08 avril 2011

Depuis plus de cinquante ans, on les croyait perdus, ou détruits. 2000 cartons d’archives contenant 8800 dossiers “sensibles”, emportés par l’administration britannique à la prise d’indépendance de ses colonies, vont enfin être déclassifiés par le Foreign Office (FCO) dans le cadre d’une procédure judiciaire qui vient rouvrir le sanglant chapitre de l’histoire coloniale du pays et risque fort de constituer un précédent.

Car ces milliers de pages qui constituent une source unique pour les historiens du colonialisme sont aussi celles qui exposent au grand jour les crimes et graves violations des droits humains commis par l’ancienne puissance coloniale. 1500 dossiers concernent en particulier la brutale répression de la rébellion Mau Mau au Kenya par l’armée britannique, et dont le soulèvement avait conduit en partie à l’indépendance du pays. Cette organisation, née dans le centre du Kenya dans les années 50 et principalement composée de membres de l’ethnie Kikuyu, avait pris les armes contre l’occupant anglais, provoquant l’instauration d’un état d’urgence en octobre 1952.

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Durant les quatre ans qui suivirent, l’administration coloniale réprima violemment le mouvement insurrectionnel, entraînant la mort de dizaines de milliers de Kenyans, parmi lesquelles figure notamment le grand-père du président américain Barak Obama. Des milliers d’autres ont été emprisonnés dans des camps et soumis à des violences extrêmes dont les preuves sont consignées dans les dossiers du Foreign Office : exécutions arbitraires, torture, abus sexuels, castrations, travaux forcés, privations de toutes sortes…

Selon la Commission des droits de l’homme kenyane, 90 000 Kenyans ont ainsi été exécutés, torturés ou mutilés durant la répression, tandis que 160 000 ont été détenus dans des conditions épouvantables. Quatre victimes survivantes, trois hommes et une femme âgés de 70 à 90 ans, demandent aujourd’hui réparation au gouvernement britannique pour les violences qu’elles ont subies, et c’est dans le contexte de ce procès, qui s’est ouvert hier devant la Haute Cour de justice de Londres, qu’a été autorisée la déclassification de ces archives.

Quelle que soit la suite qui sera réservée à cette plainte, il reste dans les cartons du ministère d’autres documents potentiellement explosifs qui concernent trente-sept anciennes colonies britanniques, parmi lesquelles Chypre, la Malaisie, la Jamaïque, le Nigéria, l’Ile Maurice, la Palestine, la Sierra Leone, l’Ouganda… Beaucoup pourraient mener, selon l’expression du Times, à la découverte d’autres “squelettes dans le placard” et conduire à de nouvelles et embarrassantes révélations sur la période coloniale britannique.

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Commentaires

  1. si la france avait le courage, elle aussi, de sortir ses “squelettes du placard”……

  2. Quand seront déclassifiées les archives des Troubles en Irlande du Nord, il risuqe d’y avoir des surprises pour les non-initiés.
    Toutes les saloperies qu’on faites les Brits dans leurs colonies ont d’abord été ‘testées’ dans la permière des colonies britanniques, l’Irlande.
    Même les camps de concentration, dont la vulgate date l’invention de la guerre des Boers et de Kitchener, ont été ouverts en Irlande - sous Cromwell, les prêtres catholiques ont été regroupés sur Innishboffin, une île à l’ouest de l’ouest de l’Irlande. S’ils s’avenuraient à l’est d’une mince langue de terre côtière, ces mêmes prêtres étaient mis à mort sur ordre du Lord Protector ou du Général Ireton, son homme de main.
    On a beau ne pas apprécier les soutanes…

