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La Salle de prière
 
On accède à la salle de prière par dix sept portes en bois dont certaines ont été renouvelées au cours des dernières restaurations. Les plus anciennes datent de l’époque hafside ; elles se distinguent par leur décor en formes géométriques, surtout hexagonales et octogonales, inspirées du répertoire maghrébin et analogues aux panneaux tressés des minbars des mosquées al -Kutbiyya à Marrakech et al-Qaraouin à Fès.
La porte centrale, plus grande et plus fastidieuse que les autres, fut complètement renouvelée, en 1244H/1829. Le tympan de l’arc est orné d’un vase d’où surgissent des enroulements de tiges et de feuilles qui caractérisent l’art husseinite, en Tunisie, imprégné d’influences ottomanes et andalouses. Une inscription sculptée en relief, en caractère naskhi, porte des vers qui commémorent la date de réfection :
Basmala.

O vous qui croyez ! Agenouillez-vous, priez le Seigneur et faites le bien ; peut-être serez-vous heureux.

A Bâb al- Bahû apparaît une éclatante beauté.

L’artiste y mit son talent délicat dans le but et l’espérance.

Que Dieu nous accorde ainsi qu’aux musulmans sa satisfaction et ses faveurs !

La restauration en ayant été achevée, on a dit : le chronogramme est : bon guide.

O spectateur, que tes désirs soient satisfaits et qu’une juste récompense te soit accordée.

Cette porte, Bâb al-Bahû, est celle de la Mosquée des compagnons du prophète.
Dieu le bénisse chaque matin et chaque soir.

Elle eut besoin d’une réfection justifiée par un long usage.

Ainsi ornée, nous la daterons en disant avec raison : la belle porte a été remise à neuf.
Le chronogramme que comporte cette inscription donne la date de 1244 (18 juil.1828-2 juil.1829). Le prince qui régnait alors était Husain II (1824-1835 ap. J-C.).
Au-delà de la galerie narthex s’étend la salle de prière qui offre une forte impression d’humilité. Elle constitue un rectangle grand de 70,60 m de largeur et 37,50 m de profondeur. De tradition ommeyyade, elle est hypostyle et composée, à l’exemple de la mosquée du prophète à Médine, de dix sept nefs et de huit travées : Une travée de 6m plus large que les autres, qui longe le mur de la qibla et une nef axiale de 5,75 m se croisent pour former un dispositif en T. Leur point de rencontre détermine un carré sur lequel fut érigée la coupole du Mihrab.
H.Saladin était, l’un des premiers sans doute, à avoir remarqué la largeur plus grande de la nef axiale de Kairouan et d’autres mosquées maghrébines et il croyait que cette particularité était née dans la mosquée construite par Ziyâdat Allah. Ce dispositif existant très vraisemblablement à la mosquée de al-Aqçà, dès la période des Abbâsides (fin du VIIIe siècle), nous pensons qu’il était déjà dans le plan de la mosquée des Omayyades, dès 705. Il semble d’ailleurs que la Grande Mosquée de Damas a adopté d’emblée ce principe d’une allée privilégiée soit en largeur, soit en décor, soit par ces deux qualités réunies, sorte d’allée triomphale conduisant au Mihrâb. Telle est du moins l’impression ressentie à Damas et à Jérusalem. Le même Saladin, remarquant que cette nef et celle du mur de la Qibla déterminent une figure en forme de T., évoque les plans des basiliques de saint-Pierre-Hors-les-Murs à Rome et de la nativité à Bethléem. Cette théorie, reprise par d’autres savants, tend donc à faire dériver ce plan de celui des monuments chrétiens de Syrie.
Ce plan fut suivi par les plus importantes mosquées ifriqiyennes sans exception, à l’exemple des grandes mosquées de Sfax (235H/849J.C), de Sousse (237H/851J.C), de la Zaytouna à Tunis (248-250H/860-861) et de Mahdiyya (308H/916) et se perpétua, en Ifriqiya, jusqu'à l’arrivée des ottomans. Ce prototype se propagera au Maghreb et en Espagne et atteindra l’Egypte avec l’armée fatimide, conduite par le général Jawhar, en 359H/971 J.C. Partout prédomineront les salles hypostyles dont le nombre de nefs est toujours impair avec la distinction de la nef axiale. Par ailleurs, on constate que la nef axiale de la salle de prière de la Grande Mosquée de Kairouan, fut dédoublée de part et d’autre par une rangée d’arcades identique à la première. Tout porte à croire que la colonnade portant la nef axiale a subi une poussée qui a provoqué un déversement encore très visible de nos jours. La solution était, donc, d’envisager la construction d’une deuxième ligne d’arcades pour consolider la première. Cette campagne date, selon la majorité des auteurs et en confrontant les différents textes dont on dispose, du début du règne du prince aghlabite Ibrahim II (261-268H/ 875-882 J.C). Les fronts de la galerie narthex sont ornés d’un décor en stuc qui date, sans doute, de l’époque de la rénovation des portes, en 1244H/1829. Ce décor, composé de motifs floraux et géométriques qui se répètent d’un médaillon à un autre, s’inspire du répertoire hispano-mauresque.
Les nefs et les travées offrent une variété de colonnes et de chapiteaux qui proviennent de Sbeitla, Hadrumète, voire de Carthage et de Chamtou. Certaines colonnes sont de facture musulmane, comme l’attestent quelques-unes qui sont gravées en relief du credo musulman de l’unicité «il n’y a point de Dieu qu’Allah» ou de l’expression «Mohammed est le prophète d’Allah». Certaines colonnes ont été importées, à l’époque antique, d’autres cités du monde méditerranéen, celles qui sont en marbre blanc proviennent d’Italie, les colonnes en pierre volcanique proviennent de la Haute Egypte, alors que le marbre de couleur verdâtre ou rose est extrait des carrières de Chamtou au nord-ouest de la Tunisie actuelle. Rien ne laisse penser que ces colonnes ont été disposées d’une façon particulière. Certes, on peut constater, de temps à autre, une certaine recherche d’harmonie ou de symétrie entre les colonnes et les chapiteaux. Mais, ceci ne permet pas d’imaginer que la disposition des colonnes entourant le Mihrab reproduit le plan de la Coupole Rocher comme le prétend un archéologue allemand. Les chapiteaux de la salle de prière sont en majorité romains et byzantins et offrent une grande variété de styles et de matières. Ils datent, dans leur majorité, du II au VIè s. Certains sont ioniques, d’autres sont corinthiens, composites ou byzantins. La plupart sont de fabrication locale, quelques-uns sont importés d’Asie mineure ou de la Grèce. Plusieurs chapiteaux portent des sculptures d’oiseaux de proie ou des croix chrétiennes et contrairement à une opinion très répandue, rien ne laisse penser qu’elles furent martelées ou défigurées, ce qui confirme l’esprit de tolérance qui a toujours caractérisé la religion musulmane qui se présente comme héritière et continuatrice des autres religions divines ; elle était la première à reconnaître leur légitimité et à refuser tout esprit de confrontation avec elles.
On remarque que les fûts de colonnes sont de hauteur très irrégulière, mais l’essentiel, c’est d’avoir les pieds des arcs qui les portent, au même niveau. Le défaut est racheté par le développement variable des chapiteaux, des bases et des sommiers dont certains sont en bois de cèdre.
Cette technique, très usitée, en Orient, s’est répandue dans l’architecture religieuse kairouanaise, jusqu’à l’époque contemporaine. Elle permet d’amortir la pression exercée par le poids de la couverture et de mieux résister aux mouvements causés par les amplitudes thermiques.
   
       
   
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