

Dans la journée de mardi, Martine Aubry devait participer à un atelier du FSM consacré à l’eau avant de prononcer, mercredi, le discours d’ouverture d’un séminaire organisé conjointement par la Fédération Jean-Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes. Chacun se souvient ici des discours prononcés avant elle par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Il sera certainement question dans le sien de la métamorphose de l’Afrique et de ses liens difficiles avec l’Europe et la France. Après avoir mis de l’ordre dans son parti, avant de partir en bataille pour la présidentielle, à une place qu’elle n’a pas encore choisie, Martine Aubry peaufine son image de femme de gauche, au centre de la gauche même, ouverte aux préoccupations du monde, l’autre monde, l’ “autre monde possible” cher aux altermondialistes.

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10 janvier 2011

Par Olivier Schmitt
Ce devait être la cérémonie de l’unité retrouvée des socialistes en mémoire du seul d’entre eux à avoir été élu président de la République sous la Ve. Jarnac, le samedi 8 janvier, fut seulement une étape dans la préparation de la primaire socialiste. Dans un grand entretien paru le même jour à la “une” du Monde, Ségolène Royal s’inscrivait, non sans panache, dans la filiation du grand disparu et annonçait son “envie” de lui succéder. Dans le train qui la ramenait à Paris, Martine Aubry, la première secrétaire, lui répondait qu’elle entendait se tenir à l’écart de la “politique spectacle”.

Parmi les candidats déclarés à la primaire, seul Arnaud Montebourg était présent et fut discret. Manuel Valls avait expliqué deux jours plus tôt, dans Le Monde, qu’il ne viendrait pas, préférant faire vivre l’héritage de Clémenceau et de Mendès-France à celui de François Mitterrand. Quand à Dominique Strauss-Kahn et ses amis, ils se firent porter pâles, de même que les anciens premiers ministres du défunt, désireux de rester à l’écart de la compétition des prétendants. Il est vrai que la présence de DSK aurait été aussitôt interprétée comme un acte de candidature, ce que son statut à la tête du FMI lui interdit.

On devrait en savoir plus sur l’agenda socialiste dès demain, à l’issue d’une réunion tenue l’après-midi Rue de Solférino, pour préparer la primaire. Il semble que la direction du parti pourrait proposer de délayer encore la date de clôture du dépôt des candidatures de juin à septembre. Cela permettrait de laisser la plus grande marge de manœuvre possible à DSK qui devrait être fixé sur la possibilité de sa reconduction à la tête du FMI au-delà de 2012 en septembre.

“Code de bonne conduite”

Le délai, voulu par Martine Aubry et ses alliés strauss-kahniens, ne sied pas aux trois “grands” candidats déclarés, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg et Manuel Valls. On les comprend. Le PS, en décidant de cette primaire préalable au premier tour de la présidentielle – différence fondamentale avec les primaires américaines qui ont justement pour but de déblayer le terrain avant l’élection qui se joue là-bas sur un seul tour –, a pris le risque de la cacophonie. Plus celle-ci sera courte, mieux cela vaudra pour le(a) candidat(e) finalement désigné(e).
Quoi qu’il arrive, on attend de lire avec impatience le “code de bonne conduite” qui doit lier les candidats à la primaire par un pacte de non-agression et qui sera chargé de s’assurer qu’il est respecté.

Il sera aussi intéressant de voir de quelle manière les candidats seront liés au programme du parti qui doit être voté au printemps à l’issue d’une “convention des conventions” qui s’annonce… sportive. A ce moment-là, il faudra concilier les propositions venues de tous les courants du parti, de Manuel Valls à Benoît Hamon, et les chiffrer. Si les socialistes y parviennent sans trop de bisbilles, le plus dur restera pourtant à faire : lier le(a) candidat(e) issu(e) de la primaire à ce programme.

C’est encore une différence avec le modèle américain choisi par le PS. Là-bas, le Parti démocrate n’est essentiellement qu’une machine électorale qui a pour mission de désigner les candidats à toutes les élections et de lever des fonds. De programme véritable, point. Seulement quelques orientations d’ordre général qui sont le socle de la doctrine du parti depuis le milieu du XIXe siècle. Ce sont les candidats et leurs entourages qui rédigent les programmes locaux, régionaux et fédéraux.

“Boîte à outils”

On peut ainsi d’ores et déjà gager que le programme du PS ne sera au mieux que ce que Ségolène Royal appelle une “boîte à outils” dans laquelle pourront piocher les prétendants qui, tous, parallèlement, à l’exception de Martine Aubry et DSK à ce jour, élaborent ces jours-ci leurs propres plates-formes électorales.

