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Droit social

Les "impatriés" exemptés de cotisation vieillesse

LE MONDE ECONOMIE | 24.01.11 | 16h01

 

Il est une règle très simple en droit de la Sécurité sociale qui veut que toute personne qui exerce une activité professionnelle soit affiliée au régime obligatoire du pays dans lequel cette activité est exercée.

Ce "principe de territorialité" est inscrit dans le code français de la Sécurité sociale, sous réserve de l'application "des traités et accords internationaux ratifiés ou approuvés".

Seuls peuvent échapper (licitement) au paiement de cotisations et de contributions aux caisses de la Sécurité sociale, à Pôle emploi et aux caisses de retraite complémentaires obligatoires, les personnes qui, travaillant en France, peuvent justifier en être exemptées par l'application d'une convention bilatérale ou, dans le cas des pays membres de l'Espace économique européen (EEE) ou de la Confédération helvétique, du fait d'un règlement communautaire.

Cette situation, baptisée "détachement", permet, sous conditions, à une personne de travailler en France mais de continuer à cotiser au régime de son pays d'origine. Cette disposition est toutefois limitée dans le temps.

Le droit français connaît pourtant une curieuse règle de renonciation unilatérale partielle au principe de territorialité, inspirée du droit fiscal.

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 permet en effet à un salarié embauché dans une entreprise établie en France, "l'impatrié", de demander, ainsi que son employeur, à être dispensé d'affiliation à l'assurance vieillesse de base, à ne pas payer de cotisations sociales pour ce risque, et cela pendant au maximum six ans.

Cette mesure ne concerne toutefois que les salariés étrangers non visés par une convention bilatérale ou le règlement communautaire.

DISSUASIVE COMPLEXITE

Ce serait par exemple le cas de salariés qui viendraient d'Inde, tant que la convention bilatérale entre la France et ce pays n'est pas entrée en vigueur. De tels personnels devraient de plus justifier d'une assurance vieillesse, ne pas avoir été affiliés au cours des cinq années précédant la demande à un régime vieillesse français ou à celui d'un autre Etat de l'EEE ou de la Suisse.

Cette dernière condition est atténuée pour des "activités accessoires", de "caractère saisonnier" ou liées à des études.

Autre exigence, tout aussi difficilement contrôlable par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) : le salarié doit avoir été présent au moins trois mois dans l'entreprise étrangère avant de prendre ses fonctions en France...

Cette complexité est certainement dissuasive. Tout comme la décision des partenaires sociaux gestionnaires de régimes de retraite complémentaires obligatoires, Arrco et Agirc, de ne pas appliquer cette mesure d'exemption.

On a donc du mal à saisir le sens de cette règle, appendice de dispositions fiscales attractives, mais sans équivalent à l'étranger. Facilite-t-elle la mobilité internationale intragroupe ? Attire-t-elle "les hauts potentiels" vers notre pays ? On peut en douter : seul joue "l'effet d'aubaine" pour l'employeur d'un cadre étranger muté en France et déjà couvert par un fonds de pension transnational.

Malgré la réforme des retraites motivée par les "difficultés financières" de l'assurance vieillesse, malgré l'annonce d'un rabotage des niches fiscales et sociales, cette curieuse dérogation légale à la solidarité nationale subsiste...

Une du "Monde Economie" daté du mardi 25 janvier 2011.

Une du "Monde Economie" daté du mardi 25 janvier 2011.DR

Francis Kessler, maître de conférences à l'université Paris-I
 

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