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Marjorie Taylor Greene, la républicaine complotiste de l’extrême vue comme un « cancer » jusque dans son propre parti

L’élue de Géorgie, qui navigue dans des sphères allant de QAnon jusqu’à la remise en cause du 11-Septembre, s’est mise à dos toute la classe politique, y compris le Parti républicain, depuis son élection.

Publié le 02 février 2021 à 16h58, modifié le 03 février 2021 à 08h11 Temps de Lecture 6 min.

Marjorie Taylor Greene lors de la session de rentrée de la Chambre des représentants à Washington, DC, le 3 janvier.

C’était au mois d’août 2020, elle venait de remporter la primaire du Parti républicain en Géorgie et Donald Trump tweetait qu’il voyait en elle l’une des « futures étoiles » de la formation. Quelques semaines plus tard, le 3 novembre, Marjorie Taylor Greene est entrée à la Chambre des représentants, élue par le 14e district de Géorgie, dans le nord-ouest rural de l’Etat. Elle fait désormais partie des partisans les plus ardents de l’ancien président, de ceux qui ne regrettent rien, droits dans leurs bottes, alors même que Donald Trump s’est retiré à Mar-a-Lago, en Floride, et laisse planer le doute sur son avenir.

Tandis que le Parti républicain essaie de tourner la page du magnat de l’immobilier, en quelques semaines, cette femme de 46 ans a réussi à monopoliser le devant de la scène, malgré une série d’avertissements venus de son propre camp, rapporte le média Axios.

Sa présence au Congrès ne passe pas inaperçue. Lors de la première session parlementaire, le 3 janvier, elle arborait ainsi un masque sur lequel était écrit « Trump Won » (« Trump a gagné »). Ne cachant pas ses affinités avec la mouvance complotiste QAnon, elle avait par ailleurs tweeté à la mi-janvier que les élections sénatoriales de Géorgie étaient entachées de fraude, ce qui lui avait valu quelques heures de suspension de son compte.

Lire notre dossier : Article réservé à nos abonnés QAnon : aux racines de la théorie conspirationniste qui contamine l’Amérique

Vendredi 29 janvier, une de ses collègues démocrates à la Chambre, la députée du Missouri Cori Bush, a annoncé sur la chaîne MSNBC qu’elle avait été obligée d’éloigner son bureau de celui de Marjorie Greene pour des raisons de « sécurité ». Lors d’une rencontre dans les couloirs du Capitole, Mme Bush a demandé à Mme Greene et à son équipe de respecter les consignes de port du masque, ce à quoi elle s’est entendu répondre qu’elle ne devait pas… encourager à la violence en soutenant le mouvement Black Lives Matter.

Cori Bush a précisé qu’elle déménageait son bureau, non par « peur » de Mme Greene mais parce qu’elle veut pouvoir travailler sans passer son temps à vérifier « si une suprémaciste blanche du Congrès, du nom de Marjorie Taylor Greene… ne conspire pas contre nous ».

Une succession de dérapages

Avant son arrivée au Capitole, Marjorie Taylor Greene avait déjà commencé à faire des vagues. Sur ses réseaux sociaux, ses prises de positions sont un véritable catalogue des thèses complotistes. En juin 2020, Politico rapportait qu’elle avait publié des heures de vidéos sur Facebook dans lesquelles elle multipliait les commentaires racistes, islamophobes et antisémites, affirmant notamment que les Noirs « sont tenus en esclavage par le Parti démocrate », et que George Soros, « méga donateur juif démocrate, est un nazi ».

A propos du 11-Septembre, elle estimait qu’il n’y avait aucune preuve qu’un avion s’était écrasé sur le Pentagone. En janvier 2019, elle « likait » un commentaire sur Facebook qui suggérait d’assassiner la speaker (présidente) de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et quelques mois plus tard, postait une photo d’elle armée d’un fusil d’assaut la présentant comme « le pire cauchemar » d’Alexandria Ocasio-Cortez, de Rashida Tlaib et d’Ilhan Omar, trois élues démocrates honnies par le Parti républicain.

