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Barreau de Paris

Etendue et limites du droit d’auteur de l’architecte sur l’œuvre architecturale

 

Principes généraux

1.      Droit d’auteur

Tout auteur d’une œuvre originale de l’esprit jouit, du simple fait de sa création, du droit d’auteur.

L’auteur dispose ainsi :

·         d’un droit de propriété, exclusif et opposable à tous, conférant à son titulaire le monopole d’exploiter son œuvre et d’en tirer profit (droit patrimonial) ;

·         du droit de faire respecter son nom, sa qualité d’auteur et l’intégrité de son œuvre (droit moral, inaliénable et imprescriptible).

2.      Protection par le droit d’auteur

La protection par le droit d’auteur s’acquiert du simple fait de la création, et sans qu’il soit nécessaire à l’auteur d’accomplir de formalités. Le droit d’auteur naît ainsi instantanément de la seule existence de l’œuvre, et sans qu’aucune manifestation de la volonté de l’auteur soit requise.

L’auteur est nécessairement une personne physique. La qualité d’auteur ne peut revenir à une personne morale. La seule exception à ce principe est celle de l’œuvre collective.

3.      Durée des droits d’auteur

L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent (CPI, art. L. 123-1).

 

Titulaires des droits d’auteur

Il faut distinguer selon que l’œuvre a été créée par un ou plusieurs auteurs.

Auteur unique

4.      Œuvre et divulgation

L’auteur est investi des droits d’auteur du seul fait de sa création (code de la propriété intellectuelle, art. L. 111-1 et L. 111-3), indépendamment de toute divulgation.

Si l’œuvre est divulguée, la loi présume que la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée (CPI art. L. 113-1). Mais la preuve contraire peut être rapportée par tous moyens.

5.      Contrat de travail

L’existence d’un contrat de travail n’emporte pas dérogation au principe qu’un auteur est titulaire des droits d’auteur sur sa création (CP art. L. 111-1). En conséquence, à moins qu’il ne se soit fait céder les droits d’auteur par une convention en bonne et due forme ou qu’il n’ait la qualité d’auteur d’une œuvre collective, un employeur n’est pas en droit d’exploiter les créations réalisées par ses salariés.

Pluralité d’auteur

Le concours de plusieurs auteurs à la réalisation d’une œuvre peut donner lieu à trois catégories d’œuvres distinctes :

6.      Œuvre de collaboration

L’œuvre de collaboration est celle à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques (CPI art. L. 113-2) en participant à la conception d’ensemble de l’œuvre, même si leurs contributions respectives sont d’importance inégale. L’œuvre est alors la propriété commune des coauteurs qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord.

7.      Œuvre composite ou œuvre dérivée

L’œuvre composite est une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur initial. L’auteur de l’œuvre composite ne peut l’exploiter sans faire participer l’auteur de l’œuvre originaire aux produits de l’exploitation (CPI art. L. 113-4).

8.      Œuvre collective

L’œuvre collective est celle créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé (CPI art. L. 113-2), même si la participation de chacun est identifiable.

L’œuvre collective implique en principe une certaine dépendance du concepteur à l’égard de l’initiateur de l’œuvre. Elle se distingue de l’œuvre de collaboration en ce que les créateurs de l’œuvre collective ne participent pas à la conception de l’ensemble.

Le critère prépondérant serait celui lié à l’existence d’un travail collectif dirigé par un maître d’œuvre sans lequel l’œuvre n’aurait pas existé de sorte qu’elle excède la somme des apports des contributeurs. Il est cependant susceptible de coexister avec un critère tiré de la concertation entre contributeurs qui serait contradictoire avec le processus de création verticale hiérarchisée.

L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée qui se trouve investie des droits d’auteur.

 

Cession des droits d’auteur

Les droits patrimoniaux d’auteur peuvent être librement cédés à des tiers à titre gratuit ou onéreux (CPI art. L. 122-7).

