Ce texte qui se trouvait sur le fronton de la porte de la Kasba a aujourd'hui disparu. Le prince qu'il mentionne organisa, en 1434, une expédition dans l'intérieur des terres et poussa jusqu'à Gafsa où il procé-da à la reconstruction de sa forteresse. La cité connut alors un certain renouveau dont nous retrouvons un écho chez Léon l'Africain ( de son vrai nom Hasan al-Wazzan). Cet auteur rapporte, en effet, qu'à son époque "la ville est complètement repeuplée, mais elle n'a que de modestes constructions à l'exception de quelques mosquées. Ses rues sont très larges et entièrement pavées de pierres noires, comme celles de Naples et de Florence. Les habitants sont policés, mais pauvres parce que trop écrasés d'impôts par le roi de Tunis.

"Il y a 'hors de la ville' una infinite de palmieres, d'oliviers et d'orangers. Les dattes sont les plus belles, les meilleures et les plus grosses qu'on trouve dans toute la province. Il en est de même des olives, aussi fabrique-t-on une huile parfaite, tant comme saveur que comme couleur. Il y a quatre choses de premier choix a Caphsa: les dattes, les olives, les toiles et les poteries" (sic).

Mais, ce renouveau se révéla de courte durée. Gafsa se trouva mêlée aux événements qui agitèrent le royaume durant la première moitié du XVIe siècle. Après une première tentative, elle fut prise le 20 Décembre 1556 par l'armée turque de Darghouth. La période qui a suivi ne fut pas propice à la prospérité. Gafsa l'a vécue tour à tour entre une allégeance de façade aux princes de Tunis et une sédition ouverte pour secouer le joug du pouvoir en place. Hammouda Bey AI-Mouradi prit en personne la tête de la mhalla en 1640 (1050 de l'Hégire) pour la soumettre. Hammouda Pacha Ibn Ali Pacha al -Housseini fit de même 1780 (1194 de l'Hégire). Il marcha sur la ville pour la punir d'avoir pris le parti d'un compétiteur de son père pour le pouvoir et imposa de fortes amendes aux habitants aisés avec à leur tête le cheik Ali Al-Ajouri. Les sources littéraires relatent de nombreux autres épisodes de ce genre qu'il serait fastidieux d'énumérer tous ici. Cette longue période d'instabilité et d'insécurité explique dans une large mesure l'état de profond déclin dans lequel s'est trouvée cette ville de fondation hors du commun le 20 novembre 1881, jour de sa prise par les soldats français commandés par le général Saussier après une forte résistance et de violents affron-tements. Les trois-quarts de siècle qui suivront, introduiront d'importants bouleversements et auront de graves conséquences sur la ville traditionnelle et sur son tissu urbain.

La dite médina, qui n'a d'arabe que le nom et quelques mosquées, va alors voir naître à ses côtés des quartiers de type européen. Elle va voir également l'introduction en son sein de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux de construction qui ne manqueront pas, au moins partiellement, d’altérer son authenticité et de modifier son aspect.


La Grande Mosquée
« Sidi Saheb El Waket »

 

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Cependant, cette cité, plusieurs fois séculaire, a conservé de très nombreuses traces qui rappellent beaucoup plus l'urbanisme des villes numides telles que Thugga (Dougga) ou Thubursicum Bure (Téboursouk) que celui des villes arabo-islamiques tel qu'il est décrit dans les manuels. Toutefois, peu de choses rappelle aujourd'hui à celui qui visite la ville sa fondation divine et son long et riche passé. A l'exception de quelques parties des bassins appelés communément, mais improprement, "piscines romaines", dans lesquels sont recueillies les eaux de quelques unes des sources qui assuraient depuis la haute Antiquité et jusqu'il y a peu l'approvisionnement en eau d'agglomération ainsi que l'irrigation de l'oasis, aucun monument de Capsa la numide, ni de Capsa l'africo-romaine n'est parvenu jusqu'à nous. Tous ont été ruinés et leurs matériaux réutilisés. Même l'arc d'époque romaine qui a été signalé par de nombreux voyageurs et qui a survécu jusqu' au début du siècle dernier a fini par connaître le sort des autres monuments antiques.

Il a été détruit. C'est que la médina a été de tout temps en grande partie con-struite ou reconstruite avec des éléments (chapiteaux, colonnes, bases de colonne, pierres de taille, stèles funéraires, etc.) pris dans les monuments antérieurs. Pour s'en rendre compte, il suffit de faire le tour de ce qui reste de la Kasba , ou d'entrer dans la salle de prière de la grande mosquée, ou, tout simplement, de flâner dans les ruelles et de re-garder les murs des maisons qui n'ont pas reçu d'enduit. Mais cela reste tout de même bien peu pour permettre de se faire une idée proche de la réalité du long, riche et quelques fois mouvementé passé de la ville. En l'absence d'une exploration scientifique et systématique du son sous-sol, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, d'évaluer l'importance et la valeur des vestiges de la cité antique qui y sont encore enfouis. Tou-tefois, grâce à des découvertes sporadiques, il est permis d'ores et déjà de fixer de manière sommaire les grandes lignes de l'extension de la cité antique. Des sépultures et des stèles funéraires d'époque romaine ont été retrouvées dans trois endroits différents. Le premier est situé sur les pentes qui surplombent les vergers de la Magsla. Le second se trouve à l'emplacement occupé depuis maintenant plus de trente ans par le jardin municipal de la Msila (jardin Habib Bourguiba). Enfin, le troisième qui vient d'être localisé il n'y a pas très longtemps, est celui sur lequel s'élèvent désormais les nouveaux locaux de la Maison de la Radio Régionale de Gafsa. Ces découvertes nous fournissent des rensei-gnements très précieux pour localiser les nécropoles qui devaient entourer la ville des vivants et en constituer les limites. Entre ces deux zones, la Magsla et la Msila d'un côté et celle de la Maison de la Radio de l'autre où étaient situées les nécropoles, devait s'étendre l'agglomération antique.