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Économie

Les redoutables réseaux de Macron

Le ministre de l’Economie a tissé de solides relations partout où il est passé : ENA, Elysée, commission Attali, clubs d’économistes. Moins chez les élus.
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Jean-Pierre Jouyet et Emmanuel Macron, le 27 août, à la sortie du conseil des ministres.
Maxppp

C’est un sourire qui en dit long. Alors qu’il égrène les noms des ministres sur le perron de l’Elysée, le visage de Jean-Pierre Jouyet s’illumine subitement à l’évocation d’Emmanuel Macron. L’air satisfait de celui qui a réussi son coup. Depuis, le secrétaire général s’est fendu de plusieurs coups de fil dans les ministères pour bien insister sur le fait que, dorénavant, les dossiers économiques passent d’abord par Macron. Jouyet n’a jamais lâché son protégé depuis qu’il a été son chef à l’inspection des finances, entre 2005 et 2007. C’est déjà lui qui avait suggéré son nom à Jacques Attali pour être rapporteur de sa commission sur la croissance. Et si Attali a fait les présentations avec François Hollande, c’est bien Jouyet qui a œuvré à leur rapprochement avant la primaire socialiste.

Technos brillants, dotés d’un sens politique aigu, le "secgen" de l’Elysée et son poulain forment une redoutable machine d’influence, dont la ligne sociale-libérale est enfin assumée par l’exécutif. Il n’empêche, Macron est attendu au tournant : nommé à la tête de Bercy sans jamais avoir été élu, son profil de jeune loup de la finance passé par Rothschild lui vaut, depuis une semaine, les quolibets d’une partie de la gauche. Face aux attaques, Macron pourra se reposer sur son atout maître, l’un des plus beaux réseaux de la République.

Nul doute que l’ascension éclair du ministre de 36 ans doit beaucoup à ses talents d’entremetteur et à son relationnel. "Emmanuel est un grand séducteur, confirme un proche. Il écoute beaucoup et vous donne toujours l’impression que vous êtes son meilleur ami, même si ce n’est pas le cas." Ses aînés l’adorent, que ce soit le sexagénaire Jouyet ou Michel Rocard, son premier mentor en politique, malgré leur demi-siècle d’écart.

Rivalités avec Michel Sapin

Lorsqu’il était secrétaire général adjoint à l’Elysée, Macron a ainsi su se faire apprécier de certains poids lourds du gouvernement sans être du sérail politique. Il a notamment tapé dans l’œil de Manuel Valls, qui avait déjà proposé au président de le nommer au Budget lors du remaniement d’avril. Les deux hommes ne se connaissaient pas avant 2012. Mais leurs lignes économiques sont proches et ils partageaient le même agacement à l’égard du fonctionnement de Matignon sous Jean-Marc Ayrault. Macron s’entend aussi très bien avec Bernard Cazeneuve, passé du Budget à l’Intérieur, et avec Laurent Fabius, le patron du Quai d’Orsay, qu’il a connu en 2009 lors d’un voyage au Chili, au Forum du progressisme, pour le compte de la Fondation Jean-Jaurès. En revanche, ses rapports avec le ministre des Finances Michel Sapin, autre fidèle de François Hollande, ne sont pas exempts de rivalités.

Mais c’est surtout au sein des cabinets ministériels et de l’administration que le réseau Macron est le plus étendu. "Jeune inspecteur des finances, il multipliait déjà les petits déjeuners informels, nouait des contacts avec les cabinets de droite et les directeurs de Bercy", raconte un ex-collègue. A l’IGF, il se lie d’amitié avec Pierre Heilbronn, un autre protégé de Jouyet, qui est aujourd’hui directeur adjoint du cabinet de Michel Sapin aux Finances. Plus récemment, durant la campagne de 2012, Macron s’est aussi rapproché de l’économiste de l’Insee Sandrine Duchêne, qui l’a ensuite suivi à l’Elysée avant de devenir directrice adjointe du Trésor.

