Dans une voiture de pompiers

Mutée à Mourmelon-le-Grand, je m’inscris au badminton pour rencontrer du monde. Mais finalement, c’est mon genou qui rencontre le sol. Ça fait « crac » et le responsable du centre sportif appelle les pompiers.

On m’installe sur un brancard direction l’hôpital. Deux pompiers partent dans le poste de conduite, le troisième reste avec moi. Je suis dans le sens inverse de la marche, il y a 30 km avant l’hôpital, je le préviens que je risque d’être malade.

Alors, il me parle. « Au badminton, c’est surtout les Chinoises qui dominent la discipline. » C’est bien un mec ça, il te récite « l’Équipe » alors que tu es en train de souffrir. Je ne me gêne pas pour lui dire que j’ai mal, et pas la tête à discuter sport. Il veut savoir s’il doit prévenir quelqu’un. Je lui réponds que non, je suis seule ici, mes parents habitent à 500 km de là.

« Pas de fiancé ? » Ah ben lui, il y va franco. D’autant qu’il me demande s’il peut faire quelque chose pour moi. J’ai envie de lui répondre que je manque d’air et qu’il peut me faire du bouche-à-bouche tant qu’on y est. Mais je n’ai plus d’humour.

Pire, je m’effondre en larmes. « Ça ne va pas ? » Ma voiture est sur le parking du gymnase, j’ai toutes mes affaires dedans, les clés de mon appartement, mon porte-monnaie dans la boîte à gants, si on me les pique, je n’ai plus rien. Pas de problème, il va s’en occuper. Ah bon ?

Je lui confie mes clés de voiture, lui indique la place où elle est garée. Une fois devant l’hôpital, il m’abandonne aux mains des médecins... Et il disparaît. Soudain, je me dis que je suis dingue, je ne sais même pas comment il s’appelle, ce mec...

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Il est revenu avec ma voiture... et un petit bouquet de fleurs. Le soir même, j’ai accepté son bras pour m’appuyer. Puis son rendez-vous le lendemain. Et sa demande en mariage deux ans plus tard.

Vidéo du jour :

– Aude, 26 ans

Dans le public d'une émission de télé

Quand Thomas me largue par texto alors qu’on vit ensemble depuis deux ans, je décide d’hiberner, même si le beau temps me nargue à la fenêtre. Il n’y a que ma copine Laura que j’ai plaisir à voir, mais elle vient de décrocher un job dans une boîte de prod et a des horaires décalés.

Un jour de gros cafard, je l’appelle : elle est en tournage sur « On n’est pas couché », l’émission de Ruquier. « Mais viens, toi ! » C’est vrai que Ruquier me fait marrer. Enfin, me faisait marrer, avant Thomas, avant le texto...

J'en oublie que j'ai déjà un homme dans ma vie ! 

Bon, j’arrête de pleurer sur mon sort. Pour la première fois depuis deux mois, je me remaquille, c’est Laura qui me le demande car elle espère me mettre au premier rang. Et c’est là qu’on m’installe. J’observe l’agitation, amusée, quand un mec s’assied à côté de moi, avec ordre d’obéir au chauffeur de salle, un sosie de Michael Jackson qui nous explique comment applaudir : « Et la main vient claquer l’autre main, fort, très fort. »

Mon voisin me regarde, comme moi il étouffe un rire. « Je m’appelle Antoine. » Mais chut : « Silence, on tourne ! » Je me tiens droite, me recoiffe. Pour la caméra ? Ou pour Antoine ? Je ne sais pas si c’est un vrai tilt, ou si je suis désespérée au point de me sentir fébrile à moins de 20 cm d’un individu du sexe opposé.

L’enregistrement est hyper long, j’ai chaud et l’impression d’être à l’école, sans pouvoir parler à mon voisin. Ouf, c’est fini, Antoine se lève, il a le dos en compote. Moi aussi. On échange deux ou trois banalités, je lui demande s’il vient souvent. « Première fois, j’ai un copain qui bosse ici. Tiens, c’est lui. » Laura arrive à ce moment-là. En un regard, elle comprend qu’il se passe quelque chose et nous propose d’aller boire un verre.

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Merci qui ? Merci Ruquier.

– Tiphaine, 22 ans

Dans une maison de retraite 

Comme chaque mois, je vais déjeuner avec ma grand-mère au restaurant de sa maison de retraite. Mon pensum du mois.

