25 mars 2011

Pour les physiciens, le gaz est élastique. Pour les économistes, il n’a aucune élasticité. Si je me chauffe au gaz, il m’est très difficile de choisir une autre source d’énergie quand son prix augmente. Le consommateur se trouve captif compte tenu des coûts attachés à son choix. C’est pour cette raison que GDF Suez peut réclamer et obtenir une augmentation du tarif du gaz payé par le consommateur de 5 % au 1er quand le prix du gaz à la production baisse partout dans le monde.

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La formule applicable en 2011 est publique, mais la CRE reste inutilisable pour le grand public qui n’a pas accès au prix du gaz TTF.

Un choc pétrolier à rebours

Il faut être assis pour comprendre cette histoire très française. Le prix du gaz dans le monde baisse partout, très vite et beaucoup. L’irruption des gaz non conventionnels (1) a bouleversé le marché du gaz provoquant un choc pétrolier à rebours. En 1973, l’Opep annonçait un embargo contre les pays occidentaux soutenant Israël, provoquant un quadruplement du prix du pétrole.

Les réserves de gaz de schiste sont telles que le prix du gaz aux États-Unis a été divisé par quatre en deux ans. De 30 dollars le MBTU en 2008, il est tombé à 8 $ en 2010 et se négocie actuellement aux alentours de 5 $. En quelques mois, L’Agence mondiale de l’énergie estime que 314 Tm3 de réserves de gaz non conventionnel sont venus s’ajouter aux 471 Tm3 de réserve de gaz conventionnel. Au rythme actuel, la production pourrait durer 250 ans. Cela donne un peu de temps pour voir et réfléchir.

Il y a donc du gaz en abondance un peu partout dans le monde. Les États-Unis disposeraient de 60 Tm3 de réserves de gaz non conventionnels contre 7 Tm3 de gaz classique. L’Europe aurait dans son sous-sol 35 Tm3 de gaz non conventionnels. Les gros bassins se situeraient en Pologne, en Ukraine, dans le nord de l’Allemagne et en France (Bassin parisien, Bourgogne, Pyrénées).

Gentils gaziers, méchants pétroliers

Bref, il y a du gaz en veux tu en voilà et son prix devrait logiquement baisser. Alors pourquoi grimpe-t-il ? Parce que son prix est attaché à celui du pétrole ! Les raisons de cet attachement gaz/pétrole apparaissent comme politiques, historiques (2)… mais en aucune manière économiques. Dans les années 70, le cartel de l’Opep organise le marché du pétrole pour que les pays producteurs contrôlent le prix à la production. Pourquoi pas ? Les groupes pétroliers forment à leur manière un cartel et imposent leur loi. Les producteurs de gaz vont saisir l’occasion de profiter de la puissance de l’Opep sans jamais apparaître comme des « méchants ». Le prix du gaz est désormais lié au prix du pétrole, à la hausse comme à la baisse. La dernière baisse du prix du gaz n’est pas si ancienne puisqu’elle date de 2009. Mais depuis deux ans l’absurdité de lier l’un à l’autre paraît évidente avec l’apparition des gaz « non conventionnels ».

En France, on a même construit un organisme et un indice pour attacher le prix du gaz à celui du pétrole. L’organisme s’appelle la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Elle est là pour vérifier que les conditions de la concurrence se mettent en place dans les domaines du gaz et de l’électricité, au bénéfice du client final. L’État sorti du jeu à la demande de Bruxelles qui travaille à l’instauration d’un marché européen, il n’était pas possible de laisser des entreprises comme EDF ou GDF fixer seuls leur prix.

Transparence censitaire

Soit, alors comment faire ? Et bien aussi incroyable que cela puisse paraître on a demandé à GDF, devenu GDF Suez après sa fusion avec le groupe industriel franco-belge, de présenter une équation qui permette à tout le monde de prévoir l’augmentation du prix du gaz à la consommation. On a commencé avec une équation qui liait à 100 % l’évolution du tarif du gaz pour le consommateur français, aux mouvements des prix des produits pétroliers. L’équation validée par les pouvoirs publics devait être vérifiée par la CRE.

Comme la ficelle paraissait un peu énorme, la formule a été révisée à la fin de l’année dernière. Le prix du gaz négocié au jour le jour à Rotterdam a fait son apparition dans la nouvelle version, sans pour autant bouleverser la donne puisque les produits pétroliers (fioul lourd, fioul léger et Brent de la Mer du Nord) pèsent toujours pour 80 % de la baisse ou de la hausse.

