Aucun progrès n’a été fait en faveur des droits syndicaux dans le monde et la crise économique est maintenant érigée en prétexte pour supprimer des droits déjà acquis.
Le Rapport annuel des violations des droits syndicaux de la CSI (http://survey.ituc-csi.org) note une hausse spectaculaire du nombre de syndicalistes assassinés en 2009: leur nombre s’est élevé à 101, soit une augmentation de 30 % par rapport aux années précédentes. Le rapport, rendu public le 9 juin, révèle également une augmentation des pressions sur les droits fondamentaux des travailleurs parallèlement à l’aggravation des effets de la crise économique mondiale sur l’emploi.
MOYEN-ORIENT
Le Moyen-Orient continue de figurer parmi les régions du monde où les droits syndicaux sont les moins protégés. La main-d’œuvre migrante, fréquemment acculée à des conditions de travail inhumaines et spoliée de ses droits les plus fondamentaux, connaît une situation particulièrement précaire.
Le rapport de la CSI explique que les migrants constituent la majorité de la population active dans de nombreux pays de la région et particulièrement à Oman et aux Emirats arabes unis, au Koweït, en Jordanie ou en Arabie saoudite. Si des améliorations ont été constatées quant au statut juridique des travailleurs migrants,
c’est évidemment au niveau des droits syndicaux que le bât blesse. Engagés dans la plupart des cas sans permis valables, leurs conditions de vie et de travail sont particulièrement pénibles, leurs rémunérations insuffisantes et leurs passeports confisqués alors qu’ils représentent un pilier essentiel des économies de la région.
D’une manière générale, d’importants obstacles continuent d’entraver le libre exercice du droit de liberté d’association dans les pays du Moyen-Orient.
Un monopole syndical, c’est-à-dire un système reconnaissant un seul syndicat officiel au niveau du pays est en place à Bahreïn, en Jordanie, au Koweït, à Oman, à Qatar, en Syrie et au Yémen.
En Iran, les travailleurs peuvent uniquement élire des Conseils du travail islamique ou des associations islamiques, cependant que dans les Émirats arabes unis, la législation permet uniquement aux travailleurs de s’organiser en associations. Près de 200 arrestations et des attaques violentes menées par des policiers et des agents en civil des services de renseignements ont été recensées, ainsi que des charges à la matraque et au gaz lacrymogène
Même lorsque la législation protège certains droits syndicaux, elle impose souvent des restrictions comme en Irak ou au Koweït. Les droits fondamentaux demeurent restreints pour de nombreuses catégories de travailleurs, notamment les employés de la fonction publique dans plusieurs pays : en Iran, aux Émirats arabes unis, au Koweït et au Qatar, le droit de grève n’est pas reconnu. Dans de nombreux pays, les grèves sont également sévèrement restreintes ou directement interdites comme en Arabie saoudite.
AFRIQUE
De même en Afrique, près de 700 travailleurs ont été arrêtés durant l’année pour avoir pris part à des activités syndicales légales ou interdites de façon abusive. Les secteurs de l’éducation, de la santé et des activités maritimes ou portuaires ont souvent été paralysés en raison d’un manque flagrant de dialogue social, le mépris des employeurs et des autorités pour les revendications des travailleurs s’y traduisant par une répression flagrante des activités des syndicats.
Au Nigeria, des infirmières ont été grièvement blessées pendant une manifestation pacifique. Des hommes de main agissant selon toute vraisemblance pour la direction locale de la santé ont agressé les travailleuses à coup de fouet et de bâtons, des médecins en grève ont également été attaqués
Au Swaziland, toute action collective légale est pratiquement impossible à mener. Jan Sithole, la grande figure du syndicalisme dans cette monarchie absolue fait toujours l’objet de harcèlement et de menaces de mort.
D’une façon globale, les progrès ont été très rares. Les nouvelles législations du travail en République centrafricaine et au Rwanda sont encore fort insatisfaisantes et l’ingérence des autorités ne connaît pas de limites.
