Eswatini. Des dizaines de personnes tuées, torturées et enlevées dans un contexte d’intensification des manifestations en faveur de la démocratie

Le gouvernement de l’Eswatini s’est lancé dans une répression impitoyable des droits humains en réaction aux manifestations en faveur de la démocratie, et des dizaines de personnes ont été tuées et beaucoup d’autres torturées, arrêtées ou enlevées, a déclaré Amnesty International le 2 juillet.

Le gouvernement de l’Eswatini mène une attaque frontale contre les droits humains en réaction aux manifestations actuelles en faveur de la démocratie. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées pour avoir osé demander à leur gouvernement de respecter les droits humains.

Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

« Le gouvernement de l’Eswatini mène une attaque frontale contre les droits humains en réaction aux manifestations actuelles en faveur de la démocratie. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées pour avoir osé demander à leur gouvernement de respecter les droits humains, et un grand nombre d’entre elles étaient des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains », a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

« Nous demandons aux autorités de l’Eswatini de mettre fin à cette répression de plus en plus féroce, et de veiller à ce que la population du pays puisse exercer pacifiquement ses droits humains, y compris en lui permettant d’exprimer librement ses opinions sans crainte de violentes représailles. »

Il a été confirmé qu’au moins vingt personnes ont été tuées par les forces de sécurité gouvernementales jusqu’à présent, et l’on est sans nouvelles de six autres personnes ayant participé aux manifestations. Au moins 150 protestataires ont été hospitalisés pour des blessures, y compris pour des blessures par balle, la police ayant tiré sur eux à balles réelles.  

Des actes de violence ont été commis en lien avec les manifestations, mais les autorités auraient dû réagir de façon ciblée et proportionnée, et respecter et protéger le droit de réunion pacifique des personnes qui manifestaient pacifiquement. Depuis qu’ont débuté les manifestations, le mois dernier, les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains sont en butte à une campagne d’intimidation bien orchestrée ; ils sont notamment soumis de façon illégale à une surveillance avec des hélicoptères qui survolent leurs maisons.

Plusieurs dizaines de protestataires sont morts aux mains des forces de sécurité qui ont été déployées pour étouffer les mouvements de protestation en faveur de la démocratie. La police et les soldats ont utilisé une force excessive, procédant notamment à des tirs à balles réelles pour réprimer les manifestations.

Amnesty International a obtenu de sources officielles les noms de plus de 20 personnes qui ont été tuées par les forces de sécurité gouvernementales jusqu’à présent, et l’on est sans nouvelles d’au moins six autres personnes. Des corps qui se trouvent au Dups Funeral Home and Crematorium, à Manzini, n’ont pas encore été identifiés. Plus de 150 personnes ont été hospitalisées et sont soignées pour des blessures par balle à Mbabane et à Manzini.

Amnesty International demande aux autorités de l’Eswatini de permettre à des médecins et à des médecins légistes indépendants d’avoir accès aux corps des personnes tuées, et de veiller à ce qu’ils puissent réaliser des examens médicaux complets pour confirmer la cause de leur mort.

Les autorités doivent mener dans les meilleurs délais des enquêtes exhaustives, impartiales, transparentes et indépendantes au sujet des informations faisant état d’un recours à une force excessive, et déférer à la justice dans le cadre d’un procès équitable toute personne soupçonnée d’en être responsable.

Deprose Muchena, Amnesty International

« Les autorités doivent mener dans les meilleurs délais des enquêtes exhaustives, impartiales, transparentes et indépendantes au sujet des informations faisant état d’un recours à une force excessive, et déférer à la justice dans le cadre d’un procès équitable toute personne soupçonnée d’en être responsable. »

Coupure de l’Internet et répression de la dissidence

Depuis le début des manifestations, les autorités de l’Eswatini travaillent avec des entreprises de télécommunications indépendantes comme la multinationale MTN pour imposer une coupure des communications et de l’Internet afin de restreindre le partage d’informations en ligne. Amnesty International demande qu’il soit mis fin à cette coupure des télécommunications, qui constitue une violation flagrante des droits à la liberté d’expression et d’information.

Plusieurs centaines de manifestant·e·s ont été arrêtés et inculpés, notamment pour des atteintes intentionnelles aux biens, et une crise est en vue de surpeuplement des prisons dans un contexte de pandémie de COVID-19.

Les autorités instrumentalisent la législation pour écraser la dissidence, cherchant ainsi délibérément à étouffer les appels à des réformes en matière de droits humains.

Deprose Muchena, Amnesty International

« Les autorités instrumentalisent la législation pour écraser la dissidence, cherchant ainsi délibérément à étouffer les appels à des réformes en matière de droits humains », a déclaré Deprose Muchena.

Informations complémentaires

Des manifestations ont débuté le mois dernier dans le Royaume d’Eswatini, après la mort dans des circonstances mystérieuses, en mai, d’un étudiant en droit de 25 ans, Thabani Nkomonye, qui aurait été tué par la police. Son corps a été retrouvé dans un champ à Nhlambeni, à une dizaine de kilomètres de Manzini. Les manifestant·e·s demandent des réformes, sous l’impulsion de jeunes militant·e·s, dans un pays où l’activisme politique est réprimé depuis des années.

L’Eswatini est la dernière monarchie absolue du continent africain. Les autorités se servent de lois répressives, notamment de la Loi de 1938 relative à la sédition et aux activités subversives et de la Loi de 2008 relative à la répression du terrorisme, pour réduire au silence les personnes qui les critiquent. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s politiques sont emprisonnés depuis de nombreuses années simplement parce qu’ils ont dénoncé la répression de la dissidence.