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Le kiwi au centre d’une grossière fraude électorale en Nouvelle-Zélande

Lors de l’élection de l’« oiseau de l’année 2020 », le kiwi d’Owen a été brièvement propulsé en première position grâce à plus de 1 500 votes frauduleux dont l’origine demeure mystérieuse.

Publié le 11 novembre 2020 à 16h45, modifié le 12 novembre 2020 à 11h15 Temps de Lecture 3 min.

Un kiwi d’Owen surveille ses oeufs, en Nouvelle Zélande.

Il est dodu et duveteux. Il fait la taille d’un petit poulet, a des ailes atrophiées et un long bec. Doté d’un plumage gris-brun, il a un peu la forme d’une poire. Surtout, il est à l’origine d’une fraude électorale massive. Il s’agit du kiwi pukupuku, également appelé kiwi d’Owen, la plus petite des cinq espèces de kiwis répertoriées en Nouvelle-Zélande.

Comme tous les ans depuis 2005, les habitants de cet archipel du Pacifique sont invités à voter par Internet, du 2 au 15 novembre, pour élire l’« oiseau de l’année ». Pour Forest & Bird, l’association environnementale à l’origine de ce concours, l’objectif est de sensibiliser les Néo-Zélandais à la protection de la faune et de la biodiversité : le pays compte plus de deux cents espèces d’oiseaux indigènes, dont beaucoup sont menacées ou en voie d’extinction.

Le mode de scrutin est le même que celui utilisé pour les élections locales : chaque votant peut choisir jusqu’à cinq espèces, classées par ordre de préférence. L’année dernière, le manchot antipode, aussi connu sous le nom de manchot à œil jaune, était arrivé en tête des suffrages. En 2018, c’est le kereru, un pigeon sauvage connu pour s’enivrer en avalant des fruits fermentés, qui avait gagné l’élection.

Lundi matin, le toroa (l’albatros des antipodes) et le kakapo (un perroquet nocturne incapable de voler) étaient bien partis pour l’emporter, rapporte le New York Times. Mais dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 novembre, la machine électorale s’est enrayée : plus de 1 500 bulletins frauduleux ont été enregistrés en faveur du kiwi. Ces voix – qui ont été retirées depuis – ont brièvement propulsé le volatile emblématique du pays en première position.

C’est Yvan Richard, un « data scientist » du cabinet de conseil Dragonfly, qui a découvert le pot aux roses. Son entreprise, basée à Wellington, s’était portée volontaire pour surveiller le déroulement du vote. En réalité, la tricherie n’a pas été difficile à repérer car les fraudeurs n’ont pas été très discrets. « Quand un oiseau obtient un très grand nombre de voix au milieu de la nuit, et qu’il passe du milieu du peloton au sommet du classement, c’est le signe qu’il se passe quelque chose », a expliqué Edward Abraham, le fondateur de Dragonfly.

Un emblème national

« C’est un peu décevant que des gens décident de tester leurs petites arnaques technologiques sur l’“oiseau de l’année” », a regretté Laura Keown, la porte-parole du concours, sur Radio New Zealand. Personne n’a revendiqué ce « hack » électoral, et on ignore qui pourrait en être à l’origine. « Je ne sais pas quel genre de personne pourrait faire ça, mais je me plais à penser qu’il s’agit de quelqu’un qui aime vraiment les oiseaux indigènes », a ajouté Mme Keown. 

« En tant qu’emblème national d’Aotearoa [le nom maori pour désigner la Nouvelle-Zélande], le kiwi d’Owen incarne les valeurs de démocratie, d’équité, d’égalité et d’honnêteté des Néo-Zélandais. Nous ne tolérons pas les votes illégaux en faveur de notre mignon petit oiseau », a également mis en garde la porte-parole du concours.

Le kiwi d’Owen était autrefois le plus commun des kiwis. Aujourd’hui, il a presque totalement disparu des îles principales de Nouvelle-Zélande. Les 1 900 spécimens restants vivent sur l’île de Kapiti, un sanctuaire pour oiseaux situé au sud-ouest de l’île du Nord. Ils y sont à l’abri de leurs nombreux prédateurs : chats, cochons, rats, hermines, opossums… Le kiwi pukupuku est désormais classé « quasi menacé » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Cette tentative de fraude n’est pas la première dans l’histoire de l’« oiseau de l’année ». En 2015, deux adolescentes avaient créé plus de deux cents fausses adresses mail pour essayer de faire gagner le kokako (ou glaucope cendré), connu pour son chant extrêmement puissant et varié. Et en 2017, l’aigrette à face blanche, un petit héron au plumage clair, avait temporairement bénéficié des votes de bots informatiques.

« ARRÊTEZ DE COMPTER »

Cette année, un autre micmac électoral pourrait, peut-être, s’ajouter au « kiwi Gate ». D’après les derniers résultats, le toroa et le kakapo restent au coude-à-coude. Mais, sur Twitter, le compte VoteToroa, qui soutient l’albatros des antipodes, a affirmé dès le 5 novembre que l’élection était jouée, et que son candidat l’avait emporté haut la main :

« ARRÊTEZ DE COMPTER. @VoteToroa a officiellement gagné l’#OiseauDeLAnnée2020. Plus besoin de compter, l’affaire est dans le sac. »

Accusé par un autre utilisateur d’avoir bourré les urnes, VoteToroa a répondu :

« Les toroas sont connus pour voler à travers le monde et nous avons beaucoup de voix en provenance du Chili et d’autres endroits de l’océan Pacifique. Ce sont des bulletins de vote TOTALEMENT légaux et VALIDES. »

Ça ne vous rappelle personne, cet entêtement et cette mauvaise foi ?

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