Égypte. La répression contre les défenseur·e·s des droits humains se poursuit sur fond d’enquête sur les «financements étrangers»

En réaction aux informations selon lesquelles le juge d’instruction chargé de l’affaire 173 de 2011, aussi appelée affaire des « financements étrangers », a interrogé ces dernières semaines au moins cinq responsables d’ONG au sujet de leur travail relatif aux droits humains, Amna Guellali, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International, a déclaré :

« Depuis des années, les autorités égyptiennes mènent sans relâche une offensive contre le mouvement des droits humains assiégé en Égypte. Au lieu de répondre aux appels les invitant à clore l’affaire 173 qui dure depuis 10 ans et à lever les interdictions arbitraires de voyager et les gels d’avoirs imposés à des défenseur·e·s des droits humains, elles poursuivent leurs enquêtes pénales à caractère politique.

« Il est grand temps qu’elles cessent de se servir du système judiciaire pour harceler les défenseur·e·s des droits humains en raison de leur travail légitime et prennent des mesures afin de répondre à la crise des droits humains qui se durcit, en commençant par libérer les milliers de personnes détenues arbitrairement en raison de l’exercice de leurs droits ou sur la base de procédures des plus iniques.

Depuis des années, les autorités égyptiennes mènent sans relâche une offensive contre le mouvement des droits humains assiégé en Égypte.

Amna Guellali, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International

« La communauté internationale doit faire pression sur les autorités égyptiennes afin qu’elles closent l’affaire 173 une bonne fois pour toutes, lèvent les interdictions de voyager et les gels d’avoirs injustifiés, libèrent immédiatement et sans condition les défenseur·e·s des droits humains détenus et respectent le droit à la liberté d’association. »

Depuis le 15 juillet, le juge d’instruction chargé de l’affaire 173 a interrogé au moins cinq défenseur·e·s des droits humains au sujet du travail de leurs organisations, du financement et des impôts, notamment Gamal Eid, directeur du Réseau arabe pour l’information sur les droits humains, Hossam Bahgat, fondateur et directeur de l’Initiative égyptienne pour les droits individuels (EIPR), Mozn Hassan, qui dirige Nazra pour les études féministes, Azza Soliman, directrice du Centre d’assistance juridique aux Égyptiennes, et Negad al Borai, avocat spécialiste des droits humains.  

Amnesty International est particulièrement préoccupée par l’utilisation d’investigations menées par la tristement célèbre Agence nationale de sécurité, accusant les défenseurs des droits humains et leurs associations d’incitation de la population contre les institutions de l’État et d’avoir joué un rôle majeur dans le soulèvement du 25 janvier et les manœuvres visant à détruire l’État. Dans ses dossiers d’enquête, l’Agence nationale de sécurité a inclus les versions imprimées de rapports et de déclarations sur la situation des droits humains en Égypte publiées par ces organisations comme preuves de leur intention de nuire à l’État.

Complément d’information

Depuis 2014, des juges d’instruction supervisent une information judiciaire sur le travail et les sources de financement étranger des ONG locales et ont gelé les avoirs de sept organisations et 10 défenseur·e·s des droits humains, dans le cadre de l’affaire 173. Au moins 31 défenseur·e·s et membres du personnel d’ONG sont visés par une interdiction de se rendre à l’étranger pendant cinq ans. Les tribunaux ont rejeté plusieurs recours déposés par des défenseur·e·s contre les mesures restrictives prises à leur encontre.

En décembre 2018, un tribunal a acquitté 43 employé·e·s de la société civile, égyptiens et étrangers, lors d’un nouveau procès dans le cadre de la première phase de l’affaire dite des « financements étrangers », qui remonte à 2011, en lien avec le travail des organisations internationales en Égypte ; un tribunal les avait précédemment condamnés à des peines comprises entre un et cinq ans de prison en juin 2013. Toutefois, les enquêtes pénales menées sur les ONG égyptiennes se poursuivent.