Ma grand-mère, je l’adore, mais on a des rapports très difficiles. Elle peste contre tout et tout le monde. Sauf contre le grand type qui, ce jour-là, sert les desserts. Jamais vu avant. « C’est Jérôme, mon nouveau. » Typique de ma grand-mère, les gens lui appartiennent !

Elle l’appelle à notre table, elle veut une énorme part de tarte. « Attends, c’est chacun son tour, mamie. » Ce qu’elle m’énerve ! « Non, moi, il m’adore. Je passe avant. » En plus, elle sait tout de lui, il n’est là que pour trois mois, en stage, il prépare un BTS hôtellerie.

Après le café, normalement, je file, mais quand ma grand-mère me dit qu’il tient un stand de crêpes à partir de 16 heures, je ne sais pas pourquoi, quelque chose me pousse à rester. Je n’arrête pas de le regarder, je suis subjuguée par sa gentillesse avec tous ces petits vieux.

Lui aussi me jette des regards en biais. Quand il a fini, il s’assoit avec nous. Je me doute bien que ce n’est pas pour la compagnie de ma grand-mère. Dont je me serais bien passée, vu qu’elle a la délicatesse de préciser que je suis célibataire. Merci mamie. C’est fichu. Mais quand je vais reprendre ma voiture, il est là, à m’attendre sur le parking.

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On vit ensemble depuis quatre ans, et on remercie ma grand-mère tous les jours.

– Laura, 27 ans

Dans ma voiture 

J’ai mon permis depuis deux semaines, et les mains encore moites sur le volant quand il s’agit de faire des manœuvres. Dans cette place à droite, il y a de quoi en garer trois comme ma Twingo, ça devrait aller. C’est parti, clignotant, contrôle rétro, marche arrière, trottoir. Je recommence, le moteur gronde, oups j’étais au point mort. J’ai chaud, je suis rouge, heureusement il n’y a personne derrière moi.

Mais sur le trottoir en face, un mec se marre. Je baisse ma fenêtre et je choisis l’ironie : « Ça rentre ou pas, à votre avis ? » Il explose de rire. Idiot macho, c’est bien ma veine.

En plus, il toque à ma fenêtre. Il veut quoi ? Je descends la vitre : « Je peux le faire à ta place si tu veux. » Oh et puis zut. Je lui laisse le volant, j’en peux plus, je transpire à grosses gouttes. Paul se présente, arrange le siège passager et me propose de m’asseoir à côté de lui : « Tu te rendras mieux compte des distances. » Lui fait ça en un tournemain. Je le remercie.

Il me donne quelques conseils pour la prochaine fois : « Tu commences à braquer quand tu vois l’arrière de la voiture garée... » Je n’écoute plus. Je regarde ses mains, magnifiques. Bon, ma petite Louise, il va falloir y aller, mais lui aussi a l’air de trouver que les sièges de ma Twingo sont confortables.

On discute. Tu fais quoi ? Tu vis où ? J’en oublie que j’ai un homme dans ma vie en stage à Tokyo. Lui qu’il était en train de boire un verre avec des collègues. On passe du temps là, on est bien, jusqu’à ce qu’un de ses potes vienne le chercher : allez, on se bouge !

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Il m’a fallu tout expliquer à l’homme de Tokyo. Mais depuis un mois, celle que ses potes avaient surnommé « Ah c’est toi le créneau ! » a épousé son sauveur.

– Louise, 28 ans

Depuis un an, je tente les sites de rencontre, mais c’est flop sur flop.

Sous la banderole d'une manif

Avec ma copine Susan, on découvre à la télé ce rassemblement « Sauvons la planète ». Le discours de quelques jeunes écolos nous touche. Sauf qu’on n’est pas franchement manif, encore moins « amour, tisane et riz complet ». Mais on décide de les rejoindre en Bourgogne. On file en train, trois heures de voyage, on verra bien pour le retour. Là-bas, on rencontre pas mal de gens sympas.

On scande, on chante à tue-tête. Je tiens une banderole, de l’autre côté un beau brun bouclé. On se sourit. Il engage la conversation. C’est un habitué des manifs et il veut changer le monde. Ça c’est bien. Il a une manière de se passer la main dans les cheveux qui me donne envie d’y glisser la mienne.