A ce propos, si la formule est publique les moyens pour effectuer le calcul sont inaccessibles. On peut parler de transparence censitaire. C’est transparent, mais pas pour tout le monde. Il faut en avoir les moyens. Tout le monde peut multiplier l’évolution moyenne sur six mois du prix du fioul domestique coté à Rotterdam par 0,01642. Il faut un peu de patience, mais il n’y a pas d’obstacle. Idem pour le fioul lourd (0,02244), ou le Brent (0,05384). Les données se trouvent, entre autres, sur le site de l’Union française des industries pétrolières (UFIP). Le cours de l’euro par rapport au dollar est aussi parfaitement public. Mais demandez à connaître le prix du gaz au jour le jour aux Pays-Bas (TTF). Là, il faut s’abonner à une base de données à vous ruiner un blogger. Cela revient à dire tout le monde a accès à la formule et personne ne peut l’utiliser que GDF Suez.

4 % d’augmentation des salaires dans l’énergie

Arrivez là, c’est à dire à l’augmentation mathématique irréprochable du 1er avril, on peut se poser la question fâcheuse. Pourquoi faut-il faire peser une hausse de 5 % du prix du gaz sur le consommateur ? Là encore, la réponse risque d’être politique et économique. Marcel Boiteux, ancien président d’EDF, économiste et mathématicien, avait justifié, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la constitution de monopoles dans un pays comme la France. Impossible de financer les investissements extrêmement lourds de plusieurs producteurs d’énergie compte tenu de la taille du marché. L’idée est excellente puisqu’elle permet à la France d’avoir, en 2011, deux champions de taille mondiale : EDF et GDF Suez.

Mais le problème des monopoles est qu’il privilégie deux acteurs économiques : les salariés et les actionnaires. Mécaniquement, les consommateurs et les contribuables.Ça n’est ni bien ni mal, c’est ainsi. Et en l’occurrence ce constat s’applique parfaitement à ce qui va se produire le 1er avril : +5 % d’augmentation. Un chiffre à mettre en parallèle avec les 3,95 % d’augmentation des salaires obtenus pour 2011, après 4,4 % en 2010, par les salariés des industries de l’énergie.

PhDx

(1) On compte trois types de gaz non conventionnels : le gaz de schiste (49 % des réserves connues de gaz non conventionnels), le gaz de réservoir sableux compact (23 % des réserves), le gaz de charbon (28 % des réserves). Ils contiennent les mêmes molécules de méthane que le gaz naturel, mais nécessitent la mise en œuvre de moyens sophistiqués pour les récupérer.

(2) Un document de l’office suisse de l’énergie (Ofen) permet de comprendre les liens historiques du prix du pétrole et du prix du gaz. Cliquez ici.

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Commentaires

  1. Bonjour,

    Beaucoup de sensionalisme dans cet article, ainsi que de la mauvaise foi et/ou de la manipulation.

    D’abord concernant le prix du gaz qui “degringole@, evidemment si l’on se refert depuis 2008, ou les prix petroliers et gaziers etaient a leur plus haut historique (en grande partie a cause des investisseurs qui pensaient que ca ne s’arreterait jamais de monter). Maintenant si on regarde sur une plus grande echelle, le gaz est assez cher en ce moment, sauf effectivement aux USA a cause des gaz non conventionnels.Enfin, la presence de gaz non conventionnels en Europe ne veut pas pour autant dire un prix qui va etre divise par 2 (couts de production plus importants et il faut deja que ces projets soient lances, avec tous les risques environnementaux et politiques que ca implique).

    Concernant la formaule liant le prix de vente du gaz au prix du brut et autre produits petroliers, la encore l’auteur avec quelques recherches aurait pu eviter la “theorie du complot capitaliste”. La premiere raison de ce type de “pricing” est que, jusqu’a recemment, le prix du gaz de permettait pas l’exploitation de gisement de gaz. Le gaz que l’on consommait provenait donc en grande partie des gisements de petrole (qui contiennent egalement du gaz pour certains d’entre eux). Ainsi la production de gaz etait indexee sur celle du brut. Enfin, une autre raison est que les societes comme GDF Suez s’approvisionnent avec des contrats cadre sur de tres long termes (25 ans) et le prix d’achat de ce gaz est determine par une formule indexee sur les prix petroliers. Evidemment, depuis que le prix du petrole a augmenter de maniere tres importante ces contrats sont de veritables traquenards…

    Enfin le dernier paragraphe sur les salaries de cette industrie me semble legerement deplace, et bien dans la tendance d’aller denoncer son voisin…

    Desole pour les accents, clavier qwerty inside.

    My 2 cents

  2. “Le prix du gaz est désormais lié au prix du gaz”

    Au prix du pétrole, non ?

    (MàJ. Merci)

  3. @Adrien : RANTANPLAN !


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