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La formation des jeunes, grande oubliée du football en Algérie

Le pays, vainqueur de la dernière Coupe d’Afrique des nations, regorge de talents dont le développement est négligé par les clubs locaux, en quête de résultats immédiats.

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Publié le 07 mai 2021 à 20h00

Temps de Lecture 4 min.

La sélection algérienne lors d’un match amical contre la Colombie, à Villeneuve d’Ascq (France), en octobre 2019.

Il suffit d’un coup d’œil aux archives du ballon rond pour saisir la lente érosion de la politique de formation en Algérie. Quand les Fennecs participent à leur première Coupe du monde, en 1982 en Espagne, quinze des 22 joueurs retenus par le sélectionneur Rabah Saadane évoluent dans le championnat local. En 1986 au Mexique, c’est encore le cas pour la moitié de l’effectif. Mais vingt-quatre ans plus tard, lors de leurs retrouvailles avec le gratin du football mondial en Afrique du Sud, les Algériens – avec de nouveau Saadane sur le banc de touche – ne sont plus que trois (sur 23) à jouer dans leur pays. Et cette année, l’entraîneur Djamel Belmadi n’a convoqué aucun footballeur local pour les matchs qualificatifs pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2022 face à la Zambie (3-3) et au Botswana (5-0).

En Algérie, le constat est unanime : l’équipe nationale a eu beau remporter la dernière CAN, le développement du football à l’échelle locale patine. « Quand le professionnalisme a été adopté en 2010, les clubs s’étaient engagés à créer des structures, avec une place pour la formation, avec l’aide financière de l’Etat. Onze ans plus tard, il n’y a pas eu d’avancée », relève Yazid Ouahib, chef du service des sports du quotidien El Watan. La faute, selon lui, à une vision court-termiste des dirigeants actuels des clubs algériens, qui privilégient les résultats immédiats. Plutôt qu’investir dans la formation, « ils préfèrent dépenser de l’argent en achetant des joueurs lors du mercato et c’est pour ça que les effectifs changent en profondeur chaque saison », poursuit Yazid Ouahib.

Le système a l’avantage d’être lucratif pour de nombreux acteurs (joueurs, agents, dirigeants…). Aujourd’hui, certains footballeurs algériens peuvent gagner jusqu’à 20 000 euros par mois. Pourtant, « ils sont souvent clairement surcotés », estime le dirigeant d’un club professionnel sous couvert d’anonymat : « Les clubs agissent ainsi parce qu’il faut des résultats tout de suite. Le temps n’est pas un allié en Algérie, en raison de la pression des supporteurs. »

« Des lacunes au niveau tactique »

Récemment élu président de la Fédération algérienne de football (FAF), Charaf-Eddine Amara a inscrit dans son programme l’objectif de développer la formation des joueurs et des entraîneurs. Des académies ont été créées. « C’est bien, mais ce travail, c’est aux clubs de le faire en priorité, en collaboration avec l’instance, insiste Yazib Ouahib. Depuis quand l’Algérie n’a plus formé de joueurs du niveau de Lakhdar Belloumi, Rabah Madjer ou Salah Assad, héros de la Coupe du monde 1982 ? »

La situation actuelle tranche en effet avec ce qui avait cours pendant la période allant des années 1960 à 1980. « A l’époque, les clubs, rattachés à des entreprises nationales, formaient leurs propres joueurs. Le football au niveau scolaire était également très développé. C’est ce qui a permis à la sélection nationale d’avoir une base locale pour la Coupe du monde 1982, à laquelle j’ai participé », estime Ali Fergani (71 sélections entre 1973 et 1986), qui a effectué toute sa carrière en Algérie (Nasr Athletic Hussein Dey et Jeunesse sportive de Kabylie) avant de devenir entraîneur et sélectionneur national.

A moyen terme, ce manque d’investissement dans les talents a des conséquences sur la bonne santé du sport. Le Français Alain Michel, qui a entraîné sept clubs algériens entre 2008 et 2019 – dont le Mouloudia Club d’Alger, le Chabab Riadhi de Belouizda et le Nasr Athletic Hussein Dey –, a pu le constater. « On ne va pas dire qu’il n’y a rien, concède-t-il. Les clubs ont des équipes de jeunes, il y a des championnats… Mais ce n’est pas de la formation au sens où on l’entend en Europe, avec des joueurs qui vivent ensemble dans un centre, qui s’entraînent plusieurs fois par jour. C’est pour ça que les joueurs algériens, plutôt doués et techniques, peuvent avoir des lacunes au niveau tactique ou physique et n’ont pas toutes les bases du professionnalisme. »

Des Fennecs nés et formés en France

Seul le Paradou Athletic Club (PAC), fondé en 1994 par l’homme d’affaires Kheïreddine Zetchi, président de la FAF de 2017 à 2021, fait figure d’exception. Installé à Hydra, sur les hauteurs d’Alger, le PAC, qui évolue en Ligue 1, a fait de la formation le socle de son projet. Aujourd’hui, plusieurs joueurs sortis de ce centre de formation évoluent dans des clubs du top 5 européen : Ramy Bensebaini à Mönchengladbach (Allemagne), Farid El Melali à Angers (France), Youcef Atal et Hicham Boudaoui à Nice (France).

« Hormis ces exemples, très peu de joueurs nés en Algérie et qui y ont débuté leur carrière sont partis en Europe. Il y a bien Islam Slimani et Djamel Benlamri [tous deux à l’Olympique lyonnais] ou Hilal Soudani, aujourd’hui en Arabie saoudite, mais c’est très marginal, reprend Ali Fergani. Paradou a montré que cela pouvait marcher, à condition d’en avoir la volonté, de prendre du temps et d’y consacrer des moyens. Mais en Algérie, la priorité reste la sélection nationale. »

Pour constituer l’effectif des Fennecs, le pays s’appuie très majoritairement sur des joueurs binationaux, nés et formés en France. Et il n’y a pas de raison que la tendance s’inverse. Djamel Belmadi a la chance de pouvoir s’appuyer sur une très belle génération, incarnée par Riyad Mahrez (Manchester City, en Angleterre), Aïssa Mandi (Betis Séville, en Espagne) ou Sofiane Feghouli (Galatasaray, en Turquie). « Mais ces joueurs ne sont pas éternels, insiste Ali Fergani. On ne pourra pas toujours compter sur la formation française et c’est pour ça qu’il faut faire évoluer les choses pour qu’à terme, quelques locaux formés en Algérie puissent intégrer les Fennecs. »

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