C’est l’histoire d’un jeune homme, certes de bonne famille, mais que rien ne prédisposait à un parcours aussi fulgurant. Au départ, Sakhr El-Materi n’a qu’un nom. Mais quel nom ! Celui des El-Materi, une famille de la grande bourgeoisie tunisoise. Dans les années 1930, son grand oncle,Mahmoud El-Materi, fonde avec Habib Bourguiba le Néo-Destour, le parti qui va lutter pour l’indépendance de la Tunisie.
Moncef El-Materi, le père de Sakhr El-Materi, aura également une vie hors du commun. En décembre 1962, ce militaire de carrière participe à un complot contre le président Bourguiba. La conjuration échoue. Moncef El-Materi échappe au poteau d’exécution grâce à l’intervention deWassila Bourguiba, l’épouse du président très liée à sa famille.
Avec un tel pedigree, il restait à Sakhr El-Materi de se faire un prénom. Il y parvient en épousant en 2004 Nesrine, l’une des filles du présidentBen Ali et de sa deuxième femme, Leila Trabelsi. Les fiancés ont alors 24 et 18 ans. Sakhr est »gentil mais en aucun cas exceptionnel », disent ceux qui le connaissaient dès cette époque.
Le jeune homme a pour tout bagage deux années d’études supérieures à Bruxelles, où il a obtenu un brevet de gestion. Mais ce mariage enchante le couple présidentiel. Enfants du peuple, Zine El-Abidine Ben Ali et Leïla Trabelsi souffrent depuis toujours du dédain des bourgeois de Tunis et de la banlieue nord qui les regardent de haut.
Sakhr El-Materi va vite prendre la place de « gendre préféré » qu’occupait jusque-là Slim Chiboub, le mari d’une autre fille de Ben Ali, tombé en disgrâce. Il s’installe au Palais de Carthage, à la présidence.
La privatisation de la Banque du Sud va lui permettre de réaliser une formidable plus value grâce à trois banques tunisiennes qui lui concèdent un prêt. »Ce qui s’est passé est surréaliste. Cela s’appelle un délit d’initié ! Et le pire est que Sakhr El-Materi a été conseillé dans cette entreprise par l’un des meilleurs cabinets d’affaires parisiens ! », raconte, sous couvert d’anonymat, un témoin qui a suivi l’opération.
Grâce à ce pactole, Sakhr El-Materi va se constituer un empire qu’il baptisera du nom prédestiné de Princesse Holding . Il commence par racheter la société Ennakl, un distributeur automobile. Puis il obtient la concession de gestion et d’exploitation des activités de croisières du port de La Goulette, dans la banlieue nord de Tunis. Un projet essentiellement financé par la filière tchèque d’une grande banque française.
Sa carrière ne s’arrête pas là : après avoir pris des participations dans l’agro-alimentaire (Nestlé notamment) et réalisé des opération immobilières (comme le rachat d’un palais à Hammamet), le gendre se lance dans le monde des médias et de la politique. Ses beaux-parents lui confient la mission de ravir la vedette aux chaînes de télévision islamiques du Golfe, très populaires en Tunisie, et, d’instaurer un »islam officiel tunisien ». Radio Zitouna, la radio religieuse privée qu’il lance, connait bien vite un immense succès.
Il crée ensuite une télévision sur le même principe, Zitouna TV, puis, il y a quelques jours, lance la première banque islamique tunisienne. Entre-temps, il a pris le contrôle du groupe de presse Dar Assabah, une institution, dont il met vite le titre phare, Assabah, au service quasi exclusif de son beau-père, le président Ben Ali.
Le 25 octobre au soir, Sakhr El-Materi franchira une nouvelle étape : il entrera à l’Assemblée nationale. Il brigue en effet un siège de député de Tunis, aux élections législatives de dimanche. Personne n’imagine qu’il soit battu, lui qui est déjà au comité central du parti au pouvoir, le RCD.
Quel est l’avenir de celui que beaucoup de Tunisiens surnomment avec ironie »le gosse » ou »le gamin » ? Certains le voient en héritier de Ben Ali. D’autres assurent qu’il n’est que le »collecteur de fonds » de sa belle-mère, Leïla Trabelsi, que l’on dit très soucieuse d’assurer l’avenir matériel de son dernier né, le petit Mohammed, 4 ans.
Une chose est sûre : Sakhr El-Materi devra se battre dans un milieu où d’autres, en particulier Belhassen Trabelsi, le frère de la présidente, ne lui feront pas de cadeaux. »Il a pris une assurance folle, raconte un de ses amis. Mais il est pieds et poings liés à la Première Dame. C’est elle, en fait, qui décidera de son sort ».
Florence Beaugé – LE MONDE – 24octobre 2009
*Ce reportage a été réalisé au début du mois d’octobre, avant que l’envoyée spéciale du « Monde », de retour en Tunisie, ne soit refoulée à l’aéroport de Tunis, le 22 octobre.
Samedi le 15 janvier 2011
Ce n’est pas la première fois, qu’un groupe ou une personne, fait main basse sur des biens qui appartiennent à un peuple ou encore à des particuliers par des moyens qui s’apparentent à du vol et qui demeurent impunis.
L’appareil gouvernemental devient alors complice de cet état de fait.
Mais ce n’est pas le pire.
Plusieurs cas, médiatisés, mentionnent les noms de tous impunis qui s’expatrient dans des pays complaisants qui les accueillent, les consolent et ne font strictement rien pour dissuader les autres d’agir ainsi.
Existe-t-il une omerta, une loi non écrite protégeant ceux qui sont en fait des voleurs, des arnaqueurs faisant en sorte que le ou les dirigeants de ces pays demandent une solidarité de » profiteurs » aua cas où dans le pays où ils se trouvent dirigeants, présidents etc se réveillent et les expulsent ?
Le vol d’un » quignon de pain » est plus puni que le vol par un dirigeant d’un pays pendant des décennies.
Le vol par un dirigeant d’un pays corrumpu est récompensé par l’exil, des biens qu’on lui reconnaît de conserver, une impunité qu’on fait très attention à lui conserver.
Voilà où nous en sommes encore au XX1 siècle.