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« L’Orientalisme », d’Edward Said : un autodafé pour les orientalistes

Le critique et militant palestinien récuse les images que les Occidentaux ont données de l’univers arabe.

Par JEAN-PIERRE PÉRONCEL-HUGOZ.

Publié le 24 octobre 1980 à 00h00, modifié le 10 mai 2021 à 10h39

Temps de Lecture 6 min.

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« L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident », d’Edward W. Said, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Catherine Malamoud, Seuil, 392 p.,

HENRI GUILLEMIN s’est fait une réputation en remettant en cause tel ou tel personnage historique. Edward Saïd, professeur de littérature anglaise à l’université Columbia, à New York, s’attaque, lui, à toute une science, vieille de deux siècles, dans sa version moderne : l’orientalisme.

Devant une telle entreprise on incline d’abord au scepticisme. Certes, la discipline visée n’a pas, loin de là, produit que des chefs-d’œuvre, parmi les quelque quatre-vingt mille ouvrages qu’elle a suscités dans les langues européennes depuis 1800 ; mais elle a toute de même contribué à restituer leur passé préislamique à l’Égypte ou à la Mésopotamie, et elle a apporté à l’intelligentsia occidentale une connaissance, certes insuffisante de l’univers arabo-musulman (1), mais mille fois plus large que le savoir sur l’Occident répandu parmi l’élite pensante arabophone – l’ « occidentalisme » qui, en deux cents ans, n’a donné que quelques centaines d’études, restant un projet.

Puis on se dit : après tout, pourquoi pas ? Rien n’est sacré, ni définitif. De plus, l’auteur a un profil qui peut séduire ; d’origine palestinienne, élevé en Égypte, attentif à la culture française, âgé aujourd’hui d’à peine quarante ans, ne rabâchant pas les vieux clichés marxisants chers à nombre de ses pairs il a en outre la vertu, une fois établi à New-York, de braver, avec le groupe des diplômés arabes américains, le robuste conformisme intellectuel, trop marqué par le sionisme, de cette ville.

De Dante à Kissinger

Et on se lance dans le texte très serré de L’Orientalisme. Dès l’introduction, on bute sur Flaubert, rescapé de Sartre et qui, bien que n’ayant jamais prétendu au titre d’orientaliste, eut l’imprudence de commettre un certain nombre de pages orientales. Cela lui vaut, cette fois, d’inaugurer le jeu de massacre qu’Edward Saïd va mener d’une seule haleine durant quatre cents pages contre les orientalistes, ou assimilés, français et anglo-saxons. Les ébats auxquels Flaubert se livra (à Esneh, en Haute-Égypte, et non pas à Ouadi-Halfa, à la frontière soudanaise, à environ 500 km de là, comme l’écrit E. Saïd), avec l’aimée Koutchouk-Hanem, peuvent servir de « prototype au rapport de forces entre l’Orient et l’Occident et au discours sur l’Orient que [ce rapport de forces] a permis ». L’orientalisme implique bien « volonté de savoir et connaissance », mais cela est gâté par le fait qu’il est « tout agression, activité, jugement ».

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