Cependant, cette cession est enserrée dans une réglementation très stricte.

9.      Clause de cession des droits d’auteur

La clause de cession des droits d’auteur doit respecter les règles suivantes :

·         La cession des droits doit faire l’objet d’un écrit.

·         La transmission des droits est subordonnée à la condition que :

-              chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte ;

-              le domaine d’exploitation soit limité quant à son étendue et sa destination, quant au lieu et à la durée (CPI art. L 131-3).

Il est ainsi indispensable de détailler dans la clause de cession de droits :

·         L’identification des droits cédés : droit de reproduction, droit de représentation, droit d’adaptation, etc.

·         L’exclusivité ou la non-exclusivité de la cession.

·         L’étendue, la destination et les modes d’exploitation des droits cédés. La cession est limitée aux modes d’exploitation stipulés : la cession du droit de reproduction sur un support papier n’emporte pas le droit de reproduire sur un support numérique, la cession des droits d’adaptation d’un roman pour en faire une pièce de théâtre ne permet pas d’en faire un film… Il est en outre, en principe, interdit d’autoriser par avance une forme d’exploitation sous une forme non prévisible à la date du contrat.

·         Le territoire pour lequel les droits sont cédés. Il peut s’agir du monde entier ou d’un territoire déterminé.

·         La durée de l’exploitation. Les droits doivent être cédés pour une durée limitée dans le temps, cependant la cession peut valablement être consentie pour toute la durée des droits d’auteur.

10.  Prohibition de la cession globale des œuvres futures

La cession globale des œuvres futures est nulle (CPI art. L. 131-1 – sauf l’exception limitée du pacte de préférence en matière d’édition visée au CPI art. L. 132-4). Plus précisément, les cessions portant sur deux œuvres ou plus qui n’ont pas encore été créées sont nulles. Cette interdiction empêche en principe de prévoir la cession globale des créations réalisées par les salariés dans leur contrat de travail.

11.  Rémunération proportionnelle

La cession par l’auteur de ses droits doit comporter à son profit une participation proportionnelle aux recettes provenant de l’exploitation (CPI art. L. 131-4). L’assiette de cette participation proportionnelle est le prix de vente au public, on ne peut en soustraire les remises, frais ou taxes.

12.  Rémunération forfaitaire

Une rémunération forfaitaire est cependant autorisée lorsque :

·         La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée.

·         Les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut.

·         Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre.

·         La nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit que l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité.

 

L’œuvre architecturale

 

Nature des œuvres protégées

13.  Œuvres d’architecture, plans, croquis et maquettes

Sont considérées comme œuvres de l'esprit au sens de la loi : ... les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture..., les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs... à l'architecture... (CPI, art. L. 112-2)

Sont ainsi protégés, non seulement, les plans, croquis et maquettes conçus par l'architecte mais encore les édifices eux-mêmes dès lors qu'ils présentent un caractère original.

En revanche, ne sont pas protégées par la loi les œuvres architecturales sans caractère particulier ou original, qui sont la reproduction banale des types d'édifices largement répandus à travers le territoire.

14.  Jurisprudence

Ont ainsi été considérés comme des œuvres protégées :

·         un bâtiment dont la partie centrale est surmontée d'une verrière monumentale servant de hall de circulation et de lieu de repos (TGI Paris, 29 mars 1989, Bonnier/Société Bull : RD imm., juillet-septembre 1989, p. 357) ;

·         une maison d'habitation ayant fait l’objet de publications dans des revues d'architecture durant la période de sa création (CA Versailles, 1re ch., 4 avril 1996, SA Facebat/Sirvin : JCP éd. G, 1996, II, 22741) ;

·         des plans et dessins originaux concernant un agencement de vitrines et des systèmes particuliers d'éclairage destinés à s'intégrer dans le cadre spécifique d'une architecture déterminée (CA Paris, 4e ch. A, 22 mai 1996, Société Governor et J.-M. Wilmotte/Dubois, ville de Lyon et ville de Caen : Gaz. Pal., 4 décembre 1996) ;