AMERIQUES
La situation des syndicalistes ne s’améliore pas sur le continent américain, sans aucun doute en raison de l’impunité dont jouissent les responsables des violations des droits syndicaux. C’est sans surprise que ce continent reste le plus meurtrier pour les syndicalistes, notamment en Colombie, où 48 d’entres eux ont perdu la vie.
La Colombie a, une fois encore, été le pays où, plus qu’ailleurs, se battre pour les droits fondamentaux de la main-d’œuvre conduit à la mort en dépit de la campagne de relations publiques du gouvernement colombien pour convaincre du contraire
La crise économique et financière mondiale a eu de profondes répercussions sur l’économie réelle de l’Amérique latine, bien qu’elle ait fait preuve d’une plus grande résistance face à la tourmente financière que d’autres régions du monde. Le rapport annuel de la CSI explique que plusieurs gouvernements, dont le Costa Rica, ont utilisé la crise comme prétexte pour affaiblir davantage les droits syndicaux, notamment en adoptant des mesures de flexibilité de l’emploi.
Le rapport de la CSI pointe quelques notes positives : au Salvador, où les décisions du nouveau gouvernement ont facilité la syndicalisation, notamment dans le secteur public et en Bolivie, où la Constitution de 2009 a introduit des améliorations en matière de droits syndicaux, bien que certaines restrictions demeurent ; et en Argentine, où la Cour suprême a étendu aux représentants de tous les syndicats enregistrés la protection qui auparavant n’était accordée qu’aux dirigeants des syndicats dotés du statut officiel.
ASIE ET PACIFIQUE
« 10 morts et 300 blessés ». Il ne s’agit pas du bilan d’une catastrophe naturelle, mais de la répression dont ont été victimes, en Asie-Pacifique, les travailleurs qui ont voulu exercer leurs droits syndicaux en 2009.
Le dernier rapport annuel de la CSI sur les violations des droits syndicaux répertorie aussi les cas d’au moins 2000 travailleurs licenciés pour avoir tenté de défendre leurs droits. Le rapport est sans appel pour le continent : au cours de l’année 2009, il n’y a pratiquement pas eu le moindre progrès en matière de respect des droits syndicaux.
Les Philippines sont à nouveau l’un des pays les plus dangereux d’Asie pour les syndicalistes, malgré l’envoi d’une mission de haut niveau de l’OIT chargée d’enquêter sur des allégations de meurtres et d’enlèvements de syndicalistes. Trois responsables syndicaux ont été assassinés en 2009 et un autre est mort après avoir subi un interrogatoire des forces de sécurité.
Le rapport de la CSI dénonce la culture de l’impunité à laquelle sont confrontés les syndicalistes philippins, une impunité liée à l’absence de volonté politique de l’administration Arroyo de garantir le respect de l’autorité de la loi pour les travailleuses et les travailleurs. L’une des tactiques antisyndicales les plus courantes employées par les employeurs et le gouvernement philippins est d’accuser les dirigeants et membres de syndicats de terrorisme.
EUROPE
La discrimination antisyndicale et la répression des syndicats connaissent une hausse significative en Europe.
L’Europe, présentée encore il y a peu comme le modèle à suivre au niveau mondial en matière sociale, subit de plein fouet les effets de la crise économique et financière mondiale. Des milliers de travailleurs dans toute l’Europe ont été licenciés et des protestations massives ont éclaté dans plusieurs pays suite à l’incapacité des autorités à faire face à la crise. Les travailleurs ont payé sans conteste un lourd tribut face à la crise.
Malgré une croyance tout à fait erronée, les fonctionnaires ne sont pas du tout à l’abri de pratiques antisyndicales. En Estonie, en Grèce, en Allemagne, en Turquie ou en Ukraine, la loi leur interdit tout simplement de prendre part à des actions collectives ou leur impose des restrictions excessives. Quant à la négociation collective, ce droit est catégoriquement interdit pour les fonctionnaires en Bulgarie et en Allemagne.
Anne Grandazzi
Le détail: http://survey.ituc-csi.org