Vue d’ensemble

La mondialisation a changé le monde dans lequel nous vivons. Elle présente de nouveaux défis complexes pour la protection des droits humains.

Les acteurs économiques, notamment les entreprises opérant au-delà des frontières nationales, ont acquis un pouvoir et une influence sans précédent dans le monde entier.

Les entreprises ont un impact énorme sur la vie des gens et les lieux où elles sont présentes. Cet impact est parfois positif : des emplois sont créés, de nouvelles technologies améliorent des vies et l’investissement sur place se traduit par des bénéfices réels pour les habitants.

Cependant, Amnesty International a mis en évidence de nombreux cas où des entreprises tirent parti d’une réglementation locale peu stricte et mal appliquée, au détriment de la population et de la collectivité.

Il existe peu de mécanismes efficaces, aussi bien au niveau national qu’à l’échelle internationale, permettant d’empêcher les entreprises de commettre des atteintes aux droits humains ou de les obliger à rendre des comptes. Amnesty s’attelle à y remédier.

À Bodo, une localité du pays ogoni, au Nigeria, deux déversements d’hydrocarbure (en août et décembre 2008) ont détruit les ressources de milliers de personnes. Du pétrole s’est écoulé par des brèches de l’oléoduc Trans-Niger pendant plusieurs semaines, recouvrant la zone d’une épaisse nappe. Amnesty et le Centre pour l’environnement, les droits humains et le développement (une ONG partenaire) ont collaboré avec la population pour amener la société responsable – Shell – à nettoyer ses dégâts et à verser des indemnités satisfaisantes. En décembre 2014, la population de Bodo a enfin remporté une victoire attendue de longue date lorsque Shell a payé 55 millions de livres Sterling de dommages et intérêts, un montant sans précédent, à l’issue d’une action en justice au Royaume-Uni.

« Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à la conclusion de cette affaire, notamment aux diverses ONG, dont Amnesty International, qui nous sont venues en aide », a déclaré Sylvester Kogbara, président du Conseil des chefs et des anciens de Bodo.

Des enfants se tiennent devant l’ancienne usine d’Union Carbide à Bhopal, en Inde, le 1er décembre 2012. © Giles Clarke/Getty Images Reportage

Les questions qui se posent

Les États ont l’obligation de protéger les droits humains. Cependant, nombreux sont ceux qui ne le font pas, surtout lorsque des activités d’entreprises sont en jeu – par manque de moyens, par dépendance vis-à-vis de l’entreprise en tant qu’investisseur ou par corruption pure et simple.

L’injustice institutionnalisée

Les entreprises opérant à l’échelle internationale sont souvent impliquées dans de graves atteintes aux droits humains, telles que le travail forcé ou l’éviction de populations.

Sans surprise, ces atteintes sont particulièrement prononcées dans l’industrie extractive, où les entreprises sont en concurrence pour exploiter des ressources limitées et précieuses. Des moyens de subsistance traditionnels sont détruits lorsque des terrains sont contaminés et des eaux polluées en pays ogoni, au Nigeria. L’impact peut être particulièrement grave pour les populations autochtones, car leur mode de vie et leur identité sont souvent étroitement liés à leur environnement.

Il est fréquent que les populations concernées n’aient pas accès aux informations relatives à l’impact des activités d’entreprises et se retrouvent exclues de la prise de décisions qui ont une incidence sur leur vie.

Bien que la responsabilité qui incombe aux entreprises de respecter les droits humains soit aujourd’hui généralement reconnue, il arrive trop souvent que des profits soient faits au détriment des droits humains. Malgré l’existence de lois permettant d’engager des poursuites contre les entreprises dans de nombreux pays, les autorités enquêtent rarement sur les agissements illicites de celles-ci.

Lorsque des populations tentent d’obtenir justice, elles se heurtent à l’inefficacité des systèmes judiciaires, à la difficulté d’accéder aux informations, à la corruption et aux liens forts qui existent souvent entre États et grandes entreprises. Malheureusement, quand les personnes défavorisées ne peuvent obtenir justice, les entreprises en déduisent qu’elles peuvent exploiter la pauvreté en toute impunité.

Ce que demande Amnesty International

• Prévention : que toutes les entreprises soient tenues légalement de prendre des mesures pour identifier les atteintes aux droits humains, les prévenir et y remédier (principe de la diligence requise).
• Obligation de rendre des comptes : que les entreprises soient amenées à répondre des atteintes qu’elles commettent.
• Réparations : que les personnes dont les droits ont été bafoués par des entreprises puissent accéder à la justice et à des recours effectifs pour obtenir réparation.
• Protection des droits au-delà des frontières : étant donné que les entreprises opèrent à l’échelle internationale, il faut que la législation s’applique également au-delà des frontières pour protéger les droits des personnes.

La moyenne du montant versé pour avoir tué et empoisonné la population de Bhopal est de 1 000 dollars par personne. Quelle insulte ! Amenez Union Carbide devant la justice. #whereartdhow

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L’absence de responsabilisation

Les entreprises font pression sur les États pour qu’ils créent des investissements internationaux, des échanges commerciaux et des lois fiscales qui protègent leurs intérêts. En revanche, elles sont souvent hostiles à toute évolution du droit international et des normes internationales visant à protéger les droits humains dans le contexte des activités des entreprises.

Elles tirent parti des faiblesses de la réglementation, notamment dans les pays en développement, et ce sont souvent les populations les plus pauvres qui risquent le plus d’être exploitées. Les États ont l’obligation de protéger les personnes des atteintes aux droits humains, y compris lorsqu’elles sont commises par des entreprises. Toutes les entreprises doivent être réglementées pour empêcher la quête du profit au détriment des droits humains.

À Bhopal, 30 ans de lutte pour que justice soit rendue

À une certaine époque, on l’appelait la cité des Lacs. Mais depuis cet accident, Bhopal s’est inscrite dans l’histoire comme le site de l’une des pires catastrophes industrielles du monde.

En 1984, une fuite de gaz toxique dans cette ville du centre de l’Inde a fait plus de 20 000 morts et empoisonné plus d’un demi-million de personnes. Trente ans après, cette tragédie est devenue un cauchemar pour les droits humains, dans lequel les victimes et les militants luttent sans relâche pour que justice soit rendue.

Cette bataille est digne du mythe de David et Goliath, avec d’un côté des milliers de personnes qui ont survécu à la fuite de gaz et tentent d’obtenir la vérité, la justice et des réparations, et de l’autre les multinationales Union Carbide et Dow, ainsi que les gouvernements américain et indien qui les protègent de fait.

Pour évoquer ce qui s’est passé à Bhopal et la lutte qui se poursuit depuis trois décennies, nul n’est mieux placé que les personnes qui en sont les plus proches : les victimes et ceux qui les soutiennent.


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