·         des constructions telles que piscines et centres aquatiques ou ludiques (CA Rouen, 2e ch. civ., 26 juin 1997, SCPA JAPAC/SARL Duval-Raynal) ;

·         des travaux de restauration et de réaménagement dès lors qu’ils ne relèvent pas de la seule nécessité mais traduisent un choix esthétique spécifique et confèrent à l'ensemble réalisé un caractère original (CA Paris, 4e ch. A, 30 octobre 1996, Rachline/Société d'encouragement à l'élevage du cheval français – CA Paris, 4e ch., 20 novembre 1996, Bourgeois/Doueb – TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 10 mai 2002, n°00/05562, Duchêne/SA Mauboussin) ;

·         le projet d'aménagement d'une place publique (CAA Nantes, 4e ch., 27 décembre 2002, n°00NT01443, ville de Cholet).

Ou, au contraire, comme une œuvre non protégée :

·         Conseil d'Etat, N° 78833, Publié aux Tables du Recueil Lebon, 6 mai 1988, GOCLOWSKI

Considérant, en premier lieu, que la rénovation intérieure des ailes est et ouest de la préfecture du Morbihan, qui a consisté en une consolidation des charpentes et planchers et un réaménagement des bureaux, ne présentait pas un caractère suffisamment original pour permettre à M. GOCLOWSKI, architecte mandataire du groupement chargé par le département du Morbihan de la maîtrise d'oeuvre de cette rénovation, de se prévaloir des dispositions précitées pour exiger que son nom fût inscrit sur la façade de la préfecture.

Titulaires des droits

La désignation de la personne ou des personnes titulaire du ou des droits d’auteur est une question souvent délicate.

15.  Œuvres collectives dont les droits appartiennent aux architectes

L’œuvre architecturale est, en principe, une œuvre collective dont les droits appartiennent à ou aux architectes qui ont élaboré la conception d’ensemble et/ou coordonné la conception de détail. L’œuvre est généralement divulguée sous le nom de ces architectes qui ont signé le permis de construire et dont le nom figure sur les plans qui en sont ainsi présumés auteurs. Ni leurs collaborateurs, ni leur employeur ne sont titulaires des droits d’auteur, cela même dans le cas d’une participation importante d’un architecte collaborateur à l’exécution de travaux, dès lors que la part prise par lui à l’élaboration de l’ouvrage s’est fondue dans l’ensemble, sans qu’il soit possible de l’en détacher (CPI art. L. 113-2).

Il a ainsi été jugé que constituent des œuvres collectives des constructions édifiées sous la direction d’une SCP d’architectes, à la suite de commandes émanant de maîtres d’ouvrage, sur des plans élaborés à son initiative et en son sein par des professionnels salariés de la société ou indépendants rémunérés par elle, dès lors que les apports de chacun se sont fondus dans l’ensemble en vue duquel elles ont été créées, sans qu’il soit possible, en l’absence de participation de tous à la conception dudit ensemble, de leur reconnaître un droit indivis sur cet ensemble (CA Rouen, 2e ch. civ., 26 juin 1997, SCPA JAPAC c/ SARL Duval-Raynal).

16.  Droit moral du contributeur à l’œuvre collective

Il en résulte que le droit pour un architecte de faire état de sa contribution à une œuvre collective n’emporte pas le droit de la reproduire, dès lors qu’il ne se trouve pas dans l’un des cas d’exception à l’interdiction de reproduction prévus à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, telle l’exception pour citation (CA Rouen, 2e ch. civ., 26 juin 1997, SCPA JAPAC/SARL Duval-Raynal).

En revanche, le fait par l’architecte « patron » d’avoir, dans un article de revue, omis volontairement de citer le nom de son ancien collaborateur dans la liste de ceux qui avaient contribué à l’élaboration de l’œuvre revêt un caractère injurieux et constitue un abus de droit entraînant un préjudice (TI Paris-13e, 20 décembre 1962).

