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L'insupportable obscénité

• La jeunesse sans pain de Mohamed Choukri.

Par BERNARD ALLIOT

Publié le 22 février 1980 à 00h00, modifié le 22 février 1980 à 00h00

Temps de Lecture 3 min.

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AU cimetière, l'herbe abonde " autour des tombes oubliées ". Celles des pauvres s'effondrent et s'amalgament. Les tertres se confondent bientôt avec les enflures du terrain. Les vivants marchent sur les morts qui nourrissent l'herbe verte si recherchée. D'une cueillette de Mohamed, la mère fit " un bon repas ".

Quelque part sous cette terre chavirée, repose le corps d'Abdelkader, le frère de Mohamed. Abdelkader avait été de santé fragile. Mohamed se souvient de ses yeux " profonds et hagards " : une " absence ". Au cours d'une de ses haineuses colères, le père a saisi le petit malade et lui a " tordu le cou ".

C'est la famine des années 40 qui a chassé, d'un village du Rif vers Tanger, la famille de Mohamed Choukri. Le Maroc est réglé encore à l'heure du protectorat français. L'armée espagnole, que le père de Mohamed a désertée, occupe le nord du pays. Quand cet infanticide amnésique revient dans sa famille, il frappe. Mohamed fuit souvent, ensanglanté. Il préfère rencontrer son père dans la rue car les passants s'interposent... Plus tard, au cinéma, il s'identifie à l'acteur : " Avec mon arme je tire plusieurs rafales sur mon père. "

Une famille entière a renoncé. Elle n'avait pas mangé depuis des jours et des jours. Alors, le père a élevé un mur à l'intérieur de la maison. Tous sont morts. Mais les misérables subissent, pour la plupart, leur enfermement à la lumière des rues : l'avenir y est au bout de l'instant, les luttes pour la survie y règlent la liberté. Dès sa sixième année, Mohamed doit se procurer sa nourriture. Il pratique ces petites tâches qui assurent un contentement de soi et une bonne exploitation à l'employeur. Il fait aussi l'apprentissage de la solitude et des lits de fortune : il dort souvent au cimetière par crainte des viols. Mohamed devient une jeune brute, à l'affût des rapines. Dans cet univers de violence, " le plus malheureux sera le dernier à disparaître ".

Revanche sur la mort, éclôt une sexualité brutale, élémentaire. Un désir premier comme celui de manger, un besoin physiologique sans amour : la tendresse est totalement exclue. Si Mohamed rêve de " la vie ", de " tous les plaisirs " et parfois, qu' " il s'envole ", il décrit la sexualité avec une simplicité vertigineuse. La femme, à sa surprise, possède un " sexe qui ne mord pas " ". Ses étonnements ne durent guère au contact des proxénètes et de l'amour tarifé.

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