Karim Guellaty : « On nous tiraille sur notre islam en France »

 Karim Guellaty : « On nous tiraille sur notre islam en France »

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Karim Guellaty vient de sortir le roman « Heureux comme Abdallah en France » aux éditions Encre de Nuit. Un livre consacré au tiraillement et au parcours initiatique d’un informaticien tunisien qui s’installe en France. L’occasion pour le dirigeant de la société de stratégie et de communication, Infolink, de tenter de comprendre l’islam, la laïcité, la radicalisation, etc.

Le Courrier de l’Atlas : Dans votre roman « Heureux comme un Abdallah en France », pourquoi avoir pris comme point de départ un musulman de Tunisie pour votre livre ? Etait-ce pour le mettre en contraste avec celui de France ?

Karim Guellaty : J’ai privilégié la Tunisie car c’était la pratique de l’islam que je connais le mieux. Je voulais mettre en exergue le fait qu’il y a plusieurs islams : son islam tunisien, l’islam de France, l’islam imposé par un imam, l’islam de youtube, etc.. On retrouve tout au long du livre, cette difficulté chez Abdallah de saisir la bonne voie dans sa ligne de conduite religieuse.

LCDA : Votre personnage est qualifié. Il vient avec sa famille et ses croyances. Quelles sont ses convictions sur la France, la laïcité et le pays d’accueil ?

Karim Guellaty : Il n’en a pas. Il est vierge de toute opinion ou d’à-priori. Abdallah arrive naïvement, avec un petit coté Candide. Très vite, il est perdu. A sa première visite à la mosquée, son imam commence les injonctions : « il faut voiler ta femme et ta fille », « tu vas arrêter d’aller à la piscine avec tes filles », etc.. De l’autre coté, il prend au travail d’autres remontrances. Son chef, Christian ne lui parle que d’Islam. Ce n’est alors plus une religion mais une identité. Les autres le questionnent en ne demandant pas forcément des réponses mais plutôt des excuses.

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LCDA : Quelle part de nous-mêmes y a t’il dans le parcours de cet Abdallah en France ?

Karim Guellaty : Les musulmans de France vivent ce parcours initiatique et de manière de plus en plus criante. Toutes les interrogations sociétales sont les mêmes pour 6 à 8 millions de musulmans en France. J’ai pu apporter des explications grâce au fruit d’un travail de 4 ans d’enquêtes et de témoignages de plusieurs centaines de musulmans en France. Je l’ai écrit pour mes enfants et pour pouvoir trouver des réponses à leurs questions. Je voulais comprendre comment on peut basculer dans un islam rigoriste ou dans le terrorisme. Il existe des thématiques (voile, wahhabisme, rapport à la laïcité, etc..) qui sont autant de points de bascule s’ils ne sont pas expliqués.

LCDA : Votre personnage est confronté à plusieurs radicalités (l’islam rigoriste, la laïcité exacerbée, etc..). Est-ce volontaire ?

Karim Guellaty : Je voulais démontrer que le musulman en France vit une politisation de l’islam et de la laïcité. Il est sur un chemin de crête, très délicat. Nous ne sommes pas tiraillés. On nous tiraille sur notre islam en France. Le débat n’est pas apaisé du tout. A la base, la laïcité est une garantie par l’Etat de pouvoir pratiquer son culte librement. Chaque parti politique en France en a son explication et on en perd son latin. Ensuite, le Coran ne pose pas de problème. Ce sont les yeux qui le lisent qui peuvent en avoir. Ceux qui parlent d’expurger des passages violents du livre saint, sont des personnes qui méconnaissent totalement le Coran.

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LCDA : Pour vaincre le radicalisme religieux, quelles sont les solutions ?

Karim Guellaty : Le fléau est multifactoriel. Donc, la solution l’est aussi. Le moteur principal de lutter est le savoir. Il faut répandre la connaissance avec une lecture intelligente de l’islam. L’islam est pleinement compatible avec la République. C’est un faux débat. La quasi-totalité des musulmans de France vivent bien sous la République. Leur seul hic est la production de vexations et d’amalgames. Certains coins de France ne vivent plus sous le régime « Liberté, Egalité, Fraternité ». Pour lutter contre le radicalisme religieux, il faut donner à ces jeunes un rôle, un titre et une appartenance. Jeune des quartiers ou beur ne sont pas des titres. L’offre djihadiste le fait. Nous devons faire de même dans la République. Une personne qui est bien dans la société ne va pas aller se radicaliser.

Karim Guellaty, Heureux comme Abdallah en France

Karim Guellaty, Heureux comme Abdallah en France, Editions Encre de Nuit

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.