17.  Œuvre collective dont les droits n’appartiennent pas aux architectes

Ont cependant été considérées comme des œuvres collectives dont les droits n’appartenaient pas aux architectes :

-              une maison créée à l’initiative d’une société qui l’a divulguée et commercialisée sous son nom, résultant de la contribution d’un auteur d’un projet architectural et d’un auteur des plans d’exécution du projet (CA Versailles, 15 février 2001, SARL Trabec Ile de France/ SA Leroy Merlin) ;

-              un Parc d’attractions pour lequel une personne morale a eu un rôle moteur d’initiative, de coordination et de direction : la contribution des architectes s’est inscrite dans une démarche collective (TGI Senlis, 3 juin 2003, Sté ADACP / Sté Grévin et Cie) ;

18.  Œuvre de collaboration

L’œuvre architecturale peut également constituer une œuvre de collaboration. Tel est le cas, par exemple, lorsque deux architectes ont concouru, notamment au stade du « dossier consultation entrepreneurs », à la création de l’agencement d’une vitrine et de son éclairage, l’un en rédigeant le cahier des charges techniques particulières, l’autre en établissant les plans (CA Paris, 4e ch. sect. A, 22 mai 1996, Société Governor et Wilmotte/Dubois, ville de Lyon et ville de Caen).

Cour administrative d'appel de Nantes, N° 96NT01279 96NT01831, Inédit au Recueil Lebon, 6 février 1997, ville de Nantes

Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer même que M. AGOPYAN ne soit pas le seul architecte concepteur du stade de La Beaujoire de Nantes, cette circonstance ne saurait être d'aucune influence, nonobstant les dispositions de l'article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle relatives à l'exercice, par les co-auteurs d'une oeuvre de collaboration, de leurs droits d'un commun accord, sur la qualité de M. AGOPYAN pour demander au juge des référés de prescrire une expertise à l'effet de fournir au tribunal administratif tous éléments utiles relatifs à une éventuelle atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

19.  Œuvres séparées

De même, la cour d’appel de Paris (25 février 1988) a considéré qu’il n’y avait pas œuvre collective mais deux œuvres séparées dans un cas où le maître d’œuvre avait sous-traité auprès d’un architecte la conception de l’architecture intérieure d’un restaurant, au motif que l’architecte a eu de fréquents contacts avec le maître de l’ouvrage durant l’accomplissement de sa mission, a exécuté sa mission en toute indépendance à l’égard du maître d’œuvre qui n’a exercé aucun contrôle sur la conception de l’architecte…

Cession des droits sur l’œuvre architecturale

20.  Nécessité d’une clause

La cession des droits d'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée (CPI, art. L. 131-3).

L'existence d'un contrat d’architecte ou de maîtrise d’œuvre n'emporte pas dérogation à ce principe de sorte que la cession de ses droits ne peut résulter que d'une clause expresse de l’acte (CPI, art. L. 111-1).

 

Protection du droit moral de l’auteur de l’œuvre architecturale

 
Étendue du droit moral

21.  Protection du nom

L’architecte a le droit d'inscrire son nom sur son œuvre, qu'il s'agisse des plans ou de l'édifice lui-même, et d'exiger que son nom y soit maintenu.

De même, la publication des plans ou de photos de l'immeuble doit, par ailleurs, préciser les noms et qualités de l'architecte (CA Paris, 4e ch. B, 20 octobre 1995, SPPM/Chemetoff, RD imm., janvier-mars 1996, p. 69).

22.  Dénaturation de l’œuvre

L'architecte a le droit de s'opposer à la modification ou à la dénaturation de son œuvre.

