05 avril 2011

“Le Monde Economie” du mardi 5 avril consacre 3 pages aux “Jeunes diplômés”, à l’occasion de la publication - en exclusivité - du “classement Universum 2011 des employeurs préférés des diplômés des grandes écoles ” (dont le blog du “Monde Economie” fournit l’intégralité des classements).

Vous trouverez ici la version “non réduite” d’un article (”L’originalité, un pari risqué pour les jeunes postulants”) de ce dossier.

C’est l’obsession d’un nombre croissant de jeunes diplômés: faire entendre aux recruteurs une petite musique différente de celle portée par le flot des candidats. CV ou garde-robe font l’objet d’une réflexion appuyée pour attirer l’œil des entreprises. Mais en la matière, l’originalité semble un pari risqué.

C’est ce qu’on appelle « Faire un coup ». En 2009, Étienne Grandin termine son MBA Management des communications d’entreprise à l’ISC Paris.

D’ici quelques semaines, il va devoir faire un saut dans l’inconnu, en l’occurrence le marché de l’emploi. Il sait qu’il sera forcément un anonyme au milieu d’une cohorte de jeunes diplômés. Il a alors une obsession en tête : se démarquer.

C’est là qu’il va avoir une idée lumineuse : l’étudiant propose… de vendre son front à des annonceurs. L’idée peut sembler saugrenue, elle ne va pas moins provoquer un véritable buzz, assurant à l’intéressé des retombées médiatiques au-delà de ses espérances. Des missions lui seront proposées et il trouvera rapidement dans la foulée un emploi de chargé de communication. « Je voulais me démarquer et apporter les preuves de ce que je savais faire », résume-t-il. Le culot a payé.

Le recrutement des jeunes diplômés est aujourd’hui en souffrance. Parce que les entreprises privilégieraient, dans de nombreux secteurs, des profils expérimentés mais aussi parce que ces nouveaux venus se retrouvent en concurrence avec les promotions 2008 et 2009 elles aussi fragilisées par la crise.

Certains postulants tentent donc de se démarquer pour l’emporter. Recours à des coachs, réflexion sur leur style, mise au point de CV iconoclastes : les techniques sont multiples. Les résultats plus incertains.

Car le cas d’Etienne Grandin est un peu l’arbre qui cache la forêt. Face à des recruteurs, l’originalité est en effet un art des plus délicats à maîtriser. « Employée à tout crin, elle peut fortement déplaire », prévient Manuelle Malot, directrice Carrière et prospective à l’Edhec.

LES CV VIDEO PEUVENT DESSERVIR LES CANDIDATS

Surtout, la faute de goût constitue en la matière, un danger de tous les instants. C’est ce qui est par exemple arrivé à un jeune responsable informatique en 2007. En recherche d’emploi, il a posté un CV vidéo sur Internet. Allure faussement décontractée, discours très « premier degré » : il est devenu en quelques jours la risée du Web. Son nom s’affichant même sur Internet comme une référence en terme de prestation ratée.

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« Les CV vidéo peuvent vraiment desservir les candidats, confirme Jacques Froissant, à la tête du cabinet de recrutement Altaide et spécialiste des nouvelles technologies. Ils sont souvent plutôt mal faits. La quasi-totalité d’entre eux n’apportent rien ».

C’est pourtant l’un des outils que tentent d’apprivoiser certains jeunes diplômés cherchant à se démarquer. « Un tel CV demande un temps de visionnage que n’aura pas le recruteur, note également Manuelle Malot. Dans le cadre d’un premier tri de candidatures, cela n’aura pas de sens ».

Un millier de CV peut en effet parvenir aux services de ressources humaines d’une grande entreprise suite à la diffusion d’une offre. Seuls quelques cas d’exception ont donc pu l’emporter grâce à une vidéo accrocheuse, dans des secteurs très spécifiques où la créativité du candidat importe (publicité, communication…).

