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La NASA révèle les ravages de l’orpaillage au Pérou

Une photo diffusée par l’agence spatiale américaine de la région de Madre de Dios met en évidence les ravages de l’orpaillage illégal, en révélant ces « rivières d’or » qui défigurent l’Amazonie.

Publié le 16 février 2021 à 13h26, modifié le 16 février 2021 à 13h56 Temps de Lecture 3 min.

Le cliché, réalisé à l’aide d’un téléobjectif de 400 mm depuis la Station spatiale internationale, fait apparaître les « rivières d’or ».

Du XVe au XVIIe siècle, les conquistadors ont cherché les cités d’or légendaires. A présent, du Pérou au Brésil, en passant par la Colombie, le Surinam ou encore la Guyane française, les « garimpeiros », les orpailleurs clandestins, rêvent eux aussi de trouver l’Eldorado. Ils explorent les cours d’eau à la recherche de la moindre pépite, déboisant des hectares de forêts primaires, décimant les écosystèmes en y déversant des litres de mercure qui empoisonnent les sols et les rivières.

Une photo, diffusée le 7 février par l’Agence spatiale américaine (NASA), prise par un astronaute de la Station spatiale internationale le 24 décembre à 420 kilomètres d’altitude au-dessus de la région de Madre de Dios et du rio Inambari, dans le sud-est du Pérou, met en évidence les ravages de l’orpaillage illégal, en révélant ces « rivières d’or » qui défigurent l’Amazonie.

Ce cliché, réalisé à l’aide d’un téléobjectif de 400 mm, fait apparaître un paysage de cratères remplis d’une eau dorée, qui sont autant de bassins creusés par des « garimpeiros », ces mineurs qui défient les autorités en prospectant les rivières afin de récolter quelques grammes d’or.

Leurs chantiers de prospection, d’ordinaire cachés des regards des satellites par la couverture nuageuse ou apparaissant ocre ou gris, ont été exceptionnellement révélés grâce aux reflets des rayons du soleil. Chacun de ces bassins est entouré de zones où la forêt a été défrichée à coup de bulldozer. Ces étendues déboisées suivent le cours d’anciennes rivières où des sédiments, dont de l’or, ont été déposés.

Le Pérou en est le sixième producteur mondial, avec environ 140 tonnes par an, dont une partie vient de ces mines illégales. L’essentiel provient de la région de Madre de Dios, située dans le sud-est du pays, à la frontière avec la Bolivie et le Brésil. Au cours des trente-cinq dernières années, le nombre de chantiers illégaux créés par ces mineurs à la recherche de petits dépôts d’or alluvial dans l’Amazonie péruvienne a augmenté de 670 %, rapporte un groupe de chercheurs péruviens et américains.

Déforestation et pollution au mercure

L’image satellite montre aussi la petite ville de Nueva Arequipa, située sur le trajet de la route interocéanique du Sud, laquelle traverse l’Amérique du Sud du Brésil au Pérou, reliant l’Atlantique au Pacifique. Inaugurée en 2011, cette autoroute était initialement destinée à faire décoller le commerce et le tourisme entre les deux pays. Dans la pratique, elle ne contribue qu’à l’accélération de la déforestation, en permettant aux orpailleurs de se déplacer d’un chantier à l’autre, autant de zones de non-droit qui alimentent toutes sortes de trafics.

Vue aérienne d’une zone déboisée de la région Madre de Dios, pendant l’opération « Mercure », en février 2019, destinée à lutter contre l’orpaillage clandestin.

Des dizaines de milliers de personnes tentent de gagner leur vie grâce à cette activité illégale qui, en plus d’être responsable de la déforestation, pollue la région, en raison de l’utilisation du mercure. Les « garimpeiros » utilisent ce métal, liquide à température ambiante, afin d’amalgamer les paillettes d’or qu’ils arrachent aux sables des rivières.

Le mélange obtenu est alors chauffé à plus de 400 °C afin de récupérer le métal précieux. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) rapporte que les orpailleurs opérant en Guyane utilisent en moyenne 1,3 kg de mercure pour récupérer 1 kg d’or. Jusqu’en 2017, près de 180 tonnes de mercure étaient ainsi utilisées chaque année dans l’exploitation illégale de l’or. Ce mercure, une fois évaporé, va polluer l’environnement :

« Lorsqu’il intègre les milieux aquatiques, des bactéries transforment [le mercure] en méthylmercure, composé facilement assimilable par les êtres vivants et neurotoxique puissant. La contamination mercurielle, à la fois d’origine naturelle et liée aux pratiques aurifères illégales, peut ainsi se concentrer le long des chaînes alimentaires aquatiques, atteignant des concentrations particulièrement importantes dans la chair des poissons carnivores. Il en découle une contamination des populations locales dont c’est la nourriture quotidienne. »

La réaction des autorités

En 2017, le Pérou a signé la Convention de Minamata sur le mercure. Lancé par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et signé par 128 Etats, ce texte cherche à « protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure et de composés du mercure », comme l’explique son préambule.

Pour se mettre en conformité avec cet engagement, le Pérou a lancé au début de l’année 2019 l’opération « Mercure » en partenariat avec Usaid, l’agence des Etats-Unis pour le développement international. Elle vise la prospection illégale et s’est d’abord focalisée sur la région de La Pampa, épicentre de cette activité qui jouxte la réserve nationale Tambopata, dont l’écosystème est menacé.

En 2020, les autorités ont étendu leurs opérations en direction d’autres zones d’orpaillage illégal de la région et ont annoncé que l’activité avait diminué de 78 %, mais continuait à menacer des zones fragiles, comme le montre justement le cliché pris par la NASA.

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