23.  Jurisprudence judiciaire

Constitue, pour les juridictions judiciaires, une dénaturation de l'œuvre de l'architecte le fait pour le maître de l'ouvrage d'avoir, sans l'accord de celui-ci :

·         prolongé la façade de l'immeuble pour l'agrandir (TGI Seine, 6 juillet 1966 : D. 1967, 172) ;

·         exécuté des travaux de gros œuvre qui ont détruit l'harmonie de l'ensemble original créé par l'architecte, alors qu'aucun impératif technique ne justifiait de telles modifications (Cass. 1re civ., 1er décembre 1987, n°86-12.983, ville de Lille/Gillet : Bull. civ. I, n°319) ;

·         modifié une sculpture monumentale par retrait d'un certain nombre de ses éléments et déplacement de son emprise au sol, alors que les fissures constatées sur l'une des pierres ne justifiaient pas l'ampleur de cette modification (TA Grenoble, 1re ch., 28 octobre 1998, n°96800, 982119, 982120, Monpert).

24.  Jurisprudence des juridictions administratives

Il en est de même pour les juridictions administratives, qui retiennent la responsabilité du maître de l'ouvrage public pour atteinte au droit moral de l'auteur sur son œuvre :

·         pour avoir ajouté au portique d'un ensemble d'habitations conçu par l'architecte, des constructions à usage de bureaux qui en dégradent l'aspect extérieur (CE, 5 janvier 1977 : Lebon, p. 2) ;

·         pour la réalisation de travaux sur un orgue en y apportant des modifications qui ne sont pas rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique ou qui ne sont pas légitimées par les nécessités du service public, notamment, par la destination de l'œuvre ou de l'édifice ou par son adaptation à des besoins nouveaux (CE, 14 juin 1999, n°181023, Conseil de fabrique de la cathédrale de Strasbourg) ;

·         pour avoir modifié l'aménagement d'une place publique, réalisée par des architectes dans le cadre d'un marché public alors que les modifications apportées, par leur consistance et leur portée, excédaient les aménagements que nécessitait l'amélioration de la sécurité de l'ouvrage (CAA Nantes, 4e ch., 27 décembre 2002, n°99NT01443, ville de Cholet).

Il a toutefois été jugé récemment que les dispositions du CCAG-PI ne font pas obstacle à la faculté pour la personne publique de modifier l'ouvrage réalisé par un premier architecte en faisant appel à un autre architecte, sans préjudice du droit moral du premier architecte au respect de son œuvre (Conseil d'État, N° 296096, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 13 juillet 2007, SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE OUEST PROVENCE).

Il avait déjà été jugé que les dispositions du CCAG-PI ne portent pas atteinte au droit d’auteur des architectes : « les trois options ouvertes par le cahier des clauses administratives générales à la personne publique signataire du marché précisent les droits cédés à cette personne publique tant pour ce qui a trait à la divulgation des résultats par publication ou par communication à des tiers que pour ce qui touche à la faculté d'édifier ou de faire édifier des constructions conformes à ces résultats et respectent ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les prescriptions » de la législation relative au droit d’auteur (Conseil d'Etat, N° 16692, Publié au Recueil Lebon, 2 juillet 1982, Conseil national de l'ordre des architectes).

Limites à la protection du droit moral

25.  Contraintes réglementaires ou techniques

Le droit moral de l'auteur ne peut faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi pour mettre fin aux conséquences des infractions pénales constatées, notamment dans le cas de constructions édifiées au mépris des règles édictées par le code du patrimoine ou le code de l'urbanisme.

De même, le droit moral de l'auteur ne peut faire échec à la nécessité de mettre en œuvre des mesures techniques qu'impose l’entretien de l’immeuble.

L'intervention de nouvelles dispositions légales peut également rendre nécessaire la modification du projet établi par l'architecte (CE, 6 mai 1988 : D. 1989, p. 111).

26.  Droit du propriétaire sur son immeuble

Un équilibre doit être recherché entre le droit de propriété sur la chose et la protection du droit moral de l'auteur sur son œuvre qui ne saurait conférer à l'architecte un droit d'immixtion perpétuel et préalable à toute intervention du propriétaire,ce qui entraînerait une atteinte grave au droit de jouir de sa propriété et au droit d'entreprendre.