La prime à l’originalité varie d’ailleurs considérablement d’une filière à l’autre. Si Étienne Grandin et son front à vendre ont pu séduire, c’est parce que le monde de la communication pouvait se prêter à pareille audace, et même croire y déceler une personnalité prometteuse.

C’est loin d’être une règle générale. « Je ne vois pas un juriste capter l’attention de son recruteur par un excès d’originalité, résume Alain Gavand, PDG d’alain Gavand Consultants, société de conseil en recrutement. Lorsqu’un consultant étudie des CV d’auditeurs ou d’ingénieurs telecom, il va surtout se concentrer sur quelques idées clés : une connaissance spécifique, une compétence à partir d’un type d’école ou de stage, des éléments d’internationalisation du profil, des données linguistiques… Et peu d’éléments formels ».

Le classicisme des candidatures serait donc recherché dans la plupart des secteurs. « Il faut adapter ses réponses à la société qui les pose, résume Manuelle Malot. Le jeune diplômé doit considérer l’offre comme un véritable appel d’offre avec un cahier des charges à remplir ». L’expression est d’autant plus justifiée que la plupart des grandes entreprises demandent désormais aux postulants de remplir de véritables dossiers en ligne, pouvant exiger une quinzaine d’heures de travail. Une telle pratique limite considérablement toute tentative d’originalité.

PRATIQUE DES RESEAUX SOCIAUX

Se démarquer n’est donc pas chose aisée pour les jeunes diplômés. D’autant que lorsqu’on demande aux conseillers en recrutement quelles sont les pistes innovantes et judicieuses pour un candidat, ils ne désignent désormais que la pratique des réseaux sociaux. Problème : la génération entrant sur le marché de l’emploi est rompue à l’usage de tels sites.

Le contact direct et privilégié avec des membres des entreprises inscrits sur Viadeo ou LinkedIn est donc recherché par des milliers des prétendants… De quoi limiter considérablement l’impact supposé différenciant d’une implication sur ces réseaux. « Les sociétés se structurent en conséquence, indique Alain Gavand. Des e-recruteurs recensent les candidats, des cabinets de recrutement y cherchent les meilleurs profils ». Les relations traditionnelles candidats-entreprises reprennent donc leurs droits.

Pour être original dans sa candidature, il ne reste donc guère que les dernières lignes du CV, où le postulant peut mettre en avant ses goûts personnels. « Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cela peut être un très bon angle d’attaque pour se vendre », juge une jeune diplômée. Donner du concret peut permettre d’engager la conversation autour d’un hobby au sujet duquel le candidat sera plus à l’aise pour discuter.

Surtout s’il est plus original que la lecture, la marche à pied ou le cinéma. Comme cette candidate qui avait précisé qu’elle adorait chiner dans les brocantes. La curiosité des recruteurs a parfois été piquée au vif. Un petit plus qui ne permet pas, pour autant, d’emporter la partie.

Les coups de génie restés dans l’histoire du recrutement sont rares. Comme ce CV d’un créatif reçu un jour chez un géant des produits laitiers et qui fit forte impression : son candidat l’avait roulé dans un pot de yaourt!

François Giolat

A lire sur ce sujet

Dans “Le Monde Economie”, dans l’édition Abonnés du Monde.fr ou dans Le Monde daté mardi 5 avril, les articles du “Spécial jeunes diplômés”:

- Des étudiants rendus méfiants par la crise, par Antoine Reverchon.

- Haleine fraîche et look irréprochable , par François Giolat.

- Création d’entreprise: pourquoi attendre ses 40 ans? , par Julien Dupont.

- En solo, par choix ou par défaut , par Julien Dupont.

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Commentaires

  1. En tant qu’employeur, je considère qu’avoir un blogue donne une avance réelle aux candidats pour un domaine d’expertise en particulier. Un gestionnaire en RH qui écrit une chronique sur son domaine, disons à raison de 1 ou 2 fois par semaine, bénéficiera d’une visibilité et d’une crédibilité accrue ! Voilou !


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