Vous passez devant un crémier, un bout de fromage vous cligne de l’œil, vous l’achetez, ce petit caprice vous coûte une bonne dizaine de dinars, car le kilo, est à trente-cinq dinars.
Le marchand ne vous l’enveloppe pas, comme il se doit, dans un papier approprié, fait pour, non ! Il le jette dans un sachet en plastique, qui ne lui aura pas coûté plus de dix millimes et vous le tend sans se rendre compte du sacrilège qu’il a commis ; de même pour une boutargue que vous payez quarante dinars pièce, ce délice des délices ne mérite même pas d’être mis dans du papier alu, abondant et de moins en moins, relativement cher. Nous pouvons citer des dizaines d’exemples de produits alimentaires de qualité, onéreux pour l’acheteur mais débités dans des emballages de fortune comme c’est le cas pour les crevettes royales, le foie d’agneau et le ris de veau.
Cela peut vous plonger dans un profond désespoir, mais si par exemple l’envie vous excite à picorer des graines de courge, le marchand de fruits secs vous tend votre marchandise bien serrée, encore chaude dans un mignon petit paquet fermé avec art, les bouts rabattus comme s’il s’agissait d’une pièce précieuse.
Si aussi vous vous promenez dans un souk de fékia populaire, où on vend les mélanges, bonbon, dragées loubia, petites dragées aux couleurs vives ayant la forme et la taille des haricots, le vendeur, généralement un homme d’âge moyen ayant hérité son commerce de son géniteur et pour prouver son esprit de continuité, prend souvent soin d’accrocher le portrait de son père (parfois son grand-père) à qui il a succédé sur le mur du fond de la boutique, le rendant bien visible à ses clients leur donnant confiance quant à la qualité de la chose achetée, même si le prix est modique : quatre dinars le kilo pour une aalaga (corbeille) de firandises de fête de mariage ou de circoncision. Ce monsieur-là sait raisonner, il ne tombe pas dans l’éphémère, sa balance est la même depuis une soixantaine d’années, ses poids sont en laiton et ses emballages, des paquets en papier gris qu’il dispose sur le comptoir selon leur taille, des paquets pour 500g, d’autres pour 1 kilo et certains pour 2 kilos.
Débitant une marchandise rituelle qui transcende le temps, il ne peut que la présenter comme le faisaient ses aïeuls, le contenant et le contenu en symbiose parfaite, en harmonie totale.
Peut-être qu’il fait ça par coutume, mais nous trouvons très raisonnable que, dans le souk menant au mausolée de Sidi Mahrez, les choses ne peuvent pas se passer autrement.
Invitez vos amis à découvrir le site
Veuillez remplir le formulaire ci-dessous pour recommander cette page à un ami par email.