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C’est un provisoire qui s’éternise au point d’ajouter à un brouillard politique déjà bien épais en Tunisie. Sept semaines après le coup de force du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui s’est arrogé, le 25 juillet, les pleins pouvoirs en invoquant un « péril imminent » pesant sur la nation, l’inquiétude grandit face à la difficulté du président à clarifier son scénario de sortie de crise.
En attendant une adresse à la nation sans cesse annoncée pour « les jours prochains », le pays est toujours privé d’un premier ministre et d’un Parlement, tandis que le flou persiste sur la refondation du système politique que le président appelle de ses vœux. Le 24 août, il avait prorogé « jusqu’à nouvel ordre » l’état d’exception proclamé un mois plus tôt. Mais pour aller dans quelle direction ? Face à tant d’incertitudes, les impatiences se manifestent de plus en plus ouvertement, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays où pâlit l’étoile de la Tunisie.
Quand le chef de l’Etat, 63 ans, enseignant en droit constitutionnel, élu en 2019 à la faveur d’un vote antisystème, avait activé, le 25 juillet, l’article 80 de la Constitution sur l’« état d’exception », des scènes de liesse populaire, dans les rues de Tunis, avaient salué son geste d’autorité. La population tunisienne était à bout de patience face à la paralysie des institutions, due aux guerres de tranchées entre le palais présidentiel, la tête du gouvernement et un Parlement fragmenté, alors que la situation socio-économique se détériorait, sur fond d’emballement de l’épidémie de Covid-19.
« Absence de dialogue et de communication »
Ennahda, formation issue de la matrice islamiste, premier parti à l’Assemblée et, à ce titre, pivot de la coalition gouvernementale, avait cristallisé l’essentiel de ce ressentiment populaire. Aussi la révocation du premier ministre Hichem Mechichi – un bureaucrate aspiré dans l’orbite d’Ennahda par l’effet mécanique d’une Constitution à dominante parlementaire – et le « gel » des activités de l’Assemblée avaient imposé l’image positive d’un homme à poigne s’attaquant frontalement aux démons de la corruption et à la déliquescence de l’Etat.
Or, plus de cinquante jours plus tard, la cote du chef de l’Etat commence à présenter des signes de faiblesse, malgré sa popularité persistante. La perplexité monte, alors que Kaïs Saïed peine à nommer un nouveau premier ministre et à divulguer le scénario institutionnel qui, selon ses proches, est voué à clôturer une décennie post-2011 marquée par un parlementarisme dysfonctionnel. Sa réflexion sarcastique, invitant ceux qui lui réclament une « feuille de route » à aller consulter les « livres de géographie », a ajouté au scepticisme.
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