La méritocratie, toujours érigée en idéal social par les politiques, est une notion remise en cause depuis quelques années par les sociologues. Dont Marie Duru-Bella notamment, qui écrivait déjà en 2006 L’inflation scolaire, les désillusions de la méritocratie et qui a dirigé la thèse de doctorat d’Elise Tenret soutenue en 2008 sur « L’école et la croyance en la méritocratie » à l’origine de son dernier ouvrage.
Jusqu’alors peu d’études sur la méritocratie ont abordé le problème de façon empirique.
Elise Tenret, sociologue de l’éducation et maître de conférences à l’université Paris-Dauphine a entrepris d’interroger 766 étudiants sur leur relation au mérite. Son enquête, réalisée en 2006-2007 dans l’académie de Caen, révèle que si les étudiants semblent encore «loin de s’être détournés du modèle méritocratique», ils rejettent l’idée qu’il ne repose que sur les études.
Alors, « à quoi bon être diplômé ? », interroge la chercheuse, provocatrice, dans le sous-titre de son livre.
Les étudiants savent le diplôme essentiel pour réussir dans la vie (à 45,5%) mais ne sont pas dupes de ce bout de papier.
Pour eux, il joue un rôle jugé trop important dans la recherche d’emploi (à 41,4%) d’autant qu’il ne reflète pas l’acquisition de compétences utiles dans le travail. La volonté, la motivation, la rigueur, la sympathie ou la capacité d’adaptation ne se lisent pas sur un diplôme et sont pourtant essentiels dans le milieu professionnel.
VOLONTE INDIVIDUELLE ET DETERMINATION
Pour ces futurs diplômés, la méritocratie, qu’ils défendent par ailleurs, ne doit pas se fonder sur la valeur du diplôme mais sur la volonté individuelle et la détermination.
Pourtant, malgré ce rejet, les étudiants s’accordent pour affirmer que le diplôme justifie un niveau de salaire plus élevé, considérant l’investissement en temps et en argent pendant les études comme suffisant pour légitimer un salaire. Ambivalence et cynisme de ces étudiants qui évoluent dans un monde moribond où règne la peur du déclassement social.
Aglaé de Chalus
“Les étudiants et le mérite. A quoi bon être diplômé ?”, par Elise Tenret. Collection Etudes & recherche, Observatoire de la vie étudiante/La documentation française, 158 pages, 18 euros.