Manuel Valls, dit-on, prépare un livre où il exposera, dans quelques semaines, sa vision d’une présidence dont la valeur première sera l’autorité ; Ségolène Royal, par l’entremise de ses universités populaires et ses réseaux d’intellectuels, s’apprête à remettre le couvert de l’”ordre juste”, quel que soit le nom qu’elle lui donnera ; Arnaud Montebourg, dans son livre-programme intitulé Des idées et des rêves, a présenté cent propositions, souvent détonantes de la ligne officielle du parti, comme celles concernant un nouveau protectionnisme au frontières, afin de préparer la VIe République qu’il appelle plus que jamais de ses vœux. On voit mal de telles personnalités remiser aux rayons des accessoires des convictions et donc des propositions qu’ils forgent depuis des mois, voire des années.

La confrontation de ses plates-formes sera, quoi qu’il arrive, plus intéressante que la bataille des égos à quoi sont réduits aujourd’hui les pré-candidats socialistes à la présidentielle, faute de calendrier et de mode d’emploi.

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23 décembre 2010

 

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photo Jean-Claude Coutausse pour Le Monde
Par Sophie Landrin

Comment reconquérir l’électorat ouvrier ? La question taraude le PS qui observe avec inquiétude la percée de Marine Le Pen à l’extrême droite et celle de Jean-Luc Mélenchon à l’extrême gauche. Ségolène Royal comme Martine Aubry ont repris le chemin des usines, ces dernières semaines. La présidente de Poitou-Charentes, déjà candidate déclarée aux primaires socialistes, a choisi le terrain des luttes sociales, présente aux côtés d’anciens salariés de LU ou de Lejaby, victimes des délocalisations. La première secrétaire du PS, qui n’est pas encore candidate, a préféré mettre la lumière sur un exemple de relocalisation à Calais et parler de politique industrielle. Derrière les nuances, l’approche est identique : ne pas laisser Marine Le Pen prospérer sur le terrain de la désindustrialisation.

Dans le TGV qui la ramène, mercredi 23 décembre, de Valence, Ségolène Royal demande à son directeur de cabinet de lui dresser une cartographie des conflits sociaux. Elle rentre d’une visite à l’usine Lejaby, au Teil, en Ardèche, qui fermait le jour même. Le groupe autrichien Palmers, qui a racheté l’entreprise en 2008, a décidé de délocaliser la production en Tunisie et en Hongrie.

La candidate, qui se veut la porte-parole de la « France qui souffre et se bat », comprend qu’elle arrive après la bataille. « On ne vient pas quand le combat est fini », lance, en guise d’accueil, la déléguée syndicale CFDT, Arlette Bouchet. Au terme d’une heure trente de discussion, Mme Royal  parvient à retourner la situation et à proposer ses services pour aider les salariés à reprendre l’activité en créant une Scop. Elle plaide pour l’instauration de nouvelles règles européennes contraignantes : « La lingerie n’est pas un marché qui recule. Il n’y a aucune raison de délocaliser, aucune raison de sacrifier nos usines. Nous devons instaurer des freins aux délocalisations, en obligeant les entreprises à rembourser les aides publiques et en interdisant aux entreprises qui délocalisent et qui réimportent d’utiliser la marque ».

Mais l’amertume des ouvrières sur les politiques est patente. Une semaine auparavant, le 16 décembre, à Calais, dans l’usine Meccano où Martine Aubry s’était rendue, le scepticisme des salariés était identique. Alors que la première secrétaire promettait la constitution d’un « pôle public d’investissement » pour soutenir l’industrie, Pierre, un ouvrier de 58 ans qui rencontrait la maire de Lille pour la première fois, avait confié : « Les politiques, je n’y crois plus. »

Comment parler à l’électorat populaire ? Pour Martine Aubry, « parler des cassures, de l’accroissement des inégalités, proposer de vraies réponses, c’est une façon de lutter contre le FN ». « La droite a fourni au FN une légitimation en se mettant sur son terrain, explique-telle, mais n’a pas réussi à lutter contre les inégalités. Au contraire, elle les a accrus. Résultat, l’impression d’abandon est considérable. Le risque c’est que les gens intériorisent la crise et pensent qu’il n’y a rien à faire.» La première secrétaire du PS est persuadée « qu’en allant vers les gens pour leur dire ce que l’on va faire, le PS peut encore convaincre qu’un autre modèle de société, est possible ».

Pour  Ségolène Royal  « le PS n’a pas réussi à donner un débouché politique au mouvement social contre les retraites. Il y a de bonnes choses dans le projet économique du PS mais elles sont passées inaperçues ». Pour la candidate, qui entend promouvoir la « politique par la preuve », les socialistes ne gagneront pas le pari de la crédibilité tant qu’il ne sera incarné par un candidat « C’est un boulevard pour le FN qui a un leader, un projet, une ligne », soutient-elle.

