La mobilisation enfle contre un cinquième mandat du président algérien gravement handicapé.

C'est une marée humaine sans précédent dans le pays qui s'est déversé à Alger et dans les principales villes du pays, vendredi, pour réclamer le retrait de la candidature à la présidentielle du 18 avril du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier était respecté dans le pays pour son rôle dans la fin de la guerre civile (1991-2002) qui a fait environ 200.000 morts, mais n'est plus apparu en public depuis son hémorragie cérébrale de 2013.

Evolution des revendications

Forte de dizaines de milliers d'Algériens descendus dans la rue, la mobilisation, sans incidents signalés, était ce vendredi largement supérieure à celle des  manifestations des deux derniers vendredis à Alger, pourtant déjà massives, ainsi qu'à Oran et Constantine.

Les autorités ont ordonné en début de journée la suspension du métro et du trafic ferroviaire à Alger sans fournir d'explications. Dans certains quartiers périphériques de la capitale, des propriétaires de véhicules ont organisé des navettes pour transporter ceux qui voulaient manifester vers le centre-ville.

 

Les slogans illustraient une radicalisation des revendications perceptible depuis le  dépôt par procuration de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika dimanche dernier : si les manifestants se contentaient, au lancement du mouvement le 22 février, de refuser un cinquième mandat du chef de l'Etat, certains réclament désormais que  tout le système politique « dégage » . Les manifestations coïncidant avec la célébration du 8 mars, Journée internationale des Femmes, nombre d'entre elles ont défilé aux cris de « Pouvoir, assassin ».

 

Fissures au sein du régime

Les réseaux sociaux ont diffusé les « 18 commandements des marcheurs du 8 mars » écrits par l'écrivain Lazhari Labter : « Pacifiquement et tranquillement je marcherai », « A aucune provocation je ne répondrai », « Les baltaguias (casseurs payés par le pouvoir) j'isolerai et à la police je les remettrai », « Pas une pierre je ne jetterai, pas une vitre je ne briserai », « Après la marche [...] je nettoierai »...

Signe de  fissures au sein du régime , sept députés du Front de libération nationale (FLN), qui dirige le pays depuis son indépendance, ont annoncé leur départ du parti et ont rejoint la contestation, à laquelle ont participé plusieurs candidats à la présidentielle du 18 avril dont le maintien est désormais clairement menacé. Et en cette journée de prières, l'un des imams les plus respectés du pays a rompu avec un usage bien établi et n'a pas adressé de prière à l'intention du chef de l'Etat...

Yves Bourdillon
@yvesbourdillon