  3. Il faut reconnaitre que les anglais ont été les plus inventifs :
    - Déportations de masse avec les Acadiens
    - camps de concentrations en Afrique du sud voire avant comme dit ci-dessus
    - guerre pour obliger un pays à consommer la drogue venant d’une autre colonie (opium, Chine , Inde )
    - Génocide - L’Angleterre alors pays de loin le plus riche du monde laisse mourir de faim des millions d’irlandais. La maladie de la pomme de terre frappe toute l’Europe, par exemple la Bretagne très pauvre, mais seul les Irlandais sont décimés alors que des bateaux chargés de blé continue à quitter leur ïle. Lois du marché déjà impitoyables.
    - Sans oublier les sinistres pontons d’incarcérations des guerres Napoléoniennes

  4. Quand accèdera-t-on enfin aux archives de Jules César et de sa guerre des Gaules ? Il serait temps qu’on se préoccupe des graves violations des droits des gaulois de l’époque !

  5. Oh, oh, n’oubliond pas le Canada. Souvenons-nous de nos patriotes, de nos femmes patriotes aussi

    http://ysengrimus.wordpress.com/2010/10/15/le-quebec-occupe-soixante-dix-ans-apres-sa-conquete-par-l%E2%80%99empire-britannique-dans-le-regard-d%E2%80%99une-bourgeoise-du-temps-1832-1838/

    Et surtout, n’oublions jamais la cruciale dimension de classe de toute cette affaire historique.
    Paul Laurendeau

  6. Bien fait, et ca leur fera la peau à ces arrogants voyoux. Aujourd´hui ils sont bien sages sur leur petite île et ils auraient jamais du en sortir. Et comment peut-on prononcer le mot civilisé avec des exactions ordurières pareilles?

    Quelle honte!

  7. Bien fait! Les voyous d´hier se feront taxer de voyous criminels aujourd´hui et non pas de “maîtres”.

  8. Il n’est jamais trop tard pour que la vérité éclate mais dommage que ces révélations n’aient pas eu lieu plus tôt.

    Parfois j’adorerais que l’enfer existe et si je le pouvait je le créerait.

  9. Il est symptomatique que la première réaction soit une ode au “courage” britannique dont la France ferait bien de s’inspirer. Amusant !
    Les Britannique ont toujours présenté leur période coloniale comme une colonisation douce, préférant le dialogue à la violence et qui le moment venu aurait eu la sagesse de partir sans sombrer dans les errements des guerres coloniales. La réaction de Pavlov consistant à systématiquement critiquer la France sous prétexte qu’elle en dit trop ou pas assez est hélas la manifestation d’un puissant embrigadement idéologique, souvent doublé d’une certaine paresse intellectuelle.

  10. “les camps de concentration, dont la vulgate date l’invention de la guerre des Boers et de Kitchener, ont été ouverts en Irlande - sous Cromwell, les prêtres catholiques ont été regroupés” (Bloom)
    “les anglais ont été les plus inventifs : (…) camps de concentrations en Afrique du sud voire avant comme dit ci-dessus (brevant)
    Le problème est que tout cela est doublement faux. D’une part les regroupements (temporaires) de prêtres catholiques ne sauraient se comparer à l’enfermement massif de populations civiles (femmes, enfants compris) - j’ajoute que de façon générale et à l’échelle Européenne, si les Protestants n’étaient pas (si j’ose dire) des enfants de choeur, les méthodes “catholiques” étaient autrement plus sanglantes. D’autre part et contrairement à une légende solidement établie, les Britanniques ne sont nullement les inventeurs des camps de concentration, ce sont les Espagnols à Cuba pour mater une rébellion très majoritaire. Archives et presse britanniques regorgent d’ailleurs de références à l’expérience espagnole, qui était alors toute fraîche. Le problème pour l’image des Britanniques, c’est que tout le monde hormis les Américains se contrefichait de ce qui se passait à Cuba, alors que le drame des Boers déchaîna les passions à l’échelle mondiale (il est vrai que le RU était alors la première puissance mondiale et était vue un peu comme les USA de nos jours, suscitant les vocations des donneurs de leçons et autres poseurs aimant à se faire passer sans trop de risques pour des rebelles face au géant au pouvoir).


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