 

 

 

 

 

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05 décembre 2010

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Photo : Philippe Grangeaud /Solfe communications

Par Olivier Schmitt

Dans un entretien au Journal du Dimanche, tenu à Lille le 3 décembre et publié le 5 décembre, la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a clairement indiqué que le calendrier prévu pour les primaires de désignation du candidat ou de la candidate de son parti à l’élection présidentielle ne varierait pas: “feuille de route” en janvier (en clair: les règles des primaires, dans leur organisation comme dans leur financement, et la désignation d’un comité éthique en charge de vérifier la sincérité et le fair play de la compétition), déclaration officielle des candidatures en juin et vote ouvert aux militants du parti et aux sympathisants de gauche à l’automne. “Ce choix a une vraie cohérence politique, explique Martine Aubry. Les primaires vont entraîner un immense mouvement de mobilisation des Français qui doit nous accompagner jusqu’à la victoire. Je ne vois aucune raison, sauf l’impatience de l’un ou l’autre, de changer ce calendrier que les militants ont voté et que la grande majorité des dirigeants socialistes approuve.”

Sortant de son silence depuis son intervention sur France 2 il y a dix jours, la première secrétaire ajoute sans surprise que, pour ce qui la concerne, elle annoncera sa “décision personnelle en juin, comme notre calendrier le prévoit”. “Pour moi, déclare-t-elle, les choses sont simples. Les socialistes qui pensent pouvoir diriger la France ont le droit d’être candidats aux primaires. Mais moi, en plus, j’ai un devoir: montrer aux Français qu’une autre France est possible, préparer la gauche à gagner en 2012 et à réussir après. C’est ce que les Français attendent de moi, et je m’y tiendrai. Le rôle du capitaine, c’est de tenir fermement la barre, de maintenir le cap et d’amener l’équipage à bon port; ce n’est pas de se laisser distraire par le clapotis des vagues”. Et tant pis si elle doit y laisser quelques plumes dans les enquetes d’opinion, comme il est apparu ces derniers jours (lire les articles précédents publiés sur le blog).

Dont acte. Ce que ne dit pas Martine Aubry, c’est que le choix de ne dévoiler ses cartes qu’au mois de juin accorde un délai raisonnable à son allié du congrès de Reims, Dominique Strauss-Kahn, pour prendre une décision définitive. Ce qu’elle ne dit pas non plus, c’est si elle est là pour “chauffer la place” en attendant le retour du directeur du FMI sur la scène politique française, comme l’a dit Caroline Fourest sur France 2 dans l’émission 13h15 le dimanche, ou si elle a elle-même l’ambition de se lancer dans le combat pour l’Elysée, ce dont nombre de ses camarades doutent, à dessein ou par conviction.

L’agenda personnel de Martine Aubry pour le premier semestre permettra d’y voir plus clair dans ses intentions. Mais on peut faire crédit à la première secrétaire de se tenir à une et une seule ligne depuis 2008: travailler, bâtir un projet d’alternance crédible et enfin entrer dans la bataille électorale. En première ligne ou pas. Les “impatients” qui manifestement l’agacent en seront pour leurs frais.

Une autre interrogation porte justement sur le projet alternatif du PS. Dans le cadre de la Ve République, qu’on le veuille ou non, une présidentielle se joue dans le dialogue d’un homme ou d’une femme avec les Français. Or le PS adoptera au printemps un programme. Selon Martine Aubry, il dira “ce que nous ferons dans les trois premiers mois après l’élection, ce que nous ferons dans le quinquennat et au cours de la décennie” et “les priorités seront affichées et bien sûr financées”. Certes, mais dans quelle mesure ce programme, adopté par les militants lors d’une “convention des conventions” au printemps, liera-t-il le ou la candidate ? Personne ne le sait aujourd’hui.

Si l’on se réfère au système américain des primaires, dont se sont inspirés les socialistes qui ont aussi scruté à la loupe les scrutins organisés par leurs partis frères en Grèce et en Italie, l’élaboration des programmes électoraux appartient non pas à la direction du Parti démocrate, qui a pour mission première d’organiser ces primaires et les levées de fonds pour les combats électoraux, mais aux équipes de chacun des candidats. Quitte à ces derniers, comme l’ont fait Barack Obama et Hillary Clinton, à les fusionner et à collaborer au sein de l’exécutif.

On pourrait donc bien voir dans les semaines qui viennent s’affiner parallèlement les programmes des candidats aux primaires (Ségolène Royal n’a pas encore “titré” ses propositions pour les primaires et son site, Désirs d’avenir, n’a pas été mis à jour depuis sa déclaration de candidature;  Manuel Valls, “A gauche, besoin d’optimisme” ; Arnaud Montebourg, “Des idées et des rêves”;Christian Pierret, “Rassembler les volontés pour que s’épanouissent les libertés”; Daniel Le Scornet, pas de site disponible à ce jour) et celui du Parti socialiste, paradoxalement rédigé par les “non candidats”, vrais ou faux. On voit mal par exemple un DSK ou un Manuel Valls s’enthousiasmer pour le texte adopté récemment sur “l’égalité réelle”…

Quoi qu’il s’écrive d’ici l’automne 2011, ce sont donc les électeurs des primaires qui, par leurs votes, clarifieront ces interrogations et mettront fin à ces atermoiements dont les socialistes se sont fait une marque de fabrique.

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