Aux contacts noués à Bercy, il faut ajouter les petits camarades de la fameuse promo Sédar Senghor de l’ENA, au sein de laquelle Macron était assez populaire. Avant le remaniement, on en comptait pas moins de treize dans les cabinets ministériels, dont cinq directeurs de cabinet. Le ministre est surtout proche des "académiciens", ce petit groupe de potes qui avaient l’habitude de s’encanailler à L’Académie de la bière, un bar de Strasbourg. Gaspard Gantzer est le plus connu d’entre eux depuis qu’il est devenu le conseiller communication de Hollande à l’Elysée. Trois autres travaillent auprès d’Anne Hidalgo, dont Mathias Vicherat, son directeur de cabinet. Une connexion précieuse, la mairie de Paris étant devenue le principal vivier de recrutement des cabinets socialistes. Il y a enfin Aymeric Ducrocq, en charge de l’industrie à l’Agence des participations de l’Etat dont Macron a désormais la tutelle. Les deux amis ont notamment travaillé ensemble sur le dossier Alstom.

Les économistes qui le suivent

A l’extérieur de l’Etat, c’est surtout grâce à la commission Attali qu’il a pu développer ses réseaux auprès des patrons et des économistes, comme Philippe Aghion, fervent défenseur d’une politique de l’offre. Ensemble, ils ont monté le groupe dit de "La Rotonde" chargé d’alimenter le programme de Hollande, rassemblant des technos et les économistes Elie Cohen, Gilbert Cette et Jean Pisani-Ferry. Déjà, ils prônaient un véritable choc de compétitivité. Mais, à l’époque, Michel Sapin n’a pas retenu l’idée. Prudent, Macron n’a pas bronché. Trop tôt.

Après les élections, trois rencontres avec Hollande suivront. Macron s’en sert pour faire passer des messages. En août 2013, il encourage ainsi les économistes à sensibiliser le président à la surtaxation des entreprises françaises et à vanter les mérites de la fiscalité suédoise. Pisani-Ferry a d’ailleurs été nommé, avec son appui, commissaire général à la Stratégie et à la Prospective, rattaché à Matignon. Et, lorsqu’il quitte l’Elysée, c’est à Aghion que Macron demande de lui trouver un point de chute dans l’enseignement, à Harvard et à la London School of Economics.

Autre économiste qui compte : Marc Ferracci, un ami de Sciences-Po qui fut l’un de ses deux témoins de mariage, avec l’homme d’affaires Henry Hermand. Ce spécialiste du marché du travail a été convié à déjeuner à deux reprises à l’Elysée avec ses confrères Pierre Cahuc et Francis Kramarz, partisans d’une réforme drastique du paritarisme et des professions réglementées. Macron fréquente aussi régulièrement le père de Marc Ferracci, Pierre Ferracci, à la tête du groupe de conseil Alpha, très influent dans la sphère sociale, qui l’a mis en relation avec les principaux leaders syndicaux.

Peu de relations avec les élus

A l’Elysée, Macron s’est aussi employé à combler son manque de relations avec les élus socialistes, son point faible. Il a notamment vu régulièrement Pascal Terrasse. "C’est à partir de nos rencontres que l’on a décidé d’organiser un pôle réformiste, raconte le député de l’Ardèche. L’idée de départ était d’appuyer le rapport Gallois sur la compétitivité et d’éviter qu’il ne soit enterré." Le groupe rassemble à l’époque une petite dizaine de parlementaires, dont Christophe Caresche, Gilles Savary ou Jean-Marie Le Guen, devenu ministre des relations avec le Parlement, qui se retrouvent pour dîner à l’Elysée tous les deux mois.

Une initiative qui a abouti le 26 août au manifeste du pôle des réformateurs lancé par Gérard Collomb, le maire de Lyon. Macron s’est aussi rapproché de Bruno Leroux, patron du groupe PS à l’Assemblée, qu’il voyait tous les mois pour faire le point sur les sujets économiques et sur l’état des troupes. Désormais, l’ex-banquier d’affaires va devoir mouiller sa chemise et imposer son style après l’activisme de son tonitruant prédécesseur, Arnaud Montebourg, populaire au sein de la majorité. 

 

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