Les survivants de la fusillade de Parkland, en 2018, viennent de demander au Parti républicain de condamner publiquement Mme Greene

De leur côté, les survivants de la fusillade de 2018 au lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride, (17 morts), viennent de demander au Parti républicain de condamner publiquement Mme Greene pour avoir suggéré que cette tuerie était un coup monté pour porter atteinte au 2e amendement. Une vidéo récemment mise en ligne la montre, aux abords du Capitole, en train de provoquer David Hogg, survivant de ce massacre qui est devenu l’une des figures de proue du mouvement luttant contre le lobby des armes à feu. Pour enfoncer le clou, March for Our Lives, groupe formé après la tuerie et qui œuvre à la prévention de la violence armée, a publié sur Twitter une déclaration d’un seul mot à l’intention de Mme Greene, « Démissionnez », et lancé une pétition dans ce sens.

De son côté, la Republican Jewish Coalition a publié un communiqué condamnant le comportement de l’élue et rappelant qu’elle s’opposait à sa candidature en 2020, « en raison de ses discours » et de « sa promotion des théories complotistes ».

En effet, dans un message exhumé par le site Media Matters, elle insinuait que le « Camp Fire », un incendie dévastateur qui a ravagé la Californie à l’automne 2018, aurait pu être déclenché par des rayons solaires dirigés depuis l’espace par des travaux de l’entreprise Solaren, qui a noué un partenariat avec le fournisseur d’énergie Pacific Gas and Electric (PG & E), et dont l’un des membres du conseil d’administration est également vice-président de la banque d’affaires Rothschild. Qu’importe si l’enquête a conclu qu’il avait été déclenché par des câbles électriques appartenant à PG & E.

Une épine dans le pied du Parti républicain

Ces révélations ont poussé Jimmy Gomez, un élu démocrate de Californie, à présenter une résolution demandant son expulsion du Congrès ; une cinquantaine de ses collèges se sont dits prêts à la soutenir mais la démarche a peu de chances de réussir. Si la Constitution permet aux deux chambres du Congrès de sanctionner leurs membres (article I, clause 5, section II), l’expulsion de l’un d’eux nécessite une majorité des deux tiers pour être adoptée. Cette procédure a été utilisée vingt fois dans l’histoire, rappelle la chaîne CNN, dont la dernière en 2002.

Deux autres élues démocrates, Nikema Williams et Sara Jacobs, prévoient d’introduire une résolution visant à censurer Mme Greene. Cette procédure est plus facile à mettre en œuvre et ne nécessite qu’une majorité simple pour être adoptée. Mais la sanction pourrait avoir l’effet inverse de ce qui est recherché. La républicaine pourrait bien porter cette marque d’infamie comme un badge d’honneur, prouvant qu’elle est la victime de l’establishment qu’elle critique justement.

Nancy Pelosi a appelé Kevin McCarthy, le chef des républicains à la Chambre, à prendre ses responsabilités, comme il l’avait fait en janvier 2019 lorsqu’il avait sanctionné Steve King, représentant de l’Iowa qui avait défendu ouvertement le suprémacisme blanc.

Il en faut plus pour faire reculer l’élue. Mme Greene a répondu aux critiques par le défi : « Je ne reculerai jamais. Je n’abandonnerai jamais », a-t-elle écrit, vendredi 29 janvier, sur Twitter. Ajoutant un avertissement inquiétant pour les membres de son parti : « Si les républicains se dégonflent, laissent les démocrates et les médias m’éliminer, ils risquent d’ouvrir la porte à l’élimination de tous les républicains. »

Dans un éditorial, le New York Times a apostrophé le Parti républicain, suggérant que Marjorie Taylor Greene a largement dépassé les bornes et qu’il était temps de réagir.

Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, qui s’y est essayé, vient d’en faire les frais. Lundi 1er février, il l’a, sans la nommer, qualifiée de « cancer » pour la formation. « La personne qui a suggéré qu’il n’y avait peut-être pas d’avion qui s’était écrasé sur le Pentagone le 11 septembre, que les épouvantables fusillades dans les écoles avaient été mises en scène, que les Clinton sont responsables du crash de l’avion de JFK Jr. ne vit pas dans le monde réel », a fait valoir le sénateur du Kentucky dans un communiqué adressé au média The Hill.

Pique à laquelle l’intéressée a répliqué vertement : « Le vrai cancer du Parti républicain, ce sont les républicains faibles qui ne savent que perdre avec grâce. C’est pourquoi nous sommes en train de perdre notre pays. »

Le chef des républicains à la Chambre, Kevin McCarthy, devrait essayer à son tour de la raisonner. Et risquer de diviser un peu plus son parti.

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