Je viens d’où ? Je fais quoi ? Étudiante en droit... Je voudrais être avocate, des droits de l’homme. Lui travaille avec des personnes en situation d’exclusion professionnelle afin de les réinsérer dans la société grâce aux métiers de la restauration. Je suis impressionnée.

Je finis par lui dire que je suis venue sans un sou et que je ne sais même pas comment on va rentrer, avec ma copine. Naturellement, avec son copain, ils nous raccompagneront en voiture, ils habitent à Lille, ils nous lâcheront du côté de Versailles. Mais là je dois tenir la banderole bien droite et crier avec lui.

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Dix-huit mois plus tard, je trie mes ordures et je ne prends que des douches. Mais les manifs, c’est sans moi... depuis que je suis enceinte.

– Lou, 24 ans

Sur le parking d'un supermarché

Lundi midi, je suis fatiguée, j’ai fêté ce week-end mes 28 ans, mais le coeur n’y était pas. Je suis célibataire. Depuis un an, je tente les sites de rencontre, mais c’est flop sur flop.

J’embarque ma collègue Coralie dans ma Clio pour acheter quelque chose à manger à Auchan, le supermarché le plus proche de mon agence de com, à Coignières. Sur le parking, je ralentis pour laisser passer un mec.

« Là, regarde ! », « Quoi, une place ? » me demande Coralie. « Non, regarde ce mec ! » Le mec en question ne me quitte pas des yeux, il sourit, moi aussi. Je dois tourner à droite, et je le perds de vue. J’entre dans le centre commercial, mais je me dis que je ne peux pas le laisser partir comme ça.

C’est ambiance cour de récré, mais je m’en fiche, je veux juste qu’il ait mon numéro.

Je supplie Coralie de le chercher pour lui donner ma carte de visite. C’est ambiance cour de récré, mais je m’en fiche, je veux juste qu’il ait mon numéro. Elle part, avec mon destin sur un carton rose entre les doigts. Quand elle revient, je comprends à son regard qu’elle l’a retrouvé. « Il a dit quoi ? » Rien. Mais alors que je croque dans mon sandwich, je reçois un texto : « Moi, c’est Sylvain, je serai ce soir à 19 heures sur le parking d’Auchan. »

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Sylvain était à Coignières pour une formation, il repartait à Nîmes le lendemain. C’était mal parti ? Non. Rien ne peut arrêter une histoire d’amour.

– Léa, 28 ans  

Aux contrôles de sécurité de l'aéroport

Je reviens d’un an au Mexique, où j’étais fille au pair. J’ai hâte de retrouver ma vie d’avant, même si j’appréhende la suite. Je suis plongée dans ces pensées à l’aéroport de Philadelphie où j’attends ma correspondance quand je repère un mec qui porte le même polo Lacoste turquoise que moi !

Au contrôle des passeports, je me mets loin derrière lui. Mais, à la sécurité, le voilà juste devant moi. Il me sourit. Je me crispe. Il est français, évidemment. De Montpellier. Je m’en fiche. Il revient de vacances à Los Angeles... Mais on nous attend pour passer les contrôles.

Le douanier lui demande s’il a un ordinateur et lui indique où il faut le poser sur le panier. Ah bon. Mais il débarque d’où, ce type ? La ceinture... La montre... Je trépigne en chaussettes à attendre qu’il se déplume. Parce qu’il lui reste encore les baskets à enlever. Waou ! Les chaussettes bleues assorties au polo, je le crois pas.

Et voilà qu’il demande à être assis à côté de moi dans l’avion : « Parce qu’il y a un couple qui veut être ensemble. » Heureusement, entre-temps, j’ai mis un pull... Et je passe huit heures de vol magiques.

Aurélien est hyper drôle, on se raconte nos vies. On lui a volé tout son fric à la frontière mexicaine, et il a dormi dans un squat. Moi qui me voyais comme une baroudeuse, je lui avoue un an chez des milliardaires mexicains. Je me sens totalement à l’aise. L’au-revoir à Roissy est aussi troublant que déchirant. Cinq minutes plus tard, on reprend nos échanges via Facebook.

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Aurélien finit son cursus à Montpellier. J’ai du boulot à Paris. Dès qu’il aura son diplôme, il me rejoindra. Eh oui, l’amour vous tombe dessus là où on s’y attend le moins !

– Marine, 29 ans