La découverte, il y a plus d'un siècle, de la célèbre mosaïque du cirque - aujourd'hui conservée au Musée National du Bardo à Tunis - à quelques dizaines de mètres à l'Est de la Kasba et celle de la "mosaïque de la Hara ", mise au jour lors de travaux de voirie effectués par les services municipaux au cours des années 60 du XXe siècle dans une ruelle du quartier de la Hara , ne font que confirmer cette conclusion. Dire que la ville antique avait, à quelques détails près, la même étendue que la "médina" ne nous parait pas une affirmation gratuite et encore moins hasardeuse. Il est donc légitime de considérer tout le sous-sol de cette "médina" comme un terrain à potentiel archéologique certain et que les vestiges qu'il renferme constituent la source irremplaçable pour la con-naissance de la Capsa numide et de la Capsa romaine et tardo-antique. Mais il n'y a pas que le sous-sol qui est susceptible de fournir des renseignements sur la ville antique. L'étude de certains monuments encore existants et de certains quartiers peut, elle aussi, être d'une grande utilité pour le chercheur. Les dites "piscines romaines" constituent à cet égard un cas privilégié et ce malgré les nombreuses transfor-mations et restaurations dont elles ont fait l'objet à travers les siècles. Les sources qui y sourdent ont été sans aucun doute l'une des raisons principales de la fondation de la ville. Le rôle qu'elles ont pu remplir durant des siècles et des siècles, tant pour l'approvisionnement en eau de la population que pour l'irrigation de l'oasis, leur a conféré un caractère sacré. Pour la période numide, aucun document n'atteste, du moins pour le moment, cette sacralité des sources. Par contre, pour la période ro-maine, une inscription latine dont des fragments sont réutilisés dans le mur sud du petit bassin, nous révèle que ces sources étaient placées sous la protection du dieu Neptune et des Nymphes. En voici la traduction:
"A Neptune et aux Nymphes, consécration. Gnaius Iunius ---?, fils de Gnaius, de la tribu Papiria, a fait, à ses frais, construire un aqueduc et aménager la source et a dédié". Le sacrifice sanglant qui était offert à ces divinités païennes à l'occasion des curages réguliers s'est tellement ancré dans les habitudes de la population et dans le subconscient collectif qu'il a continué, après des siècles de christianisme et par la suite d'Islam, à être pratiqué jusqu'il y a quelques dizaines d'années. Cet ensemble a donc été le cœur de la ville depuis sa fondation jusqu'à l'époque contemporaine. Peu de monuments, soit à Gafsa même, soit dans le reste du pays, peuvent se flatter d'un rôle aussi essentiel dans la vie d'une ville et d'une aussi longue durée qui frise la pérennité. Un autre monument est lui aussi digne d'intérêt en tant que témoin d'une large tranche de la longue histoire de la cité. Il s'agit de la Kasba. Malgré les atteintes et les empiètements qui lui ont été portés par la construction du Palais de Justice, puis du siège de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale, puis tout récemment du théâtre de plein air, cet édifice porte dans ce qui reste de ses murs extérieurs et surtout dans la partie non perturbée de son espace intérieur des témoignages d'une extrême importance sur la vie de la cité. Dans l'état actuel de notre connaissance, nous ne savons pas si le site a été déjà occupé à l'époque numide bien que les sources qui y sourdent militeraient en faveur d'une telle hypothèse. A l'époque romaine, il semble qu’un édifice thermal d'une certaine importance fut construit à cet endroit. C'est du moins ce que laissent supposer à la fois des parties du tarmil actuel ainsi que le nom même donné par la population à cet établissement et qui de toute évidence dérive du nom latin.

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A l'époque byzantine, le patrice Solomon édifia à côté des thermes une imposante forteresse, ancêtre de la Kasba actuelle. Celle-ci est le dernier avatar de la forteresse de l'époque médiévale et moderne. Considérée encore à la fin du XIXe siècle comme ''l'une des plus belles de Tunisie", elle a été durant sa longue histoire mille fois rasée et mille fois reconstruite pour défendre la ville et protéger sa population. Elle servit également à nombreuses reprises comme base à des pouvoirs étrangers pour tenir en main la cité et sa région. Ce qui en reste de visible aujourd'hui ne reflète que de manière très imparfaite le rôle et la place que ce monument a eu pendant des siècles et jusqu'à l'indépendance du pays dans la vie de la ville.

De tout ce qui précède, il apparaît clairement que pour une saine compréhension de l'urbanisme de la médina actuelle, une bonne connaissance de celui de la ville antique et de son organisation est indispensable. La superficie dans les deux cas est à peu près la même. Des monuments ont gardé les mêmes fonctions de l'Antiquité à nos jours. Il n'est pas impossible qu'à l'examen, même les artères principales qui traversent le tissu urbain de la ville traditionnelle ne s'avèrent, elles aussi, ayant une origine qui remonte à l'époque numide! L'étude attentive des monuments principaux de la médina (grande mosquée, zaouias, demeures, rues et ruelles, etc…) et de leur implantation ainsi qu'un recours à la toponymie locale sans oublier l'apport capital de l'exploration du sous-sol ne manqueront pas d'apporter à cette question fondamentale une réponse satisfaisante.