27.  Immeuble à destination industrielle ou commerciale

Il en est ainsi, notamment, lorsque la construction a une destination industrielle ou commerciale. L’auteur ne peut alors s’opposer à sa nécessaire adaptation aux évolutions de la société, du commerce ou des contraintes économiques sous réserve que la nature et l’importance des altérations apportées à l'œuvre architecturale demeurent mesurées (Cass. 1re civ., 7 janvier 1992, n°90-17.534, Bonnier/SA Bull : Bull. civ. I, n°7 – CA Paris, 1re ch. B, 24 juin 1994, Tissinier/SA Frankoparis,: D. 1995, p. 56). Il ne peut pas davantage s’opposer à la démolition dès lors que celle-ci est justifiée par un motif légitime et ne pas s'apparenter à un abus du droit de propriété ou révéler un comportement fautif (CA Versailles, 1re ch., 4 avril 1996, SA Facebat c/ Sirvin).

28.  Ouvrage public

Une approche de même nature s’applique aux ouvrages publics. Le Conseil d'État considère que si l'auteur ne peut opposer au maître de l'ouvrage une intangibilité absolue de son oeuvre ou de l'édifice qui l'accueille, ce dernier ne peut, de son côté, porter atteinte au droit moral que l'auteur détient sur son œuvre en y apportant des modifications qui ne sont pas rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique ou qui ne sont pas légitimées par les nécessités du service public, notamment, par la destination de l'œuvre ou de l'édifice ou par son adaptation à des besoins nouveaux.

Cour administrative d'appel de Nancy, N° 96NC01562, Inédit au Recueil Lebon 29 juin 2000 COMMUNE DE VENDENHEIM

Considérant que par marché en date du 9 avril 1990, la COMMUNE DE VENDENHEIM a confié au cabinet d'architectes Decque - Meyzaud - Tarrieu la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction de la nouvelle mairie ; qu'après avoir prononcé la résiliation de ce marché en retirant au cabinet d'architectes le lot n 15 "aménagements extérieurs", la COMMUNE DE VENDENHEIM a procédé elle-même à l'aménagement des abords extérieurs du bâtiment construit selon les plans du maître d'oeuvre ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les modifications effectuées par la COMMUNE DE VENDENHEIM dans le traitement du parvis et des abords du bâtiment ont porté atteinte au droit moral dont les auteurs disposent sur leur oeuvre architecturale en vertu de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, une atteinte de nature à leur ouvrir droit à réparation.

Conseil d'État, N° 237456, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 15 septembre 2004 M. Richard X

Considérant que si M. X soutient que la construction d'un nouveau bâtiment, à proximité de l'ensemble constitué par les trois bâtiments qu'il avait auparavant conçus au profit du même maître d'ouvrage, porte atteinte au droit moral dont il dispose sur son oeuvre, il ne résulte cependant pas des documents produits que, par ses caractéristiques, ce nouveau bâtiment, distinct de ceux qu'il avait conçus, ait porté au caractère de ces derniers une atteinte de nature à lui ouvrir un droit à réparation.

Conseil d'État, N° 265174, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, 11 septembre 2006, M. Berdje

Considérant qu'en se bornant à constater que la transformation du stade de la Beaujoire opérée par la ville de Nantes avait eu pour effet d'améliorer la sécurité de l'ouvrage sans rechercher si les travaux avaient été rendus strictement indispensables par des impératifs notamment de sécurité légitimés par les nécessités du service public, la cour a commis une erreur de droit ; (…)
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les travaux réalisés par la ville de Nantes afin d'augmenter la capacité d'accueil du stade de la Beaujoire ont eu pour effet de dénaturer le dessin de l'anneau intérieur des gradins et de porter ainsi atteinte à l'oeuvre de M. A; que si les impératifs techniques liés aux exigences de l'organisation des matches de la coupe du monde de football comme les impératifs de sécurité résultant de l'application des normes en vigueur peuvent autoriser une telle atteinte afin de répondre aux nécessités du service public, il appartient toutefois à la ville de Nantes d'établir que la dénaturation ainsi apportée à l’oeuvre de l'architecte était rendue strictement indispensable par les impératifs dont elle se prévalait; qu'en l'espèce, les impératifs techniques et de sécurité publique invoqués par la ville de Nantes ne permettent pas de justifier du caractère indispensable de l'atteinte portée à l'oeuvre de M. A dès lors que le rapport d'expertise indique qu'il existait d'autres solutions que celle retenue par la ville pour accroître la capacité du stade sans dénaturer le dessin de l'anneau des gradins; que la ville de Nantes ne se prévaut d'aucun autre impératif lié aux nécessités du service public justifiant la transformation opérée; que la ville a ainsi porté une atteinte illégale à l'oeuvre de M. A; que le tribunal administratif de Nantes a fait une juste appréciation de cette atteinte en la condamnant à verser à M. A la somme de 100 000 francs, soit 15 244,90 euros, tous intérêts compris.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, N° 04BX01965,Inédit au Recueil Lebon, 12 juin 2007, M. Jean X

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 111-3 du même code : « La propriété incorporelle définie à l'article L. 1111 est indépendante de la propriété de l'objet matériel (...) » ; que l'article L. 121-1 du même code ajoute que : « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible (...) » ; que si l'artiste, auteur d'une oeuvre réalisée pour une personne publique, ne peut prétendre imposer au maître de l'ouvrage une intangibilité absolue de son oeuvre ou de l'édifice qui l'accueille, ce dernier ne peut toutefois porter atteinte au droit de l'auteur de l'oeuvre en apportant des modifications à l'ouvrage que dans la seule mesure où elles sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public et notamment la destination de l'édifice ou son adaptation à des besoins nouveaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les modifications apportées par le Centre hospitalier d'Agen au projet d'ensemble conçu par les architectes Jean X, Magin X et Michel Y pour la maison de retraite de Pompeyrie ont concerné la reprise de travaux portant sur le système de ventilation à l'origine de la survenance du « sick building syndrom » affectant une partie du personnel dans les nouveaux locaux du bâtiment C ; que l'apparition de ce syndrome est liée à un vice de conception du système de ventilation auquel le Centre hospitalier a dû remédier ; que ces travaux, rendus indispensables pour mettre un terme aux désordres sanitaires constatés, étaient légitimés par les nécessités du service public et l'adaptation de l'édifice à sa destination ; que les requérants ne tiraient du marché aucun droit à la réalisation de la troisième tranche du projet ; que, dans ces conditions, le Centre hospitalier d'Agen n'a pas porté au droit des auteurs de ce projet architectural une atteinte justifiant l'octroi d'une réparation.

29.  Y compris dans le cadre du 1% décoration

Cour administrative d'appel de Bordeaux, N° 93BX00548, Publié aux Tables du Recueil Lebon, 4 juillet 1994, DOUSTALY

Considérant qu'il est constant que la ville de Nîmes a fait réaliser par un artiste de son choix la décoration du lycée conçu par M. DOUSTALY sans consulter ce dernier ; que, toutefois, le requérant n'apporte pas d'élément permettant au juge d'apprécier si et dans quelle mesure la décoration ainsi réalisée sans son accord a dénaturé son projet ; que, par suite, il n'établit pas que l'initiative prise par la ville a porté au droit dont il dispose de voir respecter son oeuvre une atteinte de nature à lui ouvrir un droit à réparation ; qu'une telle atteinte ne saurait résulter de la seule circonstance que la ville n'a pas suivi la procédure définie par l'arrêté ministériel du 15 mai 1975, alors applicable, relatif aux travaux de décoration des bâtiments d'enseignement au titre du 1 %.

 

Protection du droit patrimonial de l’auteur de l’œuvre architecturale

 

Étendue du droit patrimonial

30.  Profit pécuniaire

L'architecte a le droit de tirer un profit pécuniaire de la reproduction de l’œuvre architecturale.

Ce droit s’exerce essentiellement, outre le cas de l’utilisation de plans pour la construction d’un nouvel immeuble, dans la reproduction des immeubles par photographies et autres moyens de fixation de l’image.

Limites à la protection du droit patrimonial

31.  Lieu public

Il est désormais de principe que la représentation ou la reproduction d'une œuvre de l'esprit sans le consentement de son auteur est permise lorsque cette œuvre est située dans un lieu public et qu'elle est accessoire par rapport au sujet principal représenté ou traité (Cass. 1re civ., 4 juill. 1995, n°93-10.555, Société Antenne 2/Spadem : Bull. civ. I, n°295). Le caractère accessoire de la représentation est apprécié souverainement par les juges.

32.  Droit du propriétaire sur son immeuble

La Cour de cassation a d’abord considéré que le propriétaire a la faculté de s’opposer à ce qu’un tiers exploite l’image de son immeuble sous forme de photographies. Elle s’appuie sur le caractère exclusif du droit de propriété pour admettre, dans le cas d’une utilisation non autorisée, l’existence d’une atteinte au droit de jouissance du propriétaire sur son bien et lui permettre, à ce titre, de réclamer des dommages-intérêts (Cass. 1re civ., 10 mars 1999, n° 96-18.699, n° 650 P + B + R, Pritchett/Société Éditions Dubray : Bull. civ. I, n°87).

Ce droit du propriétaire à l'exploitation commerciale de l'image de son immeuble cohabite avec celui de l’auteur de l’œuvre architecturale. Le propriétaire ne peut ainsi interdire l’exploitation et la diffusion de l’image de son immeuble que si les agissements sont effectués à titre commercial. En présence d’une exploitation jugée non lucrative, il lui incombe d’établir un trouble certain à ses droits d’usage ou de jouissance pour prétendre à une indemnisation (Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n°99-10.709, Comité régional du tourisme de Bretagne/SCI Roch Arhon). Par ailleurs, les juges exigent que l’image du bien en question soit le sujet principal de la reproduction (Cass. 1re civ., 25 janv. 2000, n° 98-10.671, sté Phot’imprim).

Puis la Cour de cassation est revenue sur sa position en indiquant que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci. Elle considère que le propriétaire ne peut s’opposer à l’utilisation de celle-ci qu’à la seule condition qu’elle lui cause un trouble anormal. En application de ce principe, le propriétaire d’un hôtel particulier dont la photographie avait été reproduite, sans son autorisation, dans un dépliant publicitaire, a été débouté de sa demande en indemnisation, faute d’avoir établi l’existence d’un tel trouble. Cette solution marque donc une nouvelle orientation de la jurisprudence, le propriétaire perdant, semble-t-il, le droit de s’opposer, en toutes circonstances, à l’utilisation lucrative de l’image de son bien par des tiers (Cass. ass. plén., 7 mai 2004, n° 02-10.450, n° 516, Hôtel de Girancourt / Sté SCIR Normandie)

33.  Droit de l’architecte sur l’image de l’immeuble

Il avait été jugé, à l’inverse, que si l'architecte qui a conçu un immeuble ne lui a pas cédé ses droits de reproduction sur son œuvre, le maître de l'ouvrage ne peut, sans son accord, utiliser l'image de cet immeuble. A ainsi été condamné à des dommages-intérêts pour contrefaçon un maître de l'ouvrage qui a utilisé l'image de son immeuble pour une campagne publicitaire sans avoir obtenu l'accord des architectes ou avoir cité leur nom et qui, sans leur consentement, a employé un logo reprenant, en la déformant, la représentation de la façade (CA Paris, 4e ch. sect. B, 5 mars 1999, Sté civile Fondation Première  c/ SA Forma Plus).

   

 

  

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Dernière modification : 